Coxwell a écrit :
Goret, veux tu incarner le parfait moralisateur utopiste ? Penses-tu que cela soit réalisable ?
Cf post plus haut, la société a ce droit de chercher un cinéma parfaitement distrayant, divertissant, où ils savent pertinemment qu'ils vont éviter plus ou moins de se confronter à la difficulté de la vie quotidienne.
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Quand j'ai parlé de refus du réel, mon ton est neutre, il ne s'agit pas d'un "reproche" par rapport au film. C'était juste une des raisons du succès de ce film, indépendamment du fait qu'Amélie décide de la vie et de la mort d'autrui, avec soutien de la mise en scène (qui est ce que je reproche).
Bref, si Amélie agissait à découvert et sans chercher à éliminer ceux qu'elle déteste, je ne serais sans-doute pas en train de participer à un débat aussi virulent.
Citation :
C'est un voyage dans les souvenirs, dans les illusions, dans les rêves les plus obscurs de tous les individus. Voilà à quoi se réfère Jeunet. Un Grimm moderne notre Jeunet ?(implique de surcroît d'autres chanmps de vision sur le héros et méchant)
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Note que dans les contes de Grimm, le sang et les détails un peu "gore" ne sont pas cachés...
Citation :
Le cinéma ne se doit pas inexorablement d'être intellection/réflexion sur la vie courante ? Aussi art soit-il qu'une oeuvre de peinture, le cinéma ne peut-il pas se dandinner dans des contrées fantastiques de notre imaginaire, de nos rêves,cauchemars des plus malsains aux plus phantasmagoriques qu'ils puissent demeurer ? Je pense que tu tentes, d'appliquer une grille de format ou de lecture à certains films, (sous prétexte que le thème moralisateur/réaliste se nie et que tu l'adules peut-être) qui n'ont pas cette vocation originelle d'enseigner ?
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Le problème reste celui-ci : Y-a-t-il un "fond", et si oui, que nous dit ce "fond" ? S'il n'y ait pas de fond, je m'en fous, en fin de compte. Mais s'il y en a un, qu'on ne le cache pas, qu'on ne se serve pas du reste pour ignorer sans existence.
D'autre part, rêves, cauchemars, fantasmes... tout cela reste quand même humain, et donc, ne peut jamais complètement échapper à la réalité. On n'est pas dans de l'art abstrait, du moins pas encore...
Citation :
Le cinéma est-il uniquement vecteur d'enseignement de la vie ? C'est de l'art, et cela est abstrait, il n'a pas vocation primitive d'enseignement.
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Je dirais qu'il y a des degrés d'abstraction différents. On est, certes, dans la fiction, mais on est quand même dans une part de concret. On montre des êtres humains, pas juste des surfaces géométriques. On montre un univers qui se réfère encore, de près ou de loin, à une certaine réalité. La restitution n'est peut-être pas "réaliste", elle garde cependant un rapport au réel. Rien de comparable à la peinture ou à la sculpture abstraite, par exemple. Du moins dans l'oeuvre disséquée ici.
Citation :
L'homme n'est-il pas suffisamment lucide pour découvrir lui-même la vie avec sa propre expérience. Faut-il à ce point tout lui révéler ? 
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Certes, l'homme peut être supposé lucide. Cependant, on ne peut nier la puissance du cinéma. Que celui-ci peut avoir un impact didactique, peut être une fenêtre sur le monde, ou sur certaines idées. Qu'il peut initier des réflexions. C'est juste une potentialité, hein, pas une obligation.
D'autre part, nul n'ignore que le cinéma a souvent été contrôlé : propagande en URSS et dans l'Allemagne nazie, mais aussi avec la Liste Noire à Hollywood. Pourquoi ce contrôle, si le cinéma n'était "que" divertissement purement anodin ?
Donc, il me semble que le cinéma n'est pas uniquement divertissement, de même qu'il n'est pas uniquement réflexion. Bien entendu, on peut avoir un "divertissement pur", et ce n'est pas du tout péjoratif, bien au contraire. Par contre, ne fermons pas les yeux devant n'importe quel fond sous le prétexte de la forme du divertissement. Ainsi, le blockbuster patriotique US lambda est peut-être du "divertissement", mais on ne peut ignorer les messages qu'il véhicule.
