Le principe du moteur à réaction était connu de la plupart des grandes puissances bien avant le début de la seconde guerre mondiale. Mais seuls les ingénieurs et les techniciens allemands y croyaient véritablement et travaillaient d'arrache pied à son développement et à son utilisation pratique sur des appareils viables. Le résultat fut que l'Allemagne prit, en quelques années, une avance considérable dans ce domaine et que le régime nazi fut le premier à aligner des appareils à réaction sur le théâtre d'opération...
Le plus connu est évidemment le Messerschmitt Me-262 qui aurait pu changer le cours de la guerre et de l'histoire si Hitler n'avait pas retardé de deux ans son développement sous prétexte d'en faire un bombardier tactique. Mais il ne fut de loin pas le seul ! Les projets foisonnaient parmi les firmes allemandes et il faut bien avouer que les concepts élaborés par les ingénieurs en aéronautiques allemands étaient plus révolutionnaires les uns que les autres, notamment en matière d'aérodynamisme. Parmi ces projets figuraient des chasseurs et des bombardiers en forme d'ailes volantes, sans empennage ni dérive (dont les formes rappellent étrangement celles du B-2 actuel !), des bombardiers tactiques et des bombardiers en piqués à réaction, des chasseurs à voilure delta ou présentant des ailes en flèche à forte incidence, des intercepteurs aux formes étonnement futuristes et même un engin à réaction à décollage vertical et un chasseur utilisant le principe de la poussée vectorielle. Il existait également des projets de développement de bombardiers stratégiques à long rayon d'action, capables de frapper la côte est des Etats-Unis et, qui sait, d'emporter une éventuelle bombe atomique…
Certaines des formules adoptées étaient si en avance sur leur temps qu'elle provoquèrent la stupeur des spécialistes alliés lorsqu'ils en eurent connaissance postérieurement. Après l'occupation de l'Allemagne, en 1945, les missions scientifiques dépêchées sur place par les Alliés purent constater que ces avions ne constituaient qu'une première génération d'appareils révolutionnaires et que des projets encore plus ambitieux étaient en cours de développement ou d'étude lorsque Hitler se suicida, le 29 avril 1945. Par les recherches menées dans les bureaux d'études, ils s'aperçurent, avec une frayeur rétrospective, que les Allemands possédaient une avance extraordinaire dans le domaine de la recherche aéronautique fondamentale et que certaines créations en étaient déjà au niveau du prototype ou des essais en avril 1945.
Visiblement, au moment de sa chute, le Reich était à deux doigts de se doter d'une véritable flotte d'avions à réaction, sans parler de l'armada de fusées et de missiles qui, leur développement achevé, étaient sur le point d'atteindre le niveau opérationnel. Si tous ces engins avaient pu être produits en grand nombre et engagés massivement sur une grande échelle, les armées alliées se seraient retrouvés dans une situation fort embarrassante... Ces créations aux performances étonnantes et aux concepts révolutionnaires auraient en effet permis à l'Allemagne non seulement de reconquérir la maîtrise du ciel, mais également d'interdire le survol de l'espace aérien allemand et de frapper les Alliés jusque sur leurs propres territoires, y compris au-delà de l'Atlantique et de l'Oural ! On n'ose alors imaginer quel sort aurait été réservé à l'Europe et au monde…
Hitler fondait d'ailleurs de grands espoirs sur ces divers projets qui, dans son esprit, ne constituaient sans doute qu'une partie des armes miracles destinées à renverser le sort des armes au profit du Reich. Dans ces conditions et à la lumière de ce nouvel éclairage, la stratégie attentiste de temporisation et de résistance pas à pas élaborée par Hitler après les défaites de Stalingrad et de Koursk prend une nouvelle perspective et l'on comprend mieux sa conviction inébranlable, tant de fois répétée à son entourage, de "gagner la seconde guerre de Sept ans". Par chance, il ne bénéficia pas de ces sept années et le IIIe Reich s'effondra avant qu'il n'eut les moyens de faire basculer le sort des armes...
