EVD a écrit :
La science traite du monde matériel objectif. Elle nous place devant une tâche qui consiste à faire des affirmations justes en ce qui concerne cette réalité objective, et à comprendre les corrélations qu'elle comporte. La religion, au contraire, traite du monde des valeurs. Il y est question de ce qui doit être, de ce que nous devons faire, et non de ce qui est. Dans la science, il s’agit de ce qui est juste on faux; dans la religion, il s'agit de ce qui est bon ou mauvais, de ce qui a une valeur on n'en a pas. La science est la base de l'action utilitaire, la religion est la base de l'éthique. |
Heisenberg semble penser que la science et la religion n'ont pas a avoir de corrélations entre elles: 2 domaines séparés.
J'ai prétendu le contraire dans ce topic (la religion s'adapte a la science car elle a le soucis de vraissemblance)
D'ailleurs Wolfgang Pauli lui répond plus loin dans ce sens
ici:
Il est évident qu'à l'époque où les religions sont nées le savoir tout entier qui était à la disposition de la société considérée pouvait s'ajuster au moule spirituel dont le contenu
le plus important était alors fourni par les valeurs et les idées de la religion. Cette forme spirituelle devait - et c'était là l'exigence essentielle - être accessible d'une certaine façon même à l'homme le plus simple de la communauté; ceci, même si les paraboles et images ne lui communiquaient qu'un sentiment assez vague de ce que voulaient dire en réalité les valeurs et idées de la religion. L'homme simple, s'il est appelé à orienter ses propres choix dans la vie selon les [s]valeurs de la religion, doit être convaincu que cette forme spirituelle est suffisante pour contenir tout le savoir de la communauté. Car « croire » ne signifie pas pour lui « tenir pour juste », mais « se laisser guider par les valeurs de la religion ». Pour cette raison, de grands dangers se créent lorsqu'un savoir nouveau, acquis au cours de l'histoire, menace de détruire l'ancienne forme spirituelle. La séparation complète entre le savoir et la croyance ne constitue certainement alors qu'un expédient, valable seulement pour une durée très limitée. Dans notre civilisation occidentale, par exemple, il se pourrait que dans un avenir pas trop éloigné arrive le moment où les paraboles et images de la religion perdent leur force de conviction même aux yeux des gens simples; |
ici:
Je me sens davantage attiré par la conception d'Einstein. Dieu, qu'il évoque si souvent, a quelque chose à faire avec les lois immuables de la nature. Einstein a une certaine intuition de l'ordre central des choses. Cet ordre, il en sent la présence de par la simplicité des lois naturelles. Pour lui, il n'y a pas de séparation entre science et religion. L'ordre central fait partie pour lui du domaine subjectif aussi bien que du domaine objectif; et ceci me paraît un meilleur point de départ. |
et ici:
Le développement des sciences au cours des deux derniers siècles a certainement modifié la pensée humaine dans son ensemble, même au-delà du monde chrétien. Ce que pensent les physiciens n'est donc pas seulement dépourvu d'importance. Et ce fut précisément l’étroitesse de cet idéal scientifique d'un monde objectif, où devait se dérouler dans le temps et l'espace selon la loi de causalité, qui a provoqué le conflit avec les formes spirituelles des différentes religions. Si maintenant la science elle-même fait sauter ce cadre étroit - et c'est bien ce qu'elle a fait dans la théorie de la relativité et ce qu'elle est en train de faire, peut-être de façon encore plus nette, dans la théorie quantique dont discutons actuellement avec tant d'acharnement, - la relation entre la science d'une