Non, ce n'est pas "mal", et d'ailleurs je ne l'ai nulle part écrit (sur ce point là). Je n'ai rien contre le "divertissement pur", tant qu'il se contente d'en rester à ce niveau là. Quand le divertissement se met à passer certains messages, là, je me mets à analyser.
Lorelei a écrit :
Je suis absolument d'accord (et c'est assez rare pour être souligné) avec Goret. Ayant vu "Amélie" bien après sa sortie, ce qui m'a frappé, c'était effectivement l'arbitraire du traitement de Colignon (parce que le premier qu'elle aide, c'était aussi un gros salaud, hein, mais comme Amélie ne le connaissait pas, elle a fait son bonheur... par contre, les motivations de Colignon, rien à foutre: méchant, donc puni). Je n'aime pas ce film rien que pour ça.
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Merci d'avoir résumé en 5 lignes ce que j'ai essayé d'expliquer en je-ne-sais-combien de lignes.
Note importante cependant : le "problème", ce n'est pas de montrer un tel comportement, mais c'est de le montrer de façon non-neutre, voire ouvertement trompeuse (i.e. de justifier ce fait, ou du moins le faire passer comme une lettre à la poste). Si le point de vue de la mise en scène avait été plus critique à l'égard de ce comportement, on n'aurait pas une large majorité du public considérant Amélie comme toute gentille, etc...
lyly a écrit :
Goret tu fasi des études dasn koi??
audiovisuel? enfin bref c pas le probleme...
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Nan, ingé généraliste (ce qui explique les méthodes rhétoriques
), et en effet ce n'est pas le problème.
Citation :
Voila pour le débat, qt au film, je suis allé voir la critique de Kabanski, et je l'ai trouvé un peu simpliste pour un journalisme qui a une influence sur les gens. Le mots fascisme, homosexualité...sont des visions simplistes, je ne crois pas en une harmonisation des couches, genre quotas, ca me soule à mourir, comme le politiquement correct, maintenant tout est enrobé pour pas faire chier tel ou tel nationalité ou pour ne pas choquer "la masse"!!!
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Et en effet, je pense que l'on ne peut reprocher au film les "quotas", qui sont à mon avis à éviter. Les quotas sont hypocrites, et ne résolvent aucun problème. D'ailleurs, dans beaucoup de cas, le sujet du film n'a rien à voir. (bon, c'est sûr que dans le cas d'un film sur un ghetto, par exemple, il me semble difficile de ne pas avoir une représentation un poil "réaliste" de la population qui y vit)
Prodigy a écrit :
Ce que je trouve dommage c'est que Goret donne l'apparence de quelqu'un qui n'a pas du tout une lecture émotionnelle des films. Le ciné c'est aussi et avant tout des émotions,
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"Aussi", et ça, je ne le nie pas. "Avant tout" ? Je n'en suis pas sûr. Mais là, c'est un débat plus personnel sur ce que l'on recherche dans le cinéma. A mon avis, l'émotion peut servir la réflexion, et l'oeuvre n'en est alors que plus forte. D'autre part, nombre d'émotions ne sont pas forcément "gratuites", notamment dans le cas d'une oeuvre sincère n'ayant pas recours à un paquet de ficelles énormes (car après tout, si on est ému, il y a des raisons, et cela est intéressant). Par contre, quand il s'agit d'émotions provoquées à coup de grosses cordes, là, je ne marche pas.
Citation :
pas un débat clinique et mortifère avec lecture obligatoirement cynique et terre à terre de tous les thèmes abordés par les films. Il faut analyser, il faut chercher à comprendre, mais des fois laisser place au vivant c'est pas mal non plus.
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Laisser la place au vivant, oui, certainement. Mais encore faut-il que ce "vivant" existe.
