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Les premiers résultats du satellite WMAP pourraient remettre en question le modèle standard d'un cosmos infini. Les astrophysiciens "dissidents" se fondent sur ces éléments pour conforter leur théorie d'une topologie finie dans laquelle un voyageur revient à son point de départ.
Infographie : Trois hypothèses pour trois univers différents
Plus que toute autre branche de l'astronomie, la cosmologie est un art. L'art de jongler avec des myriades, de manipuler les concepts les plus abstraits et de poser les questions les plus déconcertantes. Une des interrogations qui revient en force en cette année 2003 est la suivante : quelle forme a l'Univers ? En a-t-il seulement une ?
Le sujet prête à controverse et cela ne date pas d'hier. "Dans la Grèce antique se posait déjà la question d'attribuer une forme au réceptacle que peut être l'espace, rappelle Jean-Pierre Luminet, directeur de recherche au Laboratoire Univers et théories (LUTH, CNRS-Observatoire de Paris-Meudon-université Paris-VII). Les platoniciens considéraient que l'Univers était clos, fini, délimité par un emboîtement de sphères centrées sur la Terre, la sphère ultime portant les étoiles. Les atomistes comme Démocrite et Epicure avaient une conception radicalement opposée : pour eux le monde était constitué d'un nombre infini d'atomes et par conséquent de corps célestes, baignant dans un vide infini."
Ces hypothèses ne s'appuyaient sur aucune mathématique. Mais, plus de deux millénaires après, par un malicieux caprice de la science, les équations de la relativité générale autorisent les deux solutions, Univers fini ou infini. Toutefois, ces dernières décennies, un modèle standard de la cosmologie s'est imposé suite à la théorie de l'inflation selon laquelle, tout juste après le Big Bang, l'Univers primordial aurait connu une phase d'expansion aussi brève que considérable. L'inflation a pour corollaire un Univers infini et "plat". Cette traduction du flat anglo-saxon n'implique évidemment pas que le cosmos est plat comme une limande mais que l'espace-temps n'est pas courbé et que s'y applique la géométrie euclidienne apprise à l'école. En bref qu'un vaisseau intergalactique partant de notre planète et voyageant toujours dans la même direction s'éloignerait indéfiniment de la Terre.
On le comprend aisément, dans un tel Univers infini, se poser la question de la forme ne se justifie plus. Cet article s'arrêterait donc ici sans quelques équipes de cosmologistes récusant le dogme du modèle standard et rappelant notamment que, bien avant la deuxième guerre mondiale, les pères du Big Bang, le Russe Alexandre Friedmann et le Belge Georges Lemaître avaient choisi un Univers "sphérique", c'est- à-dire un Univers fini dont l'espace-temps est courbé. En France, Jean-Pierre Luminet est un de ces frondeurs, avec ses collègues Jean-Philippe Uzan (université d'Orsay-Institut d'astrophysique de Paris), Roland Lehoucq et Alain Riazuelo (Commissariat à l'énergie atomique), épaulés par le mathématicien américain Jeffrey Weeks.
Dire que l'Univers est fini n'implique pas qu'il ait un bord (car, dans ce cas, on est en droit de se demander ce qu'il y a au-delà). Si l'on considère un explorateur situé au pôle Nord et filant plein sud, au bout de 20 000 kilomètres de cette trajectoire rectiligne, il atteindra le pôle Sud puis, continuant tout droit, finira par revenir vers son point de départ. Si l'on ajoute une troisième dimension et que l'on introduit un vaisseau intergalactique dans cet Univers sphérique, il finira, de même, par revenir sur Terre s'il voyage toujours dans la même direction.
Sur le plan cosmologique, prétendre que l'Univers a une courbure positive équivaut à dire que sa densité de matière et d'énergie - il s'agit en fait de la même chose, comme l'explicite la célébrissime formule e = mc2 -, appelée oméga (Ω, dépasse un seuil critique de 1. Si Ω est égal à 1, la courbure est nulle et l'espace euclidien. Tout le but du jeu consiste donc à peser l'Univers pour déterminer Ω...
Mais, en l'absence de balance adéquate, comment faire ? Heureusement, les astrophysiciens disposent d'un merveilleux instrument de mesure indirect grâce au rayonnement fossile, cette reli-que d'un événement spectaculaire survenu 380 000 ans après le Big Bang. A cette époque, le jeune Univers s'est suffisamment refroidi pour que les électrons, moins excités, commencent à s'associer aux noyaux atomiques. Ce faisant, ils laissèrent passer la lumière. D'opaque, le cosmos devint subitement transparent et, du même coup, éblouissant.
