Citation :
Le Point, que je me retiens de qualifier d'immonde torche-cul, par la plume de Christophe Ono-Dit-Biot[1], nous apprend combien il est facile de vivre au crochet des dispositifs d'aide aux chômeurs.
C'est donc l'histoire de Thierry F., qui vivrait comme un prince des systèmes d'indemnisation du chômage depuis 24 ans.
Accrochez-vous bien, le récit vaut son pesant de cacahouètes :
Il peut être fier de lui, Thierry : trente et un mois de travail sur treize ans, pour vingt-quatre années de « farniente rémunéré ». Un hold-up pacifique, avec l'administration comme complice. (...) Son secret se nomme ASS. « Allocation spécifique de solidarité ». Ou comme il dit, lui, en remerciant la France, « Aide si sympathique ». 600 euros par mois, versés par les Assedic. A vie, et quasi sans contrôle. |
Quiconque connaît un tant soit peu le système français sait que tout cela est faux, archi-faux. Pour pouvoir prétendre à l'ASS, il faut déjà avoir touché le chômage et surtout, justifier de 5 ans de travail dans les 10 dernières années précédent le dernier licenciement. Là, vous pouvez compter comme vous le voulez, 31 mois, cela ne fait pas du tout 60 mois, ce mec n'a donc jamais été éligible à l'ASS.
Et il le prouve, en additionnant les invraissemblances.
L'ASS, c'est donc la planque. Sans compter l'allocation logement, le Fonds solidarité énergie, la taxe d'habitation presque gratuite, la prime de Noël, et tout ce qu'il pourrait toucher de la commune, mais qu'il se refuse à demander.
Le seul truc vrai, c'est la prime de Noël : 150 pour se goinfrer grave[2]. Pour ce qui est de l'allocation logement et de la taxe d'habitation, c'est au pro-rata des revenus et de la structure familiale, comme pour n'importe quel salarié. Ce qui fait que même fauché, faut quand même payer.
Parce que si ce type touchait vraiment l'ASS depuis tout ce temps, il serait vraiment fauché, car ce n'est pas 600 par mois mais 14,25/jour maximum[3], soit la somme mirifique de 441,75... les mois de 31 jours. En février, ça tombe à 399, alors que les charges, elles, tendent à rester les mêmes, mois après mois.
Sans compter que l'ASS ne dispense nullement de justifier de sa recherche d'emploi : convocations comme les potes, propositions récurrentes de stages bidons et des conseillers qui ont toujours le doigt sur le bouton à radier. Je ne vois donc pas où ce mec a vu jouer que l'ASS était une bonne planque.
De toute manière, tout pue le mensonge dans cette histoire :
Il a 44 ans et le sourire aux lèvres. Une Alfa Romeo anthracite et un appartement à lui, parce que « les locations, c'est de l'argent perdu ». Il porte un jean, un tee-shirt Levi's, mais pas de baskets de marque, parce qu'« on ne peut pas tout avoir ».
J'ai connu des chômeurs, y compris en fin de droits, qui avaient effectivement un appart' ou une bonne bagnole. Mais il s'agissait en fait des vestiges de la période plus faste où ils avaient un boulot, voire un bon boulot qui paie bien. En étant soigneux, on peut faire durer sa caisse et ses économies quelques temps. Quelques temps. Mais sûrement pas 24 ans.
Or, on veut nous faire avaler que ce gars, qui a bossé en tout et pour tout 31 mois en 24 ans et qui touche depuis tout ce temps la somme extravagante de 441,75 les mois gras, que ce gars donc, peut se payer un appart et une bagnole de bon standing.
Si vous croyez un truc pareil, vous êtes des veaux!
Avec l'ASS, il vaut mieux avoir un bail d'avant[4], parce que vous ne pourrez plus trouver un proprio qui accepte de vous louer, même un placard à balai. Et si vous êtes proprio, suite à une période plus faste ou un heureux héritage, vous n'êtes pas mieux loti, parce que la taxe foncière, elle, tombe tous les ans et elle est sans aucun rapport avec vos revenus. J'ai des potes RMIstes qui ne savent plus quoi faire de la maison de famille qui nécessite 3 mois de RMI pour s'acquitter du foncier.