D'autre part, quand on restitue le "vivant", cela est, à mon avis, rarement "superficiel"... car on va toucher à l'humain, et ça, ce n'est pas du tout "gratuit". D'autre part, le vivant, l'humain, ça comporte du "réel" (je ne parle pas de "réalisme", mais d'une réalité qui se trouve dans ce vivant, dans cette humanité). Et parler de l'humain, que ce soit optimiste ou pessimiste, à mon avis, c'est du "fond", et très consistant.
Retour au sujet initial : dans Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, qu'en est-il de l'humain ? J'y vois deux classes d'êtres, ceux qui sont quelque peu "humains" (Amélie, Nino, le peintre, et quelques rares autres), et le gros tas de marionnettes/robots sur lesquels Amélie va s'amuser. Un tas que l'on s'efforce à ne pas faire vivre au début, tant ils sont caricaturés et caricaturaux. Que l'on va soi-disant "faire vivre" avec les actions d'Amélie (et encore, pas tous, loin de là... la buraliste ne me semble jamais "vivre", elle reste tout aussi mécanique, c'est juste le programme qui change), et de façon en fait assez superficielle (on leur met un sourire, et ils ont l'air plus "humains" qu'avant... mais c'est pas étonnant, puisqu'au départ ils étaient morts). Et donc, à mon sens, ce film ne respire pas la vie.
Citation :
Tout n'est pas justifiable dans une oeuvre, y'a pas 100% des plans qui ont une signification, il n'y pas 100% d'un film qui est inattaquable.
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Certes. Mais reste à savoir si ce qui est attaquable est juste un "détail sans importance", ou, au contraire, un élément crucial (avec toutes les nuances entre les deux). Colignon, et les intrusions dans la sphère privée voire intime, ça ne me semble pas être des "détails" (et j'ai pas envie de faire un mauvais jeu de mots
).
Citation :
C'est mon humble avis, qui n'est pas une critique ni une attaque personnelle, I love Goret
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En côtelettes grillées au feu de bois ?
Citation :
(et si ça se trouve c un ptit gars plein de passion et d'émotions ), mais bon ce genre de débat n'en donne pas l'air, et pour moi le ciné c'est plus que des arguments froids 
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Info personnelle sans importance : j'aurais bien pris "HAL" comme pseudo, mais c'était déjà pris, et j'ai trimballé l'oeil rouge en image associée en d'autres lieux. Donc pour la froideur...
Osama a écrit :
Je n'ai pas le courage de lire les 5 pages de débat, mais peut être qu'une des raisons du succès de ce film est qu'il flatte un désir inconscient présent en chacun de nous. J'ai lu des réactions indignées concernant le caractère arbitraire, intrusif dans la vie des autres, et totalitaire des actions d'Amélie Poulain. Mais n'est ce pas ce dont on rêve tous secrètement ? N'est pas ce monde qui nous a été décrit lorsque nous étions enfants, et que nous avons été forcé d'abandonner en grandissant et en cotoyant le monde réel ?
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Peut-être, mais faut-il le montrer sous un jour aussi "positif", le justifier (le film le fait, en insistant sur le bonheur des autres, les bonnes actions...) ? Pourquoi ne pas avoir un regard plus critique là-dessus, ou même, pourquoi ne pas être allé jusqu'au bout de la démarche, en tuant physiquement Colignon (devenu une épave, ce qui, justement, permet de ne pas choquer) ?
Est-ce parce que ça existe en nous qu'il faudrait le magnifier ? Je ne le pense pas. Personnellement, je pense qu'il y a des pulsions peu glorieuses en l'humain. Et que, lorsqu'on les montre, il me semble préférable de ne pas en faire l'apologie, mais de les montrer de façon plus objective. Quand les enfants sont cruels, faut-il en faire des anges pleins de bonté et innocents ?
Citation :
A force de répéter que les Etats Unis ont une vision manichéenne du monde, on en oublie que celà correspond à un fantasme présent en chaque être humain depuis l'enfance. Il suffit de lire les contes pour enfants, qui nous livrent la structure même de ce monde fantasmé par les adultes.
Sous prétexte d'écrire de jolies histoires pour enfants, l'homme se laisse aller à décrire le monde rêvé pour lui, dans lequel sa vie serait tellement plus simple. Un monde où le bien et le mal serait facilement identifiable. Un monde rassurant ou sa conduite lui serait dictée par des éléments extérieurs. Autrement dit et pour arriver au coeur de mon intervention : un monde dans lequel l'homme n'a pas à choisir.