Sous la pression des événements, les deux dernières années de la seconde guerre mondiale virent éclore un nombre incroyable de projets d'armes nouvelles du côté allemand. Ces armes d'un nouveau type et au potentiel militaire fantastique, touchaient tous les domaines de la guerre - air, mer, terre. Toutes recouraient à des technologies très diverses mais totalement révolutionnaires, bien loin des schémas classiques. Leur conception futuriste, très en avance sur leur époque, montre quelle maîtrise et quel degré de connaissances les ingénieurs et techniciens allemands avaient acquis en 1945 et quelle avance technologique les scientifiques allemands avaient sur leurs homologues soviétiques ou occidentaux.
Le fait est que lorsqu'ils découvrirent ces projets, certains spécialistes américains ou britanniques n'en crurent pas leurs yeux. A partir d'avril 1945, on assista à travers les ruines fumantes du Reich à une course effrénée aux armes secrètes allemandes, les anciens alliés n'hésitant pas à s'approprier et à rapatrier dans le plus grand secret les prototypes, les documents, le matériel et jusqu'au personnel et aux cerveaux qui avaient collaboré à ces divers projets. Ce fut l'opération Paperclip du côté américain, mais les Russes, les Britanniques et les Français firent de même…
Certaines de ces armes, comme le missile V1, la fusée V2 ou le chasseur à réaction Messerschmitt Me 262, atteignirent le stade opérationnel et furent engagés sur le théâtre d'opération par Hitler, dans le vain espoir de renverser le sort des armes. D'autres, dont le développement venait d'aboutir, étaient sur le point d'être lancées en série lorsque le Reich s'écroula. La plupart, élaborées trop tardivement, n'avaient pas dépassé le stade expérimental ou n'avaient été produites qu'en nombre très limité, à l'état de prototypes. Certaines n'étaient encore qu'à l'état de projet, ou d'épures en mai 1945…
Après l'occupation de l'Allemagne, les ingénieurs alliés purent constater avec effroi que ces armes ne constituaient qu'une première génération d'appareils révolutionnaires, d'autres concepts encore plus audacieux étant en gestation. En prenant connaissance des divers projets existants, ils durent constater que les Allemands possédaient une avance extraordinaire dans un grand nombre de domaines de pointe, comme la recherche aéronautique fondamentale, les hélicoptères, les appareils à voilure en flèche ou à aile delta, ou encore l'utilisation du moteur à réaction et du moteur-fusée à carburant liquide.
Ainsi, en 1945, l'Allemagne était sur le point de faire intervenir tout un arsenal d'armes nouvelles capables de bouleverser la tactique et la stratégie des Alliés. A l'exception de l'arme nucléaire, ces engins nouveaux constituent encore aujourd'hui la base de l'armement des forces conventionnelles de tous les pays du monde. L'apparition du U-Boot type XXI remettait en cause toute la doctrine de défense des convois maritimes ; les missiles téléguidés et l'avion à réaction équipé de roquettes sonnaient le glas de la stratégie des formations compactes de bombardiers. Enfin, les fusées annonçaient la disparition de l'artillerie lourde à longue portée et ouvraient l'ère des bombardements stratégiques intercontinentaux…
Le Blohm & Voss P-208
Premier projet de chasseur à réaction à poussée vectorielle
parmi les projets les plus fantastiques élaborés par les Allemands durant la seconde guerre mondiale figure celui du Blohm & Voss P-208, un chasseur monoplace d'une conception révolutionnaire qui différait de tous les schémas connus et qui affichait des caractéristiques très en avance sur son époque. Le concept adopté était pour le moins original puisque l'appareil ne possédait ni dérive, ni gouvernes, ni empennage, et recourait au principe de la poussée vectorielle pour se diriger ! La cellule, dont les formes avaient été minutieusement étudiées en soufflerie, présentait une silhouette très pure, avec des lignes fluides qui diminuaient la friction avec l'air, conférant au chasseur un grand coefficient de pénétration dans l'atmosphère.