part, et le contenu des formes spirituelles des religions d'autre part, prend à nouveau un aspect différent. Peut-être, grâce aux corrélations que nous avons appris à connaître au cours des trente dernières années dans les sciences, avons-nous acquis une plus grande largeur de pensée. Ainsi, la notion de complémentarité, que Niels Bohr met en avant actuellement dans son interprétation de la mécanique quantique, n'était nullement inconnue dans la pensée non scientifique, plus précisément en philosophie, même si elle n’a pas été formulée de façon aussi explicite. Que cette notion apparaisse dans la science exacte, cela signifie néanmoins un changement décisif. Car c'est seulement cette notion qui permet de faire comprendre que l'idée d'un objet matériel qui serait entièrement indépendant de la façon dont on l'observe ne constitue qu'une extrapolation abstraite, ne correspondant à aucune réalité précise. Il y a dans la philosophie et dans les religions de l'Asie l'idée - complémentaire vis-à-vis de celle que je viens d'évoquer - de la présence de sujets purs de perceptions auxquels ne correspond aucun objet. |
Entre-temps, Paul Dirac s'était assis parmi nous. Celui-ci - âgé alors de vingt-cinq ans à peine - ne paraissait encore guère avoir de goût pour la tolérance. « Je ne sais pas, intervint-il, pourquoi nous parlons ici de religion. Si l'on est honnête - et, comme scientifique, on doit être honnête avant tout, - on doit reconnaître que la religion contient une foule d'affirmations fausses pour lesquelles il n'existe aucune justification dans la réalité. Déjà le concept de « Dieu » n'est qu'un produit de l'imagination humaine. On peut comprendre que des peuples primitifs, davantage exposés à la domination des forces naturelles que nous ne le sommes actuellement, aient, sous l'effet de leurs angoisses, personnifié ces forces et en soient ainsi arrivés à la notion de divinité. Mais dans notre monde actuel, où nous arrivons à comprendre les relations de cause à effet dans la nature, nous n'avons plus besoin de telles représentations. Je ne vois pas en quoi l'hypothèse de l'existence d'un Dieu tout-puissant pourrait nous aider. Ce que je vois, au contraire, c'est que cette hypothèse conduit à se poser des questions absurdes, par exemple la question de savoir pourquoi Dieu a permis le malheur et l'injustice dans notre monde, l'oppression des pauvres par les riches, et toutes les autres choses horribles qu'il aurait pu, après tout, empêcher. Si, à notre époque, on enseigne encore la religion, la cause n'en est manifestement pas que ces idées nous convainquent encore; en réalité, cela cache le désir d'apaiser le peuple, les gens simples. Car il est plus facile de gouverner des gens apaisés que des gens inquiets ou mécontents. Il est aussi plus facile de les manoeuvrer ou de les exploiter. La religion est une sorte d'opium que l'on donne au peuple pour le faire rêver de bonheur et pour le consoler de l'injustice qu'il subit. C'est aussi pour cette raison que l'alliance entre ces deux grandes forces politiques, l'État et l'Église, se fait si facilement. Toutes les deux ont besoin d'entretenir l'illusion qu'il existe un Dieu bienveillant qui récompense, au ciel si ce n'est sur terre, ceux qui ne se sont pas insurgés contre l'injustice, qui ont accompli leurs tâches calmement et patiemment. Proclamer en toute honnêteté que ce Dieu n'est qu'un produit de l'imagination humaine, cela doit évidemment être considéré comme le pire péché mortel. » |
C'est sans doute une comparaison flatteuse pour lui mais on croirait entendre Smaragdus/iblis/Capadocieus Les arguments de Dirac sont souvent employés sur ce forum quand on parle de la religion.
