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Test complet de Gamekult.com :
Je dois faire partir des rares énergumènes qui gardent leurs sauvegardes de Privateer 2 contre vents et marées. Relancer ce bon vieux mode DOS afin de s'y adonner est toujours un rare moment de nostalgie. Il faut le reconnaître, les jeux du genre mêlant combats spatiaux, exploration, commerce et une grande liberté d'action se comptent sur les doigts d'une main d'un lépreux, surtout ces dernières années. Autant dire que l'annonce de Freelancer a su faire mouche dans le coeur de nombreux joueurs, dont le mien. Après plusieurs années de développement dans la douleur, marquées par moults retards et le départ du géniteur Chris Roberts (également papa de Wing Commander), le bébé de Digital Anvil est enfin là, et en version française intégrale, comme c'est marqué en gros sur la boîte. Verdict.
Ce test est une mise à jour de notre test import paru le 28 mars dernier
Par Raggal, le 30 Mai 2003
Vers l'infini et au-delà
On l'aura compris, Freelancer est un simulateur de combat spatial à part. Plus ambitieux que ses congénères, il n'a pas pour but de proposer au joueur une "simple" campagne solo composée d'une succession de dogfights. Non, ici il va s'agir de prendre en main sa propre destinée, rien que ça, et tous les moyens sont bons pour y parvenir. Pour autant, le titre ne vous lâche pas dans la "nature" puisqu'il dispose d'une trame principale qui guidera le joueur dans l'univers de Sirius. Son background est d'ailleurs admirablement posé par une cinématique d'intro grandiose - dans la veine des I-War- qui relate le conflit interstellaire opposant l'Alliance à la Coalition. Ce conflit séculier déchirant la race humaine prend fin avec l'ascendance de la Coalition et la fuite de l'Alliance vers Sirius dans de gigantesques vaisseaux de colonisation. La civilisation reprend alors forme, de nouvelles planètes sont colonisées et l'aventure reprend ses droits. Huit siècles après la colonisation de Sirius, l'univers est de nouveau en proie à des batailles de factions et à des conflits d'intérêt que ne renieraient pas un Machiavel ou un Clausewitz. L'ascension d'une force occulte est ressentie par tous et la destruction de la base spatiale Port Franc 7 n'est que le début d'une nouvelle ère.
Vous êtes Edison Trent. Toutes vos billes ont été placées dans la cargaison pas très légale de votre vaisseau qui a explosé avec la station Port Franc 7. Ruiné mais en vie, notre pauvre hère va devoir refaire fortune avant de s'intéresser à la destruction de Port Franc 7 et à la masse de complots, de trahisons et de rebondissements qui forment le fil de la campagne solo. A l'inverse d'un shoot spatial classique, Freelancer nous laisse pourtant la liberté de nos actes. Ainsi, après la première mission obligatoire qui pose l'intrigue et fait office de rapide didacticiel, le joueur est totalement libre de continuer ou non l'aventure solo. Il est ainsi tout à fait possible de parcourir l'univers de Sirius en devenant un pur chasseur de prime, un pirate ou un commerçant, même si on sera néanmoins limité en niveau, nous empêchant ainsi d'accéder aux technologies et vaisseaux les plus avancés et par ricochet à certains systèmes. Les amateurs apprécieront tout de même, d'autant plus que l'univers est vraiment vaste. Pour tout dire, après avoir fini la campagne solo, nous n'avons visité "que" 28 systèmes sur les 40 présents et 49 bases sur les 150 annoncées, visitant au passage des douzaines de planètes. Si l'oeil du joueur n'est au début guère impressionné par la vision du hud terriblement suranné du vaisseau et par les environnements proches de la planète Manhattan, tout change quand on commence à découvrir de nouveaux systèmes. Nébuleuses, débris de vaisseaux, champs d'astéroïde ou zones minières, l'espace n'a jamais été aussi varié et rempli, avec des zones à l'ambiance oppressante ou chaleureuse, et c'est sans compter sur la présence fournie de vaisseaux alliés ou ennemis.