Le fuselage, très effilé, présentait une forme cylindrique terminée par deux extrémités coniques, qui donnaient à l'engin l'aspect d'un long " cigare " renflé. Le cockpit, situé au-dessus de la partie médiane du fuselage, était équipé d'une verrière profilée en goutte d'eau qui offrait un dégagement visuel optimal au pilote. L'armement comprenait 3 canons MK-108 de 30 mm logés dans le nez de l'appareil. Des points de fixation sous la voilure permettaient l'emport de rampes de roquettes ou de missiles R4 M équipés de détonateurs de proximité, particulièrement efficaces pour décimer les formations compactes de bombardiers.
Le chasseur était propulsé par un turboréacteur intégré dans la cellule du fuselage, qui était alimenté par une prise d'air ventrale et par deux prises d'air secondaires s'ouvrant à l'emplanture des ailes. Etant donné l'absence de dérive et de gouvernail de direction, les changements de cap ainsi que le contrôle du roulis et du tangage s'effectuaient à la fois en jouant sur les ailerons et les volets de la voilure, et en déviant une partie des gaz de combustion de la tuyère vers des échappements latéraux installés sur les flancs de la partie arrière de l'appareil, de façon à obtenir un flux directionnel. Le concept adopté était la première application réelle, sur un engin volant, du principe de la poussée vectorielle, aujourd'hui largement généralisé sur les engins spatiaux comme la navette américaine. Cette opération s'effectuait automatiquement, par l'intermédiaire de clapets qui s'ouvraient ou se fermaient plus ou moins, en fonction de la direction et de l'amplitude des mouvements de la main du pilote sur le manche à balai…
La stabilité en vol d'une cellule par définition aussi instable était obtenue par la forme très étrange donnée à la voilure, profilée en doubles ailes de mouettes. Les ailes, qui accusaient une forte flèche, présentaient deux décrochements angulaires successifs, l'angle d'incidence de la flèche s'accentuant fortement vers les extrémités de la voilure. Le bout des ailes était lui-même replié vers le bas, de façon à accroître la portance et à conférer une sustentation maximale à l'appareil, même à basse vitesse, tout en stabilisant sa trajectoire de vol. La combinaison de ces caractéristiques absolument révolutionnaires permettait au chasseur d'atteindre des vitesses incroyables (grâce à la forte incidence de la flèche) tout en lui assurant une grande manœuvrabilité à basse vitesse ou en combat tournoyant…
Le Blohm & Voss P-208 était supposé atteindre une vitesse de 900 km/h en palier. Elaboré trop tardivement, alors que le Reich s'écroulait déjà, cet appareil fut rattrapé par la guerre et ne dépassa pas le stade du projet expérimental. La hardiesse du concept, l'originalité de la voilure et surtout le recours à la poussée vectorielle montrent toutefois à quel haut degré de connaissances les ingénieurs et les techniciens allemands étaient parvenus en 1945 et combien l'industrie aéronautique allemande était en avance sur les pays occidentaux et l'Union soviétique. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si, sous le seau du secret le plus absolu, les Alliés et les Russes se lancèrent dès avril 1945 dans une véritable course effrénée aux armes secrètes allemandes, sillonnant les ruines fumantes du Reich pour dénicher les plans et les prototypes, recrutant massivement les spécialistes qui avaient collaborés à de tels projets. C'est ainsi que de nombreux scientifiques, ingénieurs et techniciens traversèrent l'Atlantique ou se retrouvèrent de l'autre côté du Rideau de Fer. Mais ceci est une autre histoire, celle de la Guerre Froide…
source : http://www.fortlitroz.ch/index.php?p=434
http://www.fortlitroz.ch/index.php?p=485
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