« Là, objectai-je, tu juges de la religion en fonction de son exploitation politique; et puisque presque tout en ce monde peut faire l'objet d'une telle exploitation abusive - y compris certainement l'idéologie communiste dont nous avons discuté récemment - un tel jugement n'épuise pas le sujet |
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Bonne réplique d'Heisenberg je trouve « Par principe, répondit Dirac, je n'ai rien à faire des mythes religieux, ne serait-ce que parce que les mythes des diverses religions se contredisent entre eux. Ce n'est qu'un pur hasard que je sois né en Europe et non en Asie, et ce n'est pas de ce hasard que peut dépendre ce qui est vrai, donc ce que je dois croire. Je ne peux, en effet, croire que ce qui est vrai. La manière dont je dois agir, je peux la déterminer tout simplement à l'aide de la raison, en me basant sur le fait que je vis à l'intérieur d'une communauté, avec d'autres hommes auxquels je dois reconnaître fondamentalement les mêmes droits que ceux que je revendique pour moi-même. Je dois donc agir avec loyauté, de manière à équilibrer mes intérêts avec ceux d'autrui, et cela suffira ; et tous ces discours sur la volonté divine, sur le péché et la pénitence, sur l'existence d'un autre monde en fonction duquel nous devrions orienter nos actes, ne servent qu'à voiler la simple et rude réalité. La croyance en l'existence d'un Dieu favorise aussi l'idée qu'il faut s'incliner devant une autorité supérieure, parce que cela est « voulu par Dieu »; et ainsi, il s'agit en fait de maintenir indéfiniment les structures sociales qui étaient peut-être, dans le passé, conformes à la nature des choses, mais qui ne s'ajustent plus à notre monde d'aujourd'hui. Du reste, vos phrases sur les « grandes corrélations » et autres balivernes métaphysiques ne me plaisent pas. |
Ceci me rappelle le topic "Que serait la morale sans la religion?" http://forum.hardware.fr/forum2.ph [...] h=&subcat=
dans lequel j'ai souscris aux arguments de Dirac
La discussion se poursuivit ainsi encore pendant un moment, et nous fûmes étonnés de noter que Wolfgang avait cessé d'y prendre part. Il écoutait seulement, avec parfois une expression de mécontentement, quelquefois aussi avec un sourire malicieux; mais il ne disait rien. Finalement, quelqu'un lui demanda ce qu'il pensait. Il leva alors un regard presque étonné et dit :
« Oui, notre ami Dirac a lui aussi sa religion. Et cette religion a pour premier commandement : « Dieu n'existe pas, et Dirac est son prophète ». |
La derniere phrase a eté employé par quelqu'un du forum (EVD?) a l'encontre de Capadocius si je ne m'abuse ?
Notre attitude vis-à-vis des problèmes de la religion ne peut pas être séparée de notre position à l'intérieur de la société. S'il est vrai que la religion est née en tant que structure spirituelle d'une société humaine, on peut ne pas trancher la question de savoir si la religion doit être considérée comme la plus grande force formatrice de sociétés qui existe dans l'histoire, ou si la société déjà existante développe sa structure spirituelle en la complétant sans cesse et en l'adaptant à son savoir du moment. |
La encore on est en plein coeur du débat sur l'origine de la morale
Nous devons également réaliser qu'il existe une relation complémentaire entre d'une part la réflexion critique concernant les articles de foi d'une religion, et d'autre part une manière d'agir qui a pour condition le choix en faveur de la structure spirituelle de cette religion. Du choix conscient émane pour l'individu une force qui le guide dans son action, l'aide à vaincre les incertitudes, et lui fournit, lorsqu'il souffre, la consolation que procure le sentiment d'appartenir au grand contexte général. La religion contribue ainsi à l'harmonisation de la vie à l'intérieur de la communauté; et c'est l'une de ses tâches les plus importantes d'évoquer, dans son langage fait d'images et de paraboles, le grand contexte général. » |
De l'utilité de la religion
Dirac voulait avant tout critiquer le manque de sincérité ou encore l'illusion qui, trop facilement, se rattache à toute pensée religieuse; et c'est à juste titre qu'il ne supporte plus cette insincérité ou illusion. Mais il s'est exprimé à ce sujet comme un fanatique du rationalisme, et j'ai le sentiment qu'ici le rationalisme n'est pas suffisant. » |
"Fanatique du rationnaliste" bien trouvé ça!
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