Pour partir à la découverte de cet univers gigantesque, Freelancer propose de nous prendre par la main via la campagne solo. Comme on l'a vu, il est certes possible de la laisser tomber à tout moment pour partir vivre sa destinée, mais dans les faits elle constituera un passage obligé, en premier lieu parce que le titre de Digital Anvil comporte quelques (rares) éléments empruntés au jeu de rôle comme la réputation à l'égard des différentes factions ou vos qualifications. A l'instar de tout RPG, le joueur est en effet jaugé selon une échelle de niveau sauf qu'ici, c'est l'argent qui prend la place traditionnellement dévolue aux points d'XP. En amassant un pécule de plus en plus gros, le joueur montera ainsi de niveau lui permettant d'acheter des vaisseaux et des armes de plus en plus léthaux. Le hic, c'est que parfois la montée de niveau est subordonnée à la réussite d'une mission de la campagne solo. Du coup, il sera nécessaire de passer par les missions de la campagne, ne serait-ce que pour avoir accès à tous les systèmes ou pour pouvoir s'offrir un plus gros cargo ou un chasseur léger plus puissant. A force de devoir revenir dans l'histoire de la campagne, la quasi-totalité des joueurs décidera donc de la suivre de bout en bout, pour éviter toute frustration superflue. Et il faut dire que la seule frustration de l'histoire de la campagne solo réside dans sa durée de vie qu'on estimera à une douzaine d'heures pour un joueur expérimenté, bien plus pour les novices ou ceux qui aiment prendre leur temps. Tout le reste, en effet, est à la hauteur de nos espérances : une intrigue immersive, des scènes cinématiques réussies utilisant le moteur du jeu, un subtil dosage de la difficulté, et le vrai sentiment de participer à une histoire dont on ne révèlera rien, pour ne pas spoiler le plaisir de jeu. Freelancer est un véritable gouffre temporel qui nous fait oublier tout ce qui nous entoure, et c'est là la marque des grands jeux.
Le Guide Intergalactique du Routard
L'espace est infini et dans ces conditions on se demande comment il est possible d'endosser les casquettes de mercenaire, de pirate ou de marchand. Difficile, en effet, de trouver ses proies dans un univers aussi grand, et les jeux du genre ont longtemps usé d'artifices. Ici, les développeurs de Digital Anvil ont eu un éclair de génie en imaginant les autoroutes spatiales. Il s'agit en fait de voies à double sens, formées par un ensemble d'arceaux, qui relient plusieurs parties d'un système. La vitesse atteinte sur ces autoroutes est prodigieuse et pour peu qu'on ne soit pas trop borné, on comprendra vite l'intérêt de les utiliser puisqu'elles réduisent considérablement la durée des trajets. Empruntées par tous, y compris par les cargos des différentes factions, ces routes commerciales incarnent donc une cible privilégiée pour les nombreux pirates et autres mercenaires. Comme il est facilement possible de les interrompre momentanément en tirant sur les arceaux, on comprend qu'elles serviront de point d'achoppement : on se fera souvent attaquer par des pirates si on fait partie de leur gibier, et on s'en servira comme lieu de chasse privilégié dans la peau d'un vil pirate. Revers de la médaille, l'univers semble plat. Les autoroutes se trouvent sur un même plan, et, hormis les phases de combat, on passera la majorité de son temps sur un plan 2D, ce qui limite d'une certaine façon l'immersion. Pour autant, le titre nous plonge dans un univers comme on l'aime. Le nombre de planètes ou de bases sur lesquelles docker est assez faramineux et il sera possible d'un clic de souris de se rendre du bar (missions, rumeurs ou pots de vin pour racheter sa réputation) à l'équipementier, au fournisseur de marchandises ou au vendeur de vaisseaux. La quasi-totalité des bases suivent le meme schéma, même si sur les plus petites d'entre-elles on trouvera rarement un vendeur de vaisseaux, par exemple. Lesdits vaisseaux sont séparés en trois catégories : chasseur léger, chasseur lourd et cargo. Les deux premiers auront évidemment la primeur du joueur, d'autant plus qu'ils disposent d'une petite soute pouvant satisfaire les appétits des marchands en herbe. Le choix est d'ailleurs très varié et les trois catégories disposent de leur tripotée de vaisseaux différents, en puissance comme en design. On regrettera juste qu'on ne puisse pas disposer de plusieurs vaisseaux en même temps, via un hangar par exemple.
En effet, les différents modèles de vaisseaux s'achètent à différents endroits de la galaxie, et ce sera toujours pénible dans l'optique d'une mission de pure commerce de devoir se taper un trajet de trente-minutes pour aller racheter un cargo qu'on venait de vendre une heure avant. Ne faisons pas la fine bouche, les différents vaisseaux sont suffisamment variés pour satisfaire tout un chacun. Le choix est également pléthorique au niveau des armes, même si certains esprits grincheux regretteront le peu de catégorisation. On trouve en effet les armes à énergie (lasers de plusieurs types), les missiles, les torpilles, les cruise disruptor (pour empêcher la cible de fuir en vitesse de croisière), les leurres et les mines. Pour être exhaustif, il faut rajouter à cette liste les nanobots et les recharges de bouclier, essentiels pour retaper son vaisseau en temps réel sur le champ de bataille. Si le choix est bien là, on regrettera le manque d'armes uniques (type bombe nucléaire ou autre joyeuseté) ou l'absence de choix de moteur ou de blindage spécifique qui auraient participé d'une véritable customisation des vaisseaux. En l'état, votre Defender sera sensiblement équivalent à un Defender ennemi, avec le même moteur, la même vitesse de croisière (tous les vaisseaux ont la même vitesse !!!) et sensiblement les mêmes armes, puisque chaque vaisseau est également limité dans le niveau des armes qu'il peut emporter. Avec un tel univers à découvrir, on se dit que l'exploration est sans fin et que nous sommes en face de l'Elite du nouveau millénaire. Il va peut-être falloir revoir ses plans. Amère déception ?