Quant à la bagnole, elle s'use. Surtout que vous n'avez pas de pognon pour l'entretien normal, à peine de quoi mettre un peu d'essence, et encore, il vaut mieux se déplacer à pied vu le prix du carburant. Vous la gardez pour les grandes occasions, comme un entretien à perpète les oies pour un job que vous n'aurez de toute manière pas. Et le jour où une pièce un peu chère lâche ou qu'un connard vous emplâtre par l'arrière, ben vous êtes piéton. Parce que vous n'avez pas de quoi réparer et que l'assurance[5] ne s'occupe pas des vieux clous.
Quant à en acheter une autre, même d'occasion, c'est totalement impossible. Vous disposez de 441,75/mois. Quand vous trouvez un petit boulot[6], c'est généralement un contrat aidé, c'est à dire un CDD temps partiel qui ne vous permet même pas d'arriver au SMIC ou de planifier quoi que ce soit à plus de 6 mois. Alors vous financer un appart ou une voiture...
Enfin, pour la bonne bouche, je vous livre le très honteux encadré qui clôture cet édifiant exercice d'intoxication journalistique et surtout de manipulation d'opinion à des fins politiques (j'ai souligné les mots vraiment infâmants, pour ne pas dire diffamants) :
Impossible de savoir combien de Thierry F. ont dévoyé la générosité du modèle social français, car le système, qui a déjà du mal à débusquer les fraudeurs, est impuissant à repérer ceux qui, en toute légalité, se sont installés dans les minima sociaux. Mieux, l'idée que ces minima aient rendu accessible le « droit à la paresse » n'est pas même envisagée, car ni les politiques ni l'administration ne veulent croire que l'on peut délibérément se contenter des 430 euros mensuels d'un RMI, montant bien inférieur au seuil de pauvreté. Pour l'administration, Thierry F. n'est donc pas un fainéant, il est victime d'une « trappe à inactivité ». En clair, la reprise d'un emploi lui ferait perdre une série d'avantages dits droits connexes (voir encadré). Il n'y a donc aucun intérêt. Lutter contre ce phénomène est une priorité de l'administration, mais c'est une véritable gageure. Il existe une solution simple : limiter ces droits connexes ou supprimer l'allocation en cas de refus d'activité. Mais c'est politiquement et socialement dangereux : « Au moins, le RMI permet de maintenir le contact, affirme ce haut fonctionnaire. Sinon, c'est l'exclusion totale, et aucune société n'y a intérêt. » La France a donc préféré l'incitation à la coercition, au risque d'entretenir les parasites, comme Thierry F |
Ceci est une démonstration de la manipulation d'opinion totalement honteuse qui se met en place pour que, comme en Allemagne, tout le monde applaudisse lorsque des lois clones de Hartz 4 vont tomber sur la gueule des victimes du chômage.
Que cette buse de Christophe Ono-Dit-Biot vienne tester par lui-même la très grande générosité du modèle social français et qu'il en reparle dans un an ou deux. Qu'il vienne se vautrer dans la paresse avec les factures à payer, les agents de la CAF qui vous traîtent d'office comme des criminels ou des menteurs et les convocations ANPE à répétition, voire les humiliation de la vie quotidienne d'un pauvre. Qu'il vienne goûter à la série des avantages que procure la rente du RMI[7] au lieu de faire son envieux tout au long de l'article.
Notes
[1] Retenez bien ce nom, s'il existe un semblant d'éthique dans ce métier, il est amené à très prochainement tester par lui-même la prétendue générosité des services sociaux de l'État.
[2] En général, elle sert à payer un peu de chauffage et voilà tout!
[3] Parce qu'il y en a d'autres qui touchent moins
[4] Dans la chronologie du chômeur, il y a toujours un avant et un après, un peu comme pour les accidentés de la route
[5] Assurance au tiers qui vous coûte encore un oeil, mais même dans les grands centres urbains, vous savez qu'il vous faut une bagnole pour espérer trouver un boulot, alors vous raquez en espérant déccrocher la timbale : un job à plein temps!
[6] Car les gens en ASS ou au RMI bossent très régulièrement, ne serait-ce que pour avoir un peu d'oxygène.
[7] Soit dit en passant que le montant du RMI n'est jamais de 430, sauf pour les SDF (lesquels ont bien du mal à le percevoir, vu leur statut, justement) car il est automatiquement rabaissé du forfait logement de 50.
|