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Auteur Claude Duneton
Editeur Li Livre de Poche nouvelle édition 2002 - Edition originale 1990
Collection Ldp, numéro 5516
Nombre de pages 506 pages
Format 11 cm x 18 cm
ISBN 2253027049
Résumé :
Nouvelle édition revue et enrichie de plus de 500 expressions imagées. Quelle est l'origine de la curieuse expression à la mode: prendre son pied?... Pourquoi dit-on, lorsqu'on ne se sent pas bien, qu'on n'est pas dans son assiette, ou au contraire qu'on reprend du poil de la bête, si l'on va mieux? Pourquoi passer l'arme à gauche veut-il dire "mourir" et mettre à gauche "faire des économies" ?.. Ce livre a pour objet de répondre à toutes ces questions. Ce n'est pas un dictionnaire mais un récit, écrit à la première personne par un écrivain fouineur, sensible à l'originalité du langage. Un récit alerte, souvent drôle, qui mêle l'érudition au calembour, mène à la manière d'une enquête policière et qui aiguillonne à vif la curiosité du lecteur.
Claude Duneton dit : "J'ai fait un choix, parmi les locutions que tout le monde connaît et utilise, pour retenir celles qui m'ont paru les plus riches ou les plus amusantes, ou dont l'origine éclaire tout à coup un morceau du passé. Les plus anodines ne sont pas les moins surprenantes. J'ai dû laisser en suspens des centaines de fiches incomplètes, incomplétables peut-être, un vaste terrain sur lquel il ne faut avancer qu'en tâtant de l'orteil sous peine de s'embourber jusqu'aux yeux... Seules les fourmis se retrouvent bien dans un marécage !"
Extrait :
Fier comme un pou : Être fier comme un pou est une expression incompréhensible au premier abord, et qui comme beaucoup d'autres doit son succès à son absurdité. Les poux sont des petites bêtes pleines de pattes qui se promènent parfois sur les mèches de cheveux, assez gravement sans doute, mais sans aucune fierté. Ils se sauvent dès que l'on approche le doigt, ils s'enfuient lâchement dans l'épaisseur de la chevelure comme un cafard sous un balai. Que l'on dise "moche comme un pou", cela se comprend, mais fier ?...
En réalité le "pou" en question - ou poul, ou pol - est l'ancienne dénomination du coq, le mâle de la "poule" précisément, et le papa du "poulet" ! En fait, fier comme un pou veut dire "fier comme un coq". Un petit coq même, un coquelet fringant, tout en plumes et en crête arrogante. Cela à une époque où le coq adulte s'appelait aussi jal, ou gai, du latin gallus, alors que la vermine des coiffures étaient encore un pouil, ce qui explique les "pouilleux". L'expression se rattache donc légitimement à la panoplie du cocorico national ; le mot "coq" vient d'ailleurs de "cocorico", imitation de son cri.
Quant au coq gaulois, l'emblème, il résulte d'un jeu de mots en latin entre gallus, coq, et Gallus, Gaulois, sans que nos ancêtres bien connus aient marqué une préférence particulière pour cet oiseau de basse-cour !
Avaler des couleuvres : Avaler des couleuvres c'est subir un affront, une vexation sans être en mesure de protester. Accepter bouche cousue est le lot de tous ceux qui sont en position d'infériorité et qui jugent plus utile, ou plus prudent, de se taire, soit par esprit courtisan, soit pour leur sécurité. L'accession à tous les pouvoirs suppose naturellement une forte consommation de ces reptiles ; "Il faut savoir regarder d'un il sec tout événement, avaler des couleuvres comme de la malvoisie", dit Chateaubriand qui s'y connaissait.
Mais pourquoi ces serpents particuliers ?... L'expression semble dater du XVe siècle où Furetière la définit ainsi :
"On dit qu'un homme a bien avalé des couleuvres, lorsqu'on a dit ou fait devant lui plusieurs choses fâcheuses qu'il se peut appliquer, ayant été cependant obligé de cacher le déplaisir qu'il en avait." Mme de Sévigné fait un grand usage de la tournure : "Il faut que le goût qu'il a pris pour elle soit bien extrême, puisque ce goût lui fait avaler, et l'été et l'hiver, toutes sortes de couleuvres."
Je pense pour ma part qu'il y a là quelque part "anguille sous roche". L'anguille, poisson d'eau douce à forme de serpent, constituait, du temps qu'elle foisonnait dans nos pures rivières, un mets courant et particulièrement apprécié. Il est probable que c'est par opposition à elle que la couleuvre, considérée comme répugnante et même dangereuse, intervient. Des hôtes mauvais plaisants auraient-ils servi des couleuvres en lieu d'anguilles pour éprouver la docilité de leurs convives ?... Le coup du chat à la sauce lapin ? Après tout la couleuvre est comestible, et de chair fine au dire de certains. On l'appelle aussi anguille de haie.
Sabler le champagne : "Ce vieux Crésus, en sablant le champagne Gémit des maux que souffre la campagne" dit Voltaire, ironiquement. A propos, pourquoi ce curieux "sabrage"? On n'a nullement l'impression en portant sa coupe aux lèvres de se livrer à une opération technique particulière...
On emploie cette expression depuis le début du XVIIIe siécle. Elle signifie simplement avaler d'un trait le contenu de son verre, autrementdit faire "cul-sec". L'explication traditionnelle veut que l'on compare ainsi le vin pétillant à un métal en fusion que l'on coule en une fois dans un moule de sable, opération qui s'appelle proprement sabler.