Après avoir terminé l'histoire de la campagne solo, il faut bien reconnaître que l'univers de Freelancer est un peu creux. On se rend compte malheureusement trop vite que les bases se ressemblent toutes dans leur fonctionnement ou que la répétition infinie des mêmes cut-scenes sur les planètes fait plus que lasser, mais c'est surtout le manque de dynamisme de l'univers qu'il faut souligner. Les interactions avec les PNJ sont toujours aussi limitées, les procédures d'approches automatisées font regretter qu'on n'ait pas eu le droit à un système par QCM (pour déclarer des biens transportés, par exemple), on regrette de ne pas pouvoir entrer dans l'atmosphère des planètes mais surtout les forces en présence ne s'adaptent pas à votre niveau. Ca en devient parfois ridicule puisqu'une fois la campagne solo finie (avec un niveau aux alentours de 20), on n'a plus forcément envie de continuer l'aventure tant l'univers perd de sa crédibilité. On n'aura ainsi aucun mal à traverser des zones avec des produits illicites en toute tranquillité malgré les vérifications de marchandises assez fréquentes, puisque vous désintégrerez la résistance en quelques tirs de lasers. De même, les quêtes annexes, qui font office de bouche-trou sympathique entre deux missions de la campagne solo montrent bien rapidement leur limite quand on n'a plus que ça à se mettre sous la dent. Leur répétitivité (assassinat, capture, ou destruction) devient vite lassante, et on regrette qu'il n'y ait pas de missions plus épiques ou tout simplement des missions d'escorte. De plus, comme il n'est pas possible de cumuler plusieurs missions simultanément, il va falloir après chaque assignement retourner à une base pour récupérer un nouvel office. Barbant. On se dit que tout n'est pas perdu, qu'il reste l'aspect commercial, mais ce serait également se fourvoyer.
En effet, Freelancer est affublé d'une véritable tare pour un jeu de ce type, à savoir l'absence de dynamisme économique. La loi de l'offre et de la demande n'a pas cours, et comme le prix d'un bien sur une station donnée ne bougera pas d'un iota, on a vite fait de trouver les "gold routes" du jeu, comme le transport de diamants de New Berlin à New Tokyo. La carrière de commerçant est du coup beaucoup moins attrayante que prévue et c'est bien dommage. On aurait aimé pouvoir louer les services de cargos et de mercenaires, créer ses propres stations minières (bien qu'il soit possible de détruire des minerais à coups de laser) ou son propre empire commercial. Il faudra repasser.
Pour autant, Freelancer n'est pas un mauvais titre, loin de là. Son gameplay, étonnamment accessible, y est pour beaucoup et devrait ramener de nombreux nouveaux joueurs au genre. Si vous ne le saviez pas encore, Freelancer se joue uniquement à la souris et au clavier, une hérésie apparente au pays des simulateurs spatiaux. Pourtant, on s'y fait très vite, et on se demande même pourquoi personne n'y avait pensé plus tôt. Si par le passé certains titres autorisaient l'utilisation de la souris et du clavier, c'était pour pallier à l'absence de joystick et non comme périphérique de contrôle principal. Ici, la molette sert de manette de gaz, et le bouton gauche enfoncé permet de pivoter dans toute direction. En situation de combat, il suffit d'appuyer sur la touche espace pour que ce soit le curseur de la souris qui dirige votre vaisseau, vous permettant d'aligner peinard l'ennemi avant de tirer avec le bouton droit. En effet, la visée dans Freelancer n'est pas calée au centre de l'écran. Tout ce qui est visible est potentiellement atteignable par vos lasers, pour peu que vous visiez bien. Ici, c'est clairement l'accessibilité qui est mise en avant. Pas de laps de temps de lock pour les missiles, pas de gestion poussée de l'énergie (système d'armes/propulsion/bouclier), pas de radar, et une gestion de la physique minimaliste. Pour autant, le fait de couper ses moteurs en plein combat est un véritable plus en conjonction avec les thrusters puisqu'il sera ainsi possible d'esquiver de fort belle manière et de suivre sa cible de manière plus appropriée. Même si ce n'est pas le coeur du gameplay, comme c'est le cas avec la série des I-War, c'est déjà ça de pris. Le clavier est mis à profit, mais de manière minimaliste. On s'en servira surtout comme dans un FPS avec les touches Q et D permettant de strafer et les touches Z et S pour la poussée. La recette fonctionne admirablement bien puisqu'on a un réel plaisir à shooter à tout va, à actionner son faisceau tracteur pour récupérer ce qui traîne, ou à lancer comme un gros traître des mines contre ses poursuivants. Une véritable réussite en ce sens, servie par une technique au goût du jour, même si certains pourraient regretter le côté trop arcade de la chose. Partouse stellaire