Le rayonnement fossile se capte dans le domaine des micro-ondes, tâche du satellite WMAP (Wilkinson Microwave Anisotropy Probe, NASA - université de Princeton). Des minuscules fluctuations de température de ce fond de ciel, les scientifiques peuvent extraire de multiples informations telles que la densité d'énergie de l'Univers. Au cours des précédentes mesures, moins précises que celles du WMAP, Ω se trouvait dans une frange plus ou moins centrée autour de 1. Aucun problème pour le modèle standard, donc.
Mais, en février, la publication des premiers résultats de WMAP a redonné espoir aux adeptes d'un Univers plus exotique. On y lisait que Ω était compris entre 1 et 1,04. La valeur de 1, synonyme d'Univers euclidien, figurait bien dans la fourchette mais à la marge... Pour Simon Prunet, chercheur à l'Institut d'astrophysique de Paris (IAP) et spécialiste du rayonnement fossile, "il n'y a pas là de motivation pour aller chercher d'autres modèles que la topologie triviale".
Jean-Pierre Luminet et ses collègues réfractaires sont d'autant moins d'accord qu'une autre mesure de WMAP a porté un second coup au modèle standard. Les fluctuations du rayonnement fossile résultent des vibrations acoustiques qui ont traversé le plasma primordial. Les chercheurs peuvent donc reconstituer la "musique" des débuts de l'Univers. Et ils ont enregistré un déficit dans les plus grandes longueurs d'onde par rapport à ce que prévoyait la théorie, comme si les notes les plus graves du cosmos manquaient à l'appel. Pourquoi ? Peut-être, répondent les cosmologistes, parce que l'Univers n'est pas assez vaste pour être en mesure de les jouer, à l'instar d'une corde de guitare qui ne peut émettre de son plus grave que ne le permettent sa longueur et son diamètre.
Simon Prunet reste prudent sur la signification de ce déficit, soulignant qu'il concerne des longueurs d'onde si importantes que les statistiques les concernant sont forcément limitées, voire mauvaises. Le chercheur de l'IAP note également que la détection de ces ondes est la plus délicate, la plus susceptible d'être contaminée par les émissions de notre Galaxie. "Toutefois, ajoute-t-il, si je me fais l'avocat du diable, si cet effet est avéré, il n'y a qu'un infime pourcentage de chance de l'obtenir dans un Univers standard..."
Si les données de WMAP sont justes, elles marqueront peut-être la revanche des partisans des Univers aux formes exotiques et aux propriétés aussi étranges que fascinantes. Le glas sonnerait également pour le dogme de l'inflation, qui prévoit un Univers extraordinairement grand. "Si on montre un jour que l'Univers est fini, il faudra tout recommencer, confirme Simon Prunet. J'imagine qu'en ce moment une bonne partie des théoriciens de l'inflation doivent chercher à concevoir des modèles qui mènent à un Univers fini." Si l'on parvient un jour prochain à déterminer la forme du cosmos, une autre question se posera : pourquoi l'Univers a-t-il "choisi" cette forme ?
Pierre Barthélémy
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La mystérieuse énergie noire
Les mesures du satellite WMAP, lancé le 30 juin 2001, ont précisé un certain nombre de données cosmologiques, à commencer par l'âge de l'Univers (13,7 milliards d'années) et sa composition. Celle-ci a de quoi laisser perplexe. On apprend en effet que 73 % du cosmos est composé non pas de matière mais d'une mystérieuse énergie noire de nature inconnue. Agissant à l'inverse de la gravité, elle est l'acteur principal de l'expansion accélérée de l'Univers, dont les chercheurs ont la preuve depuis quelques années. Les 27 % restants sont donc réservés à la matière ou plutôt aux différentes formes de matière. Car il existe aussi une matière noire, peut-être faite de particules massives mais indétectables pour le moment, qui représenteraient 23 % de la masse totale de l'Univers. La matière que nous connaissons, celle qui constitue les atomes, les étoiles et les galaxies, ne compte que pour 4 % du Grand Tout... Et encore n'en voit-on qu'un dixième. Au final, 99 % de l'Univers nous est invisible, inconnu...
? ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 18.06.03
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