Comme je le signalais déjà dans un post sur le topic " Argument pour réfuter la théorie de Darwin " (auquel ce post ci était destiné au départ...), il nest que trop évident que les tenants (et affiliés...) de la sociobiologie ne maîtrisent pas du tout les concepts (et les théories qui les mettent en jeu, bien plus anciennes et profondes que les interprétations, tout aussi imaginaires et hypothétiques que les faits quelles invoquent comme preuves, de la sociobiologie) nécessaires à une réflexion pertinente sur le sujet (ou assimilés). Celui-ci est loin de concerner seulement la génétique et même le processus évolutif dit, très improprement, " naturel " lorsquon lapplique à lhomme, être doué de conscience, cest-à-dire capable de prendre son " destin " en main, fût-ce à lintérieur de structures reconnues, quelles quelles soient... Cette " culture ", quen bons intellectuels dualistes, les sociobiologistes font dépendre d'une " nature " première, comme jadis on séparait lesprit du corps, est fondamentalement une culture historique. Doù lobligation dune approche généalogique pour en rendre compte.
La culture na pas dabord le sens du mot allemand kultur qui désigne lensemble des savoirs communs à une société et qui en fait son unité organique, comme lindique le sens du mot français " civilisation " qui lui correspond depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle, notion liée à celle de " progrès ", progrès universel, à la fois dordre matériel, intellectuel, moral, politique, économique, assuré soit par un destin providentiel (vieil héritage du fatum christianum), soit par lexpansion irrésistible des lumières de la raison humaine (hérité du siècle des Lumières).
Il faut considérer la culture au sens du mot allemand Bildung : elle désigne alors une formation ou éducation acquise par lesprit, non seulement dans le domaine intellectuel, mais aussi plus largement dans le domaine moral et même affectif. Ainsi, lhomme cultivé est celui qui possède la maîtrise spontanée, devenue inconsciente avec les années, puis avec les générations.
On retrouve ce sens dans la culture comme " civilisation " mais cette fois au sens du mot allemand Zivilisation (différent du sens en français), terme utilisé pour signifier quune culture a atteint le stade final de son évolution et que, par une espèce dessoufflement et de paresse, elle se concentre désormais sur les aspects matériels de la vie au détriment de sa dimension spirituelle et morale : péjorativement donc, être cultivé, cest-à-dire posséder un savoir individuel nourrissant ses choix et ses actions, signifie quune disposition acquise sexerce au sein dune civilisation, lorsque la culture devient raidie, sclérosée, lorsque le mécanique lemporte sur le vivant, et fait place à un système rationalisé de contraintes, empêchant du même coup lémergence dindividualités exceptionnelles ou du moins novatrices, promesse davenir pour lhumanité.
Ce qui veut dire quune culture authentique (comme voulait sans doute le signifier le penseur fou...) vaut parce quelle laisse surgir des êtres différents grâce auxquels la vie peut surmonter les épreuves de lépuisement ou de la décadence pour retrouver un nouvel élan. Les grands moments de la culture sont toujours, moralement parlant, des temps de corruption ! Laventure culturelle de lhumanité est un devenir historique qui donne peu à peu une sur-puissance aux forces uniformisantes qui ont toujours existé, faisant surgir sur la scène de lhistoire à la fois latome grégaire de la civilisation occidentale, nihiliste qui signore (pour sen convaincre, il suffit de parcourir les posts de tous les pathétiques « scienteux » qui ont restreint leur horizon aux frontières de leur brève existence, qui ont rompu le lien avec les traditions culturelles et déchaîne leurs désirs dans un univers sans passé et sans avenir, esclaves de lidéologie scientiste ambiante...), produit des époques de domestication, temps dintolérance à légard des natures les plus spirituelles et les plus hardies (nest-ce pas le symptôme tragique de notre société démocratique, égalisatrice, cherchant par tous les moyens à imposer la loi du plus rand nombre ?), et lindividu pour la première fois conscient de sa différence.
Car la volonté consciente appartient désormais au Soi de lhomme évolué et celui-ci doit recueillir des profondeurs du corps une puissance quelle pourra traduire dans le langage illusoire (car lillusion, indifférente à toute vérité prétendument objective, est lexpression des instincts de vie qui témoignent du plaisir dexister, comme dans l'art) du dépassement maîtrisé ! Le sens de la vie nest rien dautre que la vie du sens, la force de signifier un chemin pouvant toujours, par notre faute, se transformer en une impasse ! Les amoureux de la vie doivent garder à l'esprit la possibilité de l'échec, l'éventualité d'une sclérose finale, inconnue de l'optimisme darwinien (y compris sous sa forme génétique), réduisant l'évolution à une gigantesque farce. L'Homme ne doit jamais devenir le " dernier homme " !!!
L'hyper-conscience scientifique, qui nous donne l'impression d'être face à un univers-spectacle, n'est en ce sens qu'une étape de l'évolution humaine et doit mener à " l'innocence " ou l'hyper-conscience de l'homme en sa plénitude : " l'esprit libre " qui s'est réapproprié les projections religieuses archaïques, qui a dé-divinisé la nature pour mieux re-naturaliser l'homme, mais qui s'est surtout réapproprié les projections de la science et les sait comme telles !
D'après tout ce qui précède, on a donc bien affaire à un processus héréditaire (génétique peut-être... mais je ne peux mempêcher de lancer mon cri de guerre à lencontre dune hypothèse fondamentalement superflue, et même problématique...) de transmission des caractères acquis. Ce processus ne peut avoir de sens que si lon reconnaît aussi à la notion de culture une caractéristique dordre " physiologique " : cest dabord dans les corps que sinscrit la culture. La culture est une sélection, un dressage prolongé sur de nombreuses générations, capable de produire aussi bien les types les plus élevés de lhumanité que les types les plus bas. Cest dire quil ny a dans la culture aucune place pour le principe dégalité, établi et défendu par le " culturel " contre le " naturel ". Sans doute la culture implique-t-elle toujours un processus de spiritualisation, mais inséparable dun processus dincorporation. La mémoire est aussi dordre organique. Ainsi, dès la culture la plus primitive, et jusquà celle de la moralité des moeurs, se trouvent inculquées non seulement les règles de la vie sociale (tradition), mais une " mnémonique " cest-à-dire une possibilité de se détacher de linstant présent. Cest ainsi que lhomme échappe à lanimalité, quil se fait non-animal et sur-animal. Il nest plus question ici de parler de la nature humaine, mais dy voir leffet de la culture, elle-même déterminée par des procédés délevage. Le mot français " élève " appartient au domaine de léducation, mais il consonne avec élevage aussi bien quavec élévation de lesprit (hors dun état denfance).
C'est dire que l'homme n'a pas d'instincts, pas de nature fixe avant son évolution sociale et qui profiteraient de ce milieu pour se développer ! Tous nos " instincts " sont en devenir dans une culture : ils y naissent, s'y hiérarchisent, s'y détruisent aussi, pour façonner des " types " d'humanités stables et conformes à une table des valeurs, c'est-à-dire à un type d'existence dans une certaine culture : la contrainte y est devenue penchant qui se donne comme " naturel " dans le corps ! La mémoire est bien une culture presque inconsciente mais dont le devenir historique est de s'élever à sa propre connaissance qu'elle à été une culture non-historique ! Telle est notre responsabilité !
Message édité par l'Antichrist le 15-05-2005 à 09:47:41