Ô joie, Freelancer dispose d'un mode multijoueurs. Si on est loin du mode de fonctionnement d'un MMORPG, comme il fut un temps pressenti, le titre offre cependant aux joueurs la possibilité de créer des serveurs multijoueurs persistants à la manière d'un NeverWinter Nights. Peu gourmand en bande passante, le titre demande cependant une grosse puissance processeur pour tourner en tant que serveur (les pics sont fréquents) et il est fortement déconseillé de jouer sur un serveur qui n'est pas dédié. Ainsi, si en théorie on peut monter des serveurs accueillant jusqu'à 128 joueurs (!!), dans la pratique la majorité des serveurs présents (et il y en a déjà une multitude) accueillent entre 32 et 64 joueurs ce qui est déjà suffisant pour perdre sa vie sociale. Le mode multijoueurs vous plonge dans le même univers que le jeu solo, les missions de la campagne en moins. Du coup, le plaisir de jeu dépend grandement des participants. Pour peu qu'on tombe sur un jeune prépubère niveau 30 en pleine crise identitaire, on risque de passer un sale quart d'heure avec son pauvre perso niveau 1. Heureusement, la communauté de Freelancer est dans sa grande majorité très adulte et plus adepte du roleplay que du PK sur des joueurs novices. Quoiqu'il en soit, il faut bien considérer le serveur sur lequel créer son personnage : les données du joueur étant stockées dessus, il serait dommage de perdre son perso pour l'avoir créé sur un serveur temporaire. Pour peu que l'on dispose de quelques amis, Freelancer est un véritable bonheur ludique en multi. L'entraide est de mise et les missions annexes pourtant si fades en solo prennent toute leur ampleur. Si on peut déplorer le manque d'ordre à ses alliés, du type "attaquez ma cible" ou "détruisez le salopiaud qui attaque ma cargaison de diamants", on apprécie cependant énormément puisqu'on peut se laisser aller à former de véritables convois formés de un ou deux cargos et de nombreux chasseurs d'escorte. Incarner un marchand devient ainsi un véritable plaisir en soi, puisque protégé par ses amis, on peut enfin se laisser aller à utiliser le mode tourelles (qui offre une zone de tir totale) sans trop se soucier de devoir effectuer des manoeuvres d'évasion que peuvent seuls se permettrent les chasseurs. Après une trentaine d'heures de jeu en multi riches d'épopées, de sueur froide et de trahison, nous ne sous en sommes toujours pas lassés malgré le manque d'informations pratiques (ping, chat parfois caché par les interfaces, impossibilité de transférer l'argent sur une planète) et quelques problèmes de stabilité des serveurs qui depuis la sortie américaine n'ont toujours pas été réglés à coup de patch. On notera enfin que la version française est entièrement localisée, et qu'il n'y a pas de moyen d'y jouer en VOST. Si globalement le boulot a été fort bien réalisé on risquera toutefois de s'étrangler en écoutant la voix française de notre avatar Edison Trent, déjà pas bien charismatique. Dommage.
Note : 8
Freelancer n'est pas le jeu parfait, et ce n'est pas le jeu révolutionnaire qu'on nous promet depuis de longues années. Loin d'être élitiste dans son approche comme peuvent l'être un Elite ou un Privateer, le titre de Digital Anvil propose un gameplay très accessible et des combats plus arcades qu'on aurait pu l'espérer. Il n'en reste pas moins un titre magique à bien des égards, un de ces titres qu'on attend comme le messie et qui, s'il n'incarne pas la cristallisation des attentes de nombreux joueurs, parvient tout de même à s'imposer. Ceux qui attendaient un Elite seront ainsi probablement désappointés mais la grande liberté d'action, la campagne solo captivante, les dogfights jouissifs ainsi que la présence d'un mode multijoueurs persistant font de Freelancer un morceau de choix dans la quête du bonheur ludique.
Un univers gigantesque et immersif Une campagne solo captivante Gameplay accessible et dynamique Une grande liberté de jeu Un vaste choix de vaisseaux et d'armes Multijoueurs persistant
Système économique figé Customisation des vaisseaux pas assez poussée Manque d'interaction avec les PNJ Missions annexes peu variées On aurait aimé un univers moins statique La voix française du héros, à pleurer de honte
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