J'aime assez toutefois cette tradition des buveurs du XVIIIe que rapporte Littré, selon laquelle on saupoudrait préalablement de sucre fin la flûte à champagne après l'avoir embuée d'un souffle. Cela faisait, paraît-il, mousser le vin davantage. Il fallait l'avaler d'un seul trait. Il est à noter que les deux explications ne s'excluent nullement et que l'on peut aisément vérifier l'exactitude de la seconde...
Beaucoup moins courante est l'expression sabrer le champagne, parce qu'elle se réfère à une pratique apparemment peu connue, quiaque joliment spectaculaire.En effet, au lieu d'installer un suspense douteux avec le fameux bouchon en forme de cèpe qui n'en finit pas dese décoller, il existe une méthode originale de débouchage pour gens pressés. Il suffit de décrocher tranquillement un sabre de cavalerie, d'en poser la lame bien à plat sur le fil de la bouteille et de la faire glisser d'un vigoureux coup de poignet.
J'ignore d'où vient ce geste de cosaque. Je croirais volontiers qu'il est né spontanément dans les caves crayeuses de Champagne au cours des célèbres pillages qui ont accompagné les diverses invasions de cette partie de la Frnce. 1815? 1870? 1914?... On a la choix.
En tout cas le champagne doit être frais. Et si par hasard vous n'aviez pas un sabre sous l main lors de votre prochaine célébration, sachez qu'un fort coutau de cuisine fera parfaitement l'affaire!
·Une vie de patachon : Ce n'est qu'au XIXe siècle que l'on connut les pataches, sortes de vieilles guibardes sans ressorts, câchées, inconfortables, sui servaient de diligences aux pauvres et aux régions peu huppées. Leur conducteur était le patachon, toujours sur les routes, parmonts et par vaux, buvant sec à toutes les tavernes pour se donner l'illusion de conduire un carrosse.
Au fond, c'était un pilier de cabaret, mais ambulant!
Des expressions originaires du Québec ou d'ailleurs dans la francophonie. Vous allez y constater que j'ai découvert le "poteau rose"!
J'ai découvert le " poteau rose ". Il se trouve au coin des rues Plessis et La Fontaine, à Montréal. Un de mes voisins, se sentant très " artiste " à ses heures, a décidé de peindre tous les poteaux de la rue, au grand dam de quelques-uns de plusieurs de ses voisins. Si vous passez dans le coin, il faut voir ça!
Mais, à vrai dire, il s'agit ici d'un prétexte pour vous permettre de connaître la véritable expression française qui n'est pas " découvrir le poteau rose ", mais, bien sûr, " découvrir le pot aux roses ".
En passant, au Québec, on prononce le mot " poteau " de différentes façons selon les régions. À Québec on le prononce avec un " o " ouvert, tandis qu'à Montréal, on le prononce avec un " o " fermé. Pour éviter toute querelle, aussi bien le prononcer " entre les deux ", comme ça on ne pourra dire, si vous êtes Québécois, de quelle région vous êtes.
Par ailleurs, l'auteur français Claude Duneton, dans son anthologie des expressions populaires avec leur origine intitulée : " La puce à l'oreille ", donne une très bonne explication quant aux différentes origines possibles de l'expression " Découvrir le pot aux roses ". Voici ce qu'il en dit :
Découvrir le pot aux roses - le secret, le mystère d'une affaire - est une façon de parler qui date au moins du XIIIe siècle où on la rencontre déjà bien établie un Dit de vérité :
Car je tantost descouvreroi le pot aux roses.
Comme le remarque P.Guiraud, " ces mystérieuses roses ont depuis longtemps exercé la sagacité des linguistes ". Certains ont formulé l'hypothèse d'un pot de fleurs : " le pot aux roses ornant la fenêtre ou le balcon des belles, et sous lequel les galants plaçaient les billets doux que, naturellement, le mari jaloux pouvait " découvrir ".
Plusieurs détails rendent cette proposition inacceptable étant donné l'ancienneté de la locution. D'abord, le " pot de fleurs " ne s'emploie que depuis le XVIIe siècle et le mot " découvrir " n'a pris le sens de " faire une découverte " que vers le XVIe siècle.
Enfin, inconvénient majeur, les rosiers ne se cultivent pas en pot! Du moins, la rose actuelle, persistante, embellie, est une fleur relativement récente, qui s'est surtout développée avec les progrès de l'horticulture au début du siècle dernier. Les roses d'antan dérivaient directement de la simple églantine avec laquelle elles étaient plus ou moins confondues. (
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Autre supposition, le pot aux roses serait un " pot au rose ", c'est-à-dire un " pot qui contient le rose dont les femmes se fardent"; le découvrir serait alors découvrir l'artifice, le " secret " de la toilette d'une femme ". La même objection reste valable quant au sens tardif du mot " découvrir " au sens de " dévoiler, révéler un secret " qui devait normalement être gardé par la personne qui le laisse échapper. (
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Malheureusement, en ce qui concerne la locution, c'est à partir de là que le mystère s'épaissit! Pourquoi ces roses dans un pot? À quel usage? Et surtout, pourquoi recèleraient-elles un secret?
Critique/Presse :
Petite remarque perso : Un livre génial ! On peut l'ouvrir au hasard et il est difficile de le "lâcher", une expression en entraînant une autre, on sourit, on s'amuse, on apprend et l'on va de surprise en surprise... Toutes ces formules si truculentes de notre français de tous les jours... ces expressions que l'on emploie sans savoir vraiment d'où elles viennent... Un réel plaisir que cette découverte ! |