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Oui, certes. Mais faut-il nous conforter dans ce genre de sentiments, et même tenter de nous disculper, de nous dire que cela est positif ? Hum...
Citation :
Amélie Poulain ne fait jamais de choix moral : untel est mauvais, il doit donc être puni.
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Euh... et Colignon ? Il me semble assez clair qu'elle fait le choix "Colignon est un salaud, donc Colignon -> poubelle".
Citation :
C'est ce fantasme, cette aspiration secrète présente chez tous les spectateurs qui a du faire une partie du succès du film. Mais je me garderai bien de condamner le film pour cette raison. Ce n'est ni le premier ni le dernier film qui flatte nos pulsions plus ou moins inconscientes (le premier qui me vient à l'esprit en raison de son succès est Le seigneur des Anneaux : si je sais qu'untel appartient à telle race, je sais à quoi m'en tenir). Il serait d'ailleurs une erreur de penser qu'aimer de tels films serait une régression. J'en vois certains qui semblent tirer une certaine fierté par rapport à ça, c'est de leur part sous estimer la vie psychique inconsciente que l'on a tous. Ces pulsions sont présentes en chacun de nous, les plus honteuses comme les autres, il n'y a rien de plus naturel chez l'homme. De tels films ne les réveillent pas, ils ne font que nous rappeler leur présence et leur influence (pas toujours évidente) sur nos vies à tous.
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Oui, ces "pulsions honteuses" existent. Et, oui, montrer des "pulsions honteuses" sous un jour positif va plaire (parce que l'on n'est pas confronté à leur caractère "honteux" ). Mais, là encore : est-il préférable de les montrer sous un jour positif, de les justifier, de nier le caractère "honteux" ? Ou bien, serait-ce souhaitable de les montrer de façon critique, de ne pas nier leur contenu, de ne pas les masquer derrière des justifications plus ou moins acceptable ?
Débat intéressant, et c'est là une différence entre des oeuvres qui vont induire un malaise, une réflexion, une remise en cause, et des oeuvres qui vont plutôt nous conforter dans notre position, dans nos pseudo-certitudes. (note : là, on n'est pas dans le divertissement pur, hein...)
tetedeiench a écrit :
Ma critique a l'argumentation de goret est simple : il dit que amelie fait un meurtre, et que ce meurtre est inexcusable. All right, c'est vrai, amelie, elle persecute Colignon.
Maintenant, il y a deux choses a voir au dela de ce raisonnement tres famille de france :
-Colignon est vraiment une tete a gnons pour le spectateur
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Car il a été manichéisé. Et d'autre part, cela aurait-il justifié un meurtre physique ?
Citation :
-Ce n'est vraiment pas le premier film ou quelque chose d'injuste se passe.
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Oui, et ? Ce n'est pas parce qu'il y en a d'autres, qu'il faudrait fermer les yeux dessus.
Citation :
Goret s'instaure finalement ici comme defenseur de la morale, du bon vivre et du politiquement correct. Ne pas persecuter quelqu'un qui ne vous a rien fait directement, spa bien.
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Faut-il en déduire : "persécuter quelqu'un jusqu'à en faire un zombie, sur la base de quelques observations subjectives, c'est bien" ? Réponds SVP.
Et d'ailleurs, je ne demande pas à ce que ce soit montré comme "mal", mais seulement à ce que ce soit montré dans sa totalité, avec la cruauté qui y est présente, au lieu de la cacher. Et libre au spectateur, alors, de l'interpréter. Dans le film, ce n'est pas le cas, et c'est justement montré de façon positive, ou du moins "anodine". Eh oui, c'est le film qui est moralisateur, avec toute la part de "faire le bonheur des aurtes"...
Citation :
Et s'en sert comme argument pour baisser la valeur du film. Personellement, je pense que cela n'enleve rien au film, et que, si tu devais critiquer tous les films ou une telle chose se passe, tu serai vraiment dans la merde. De meme les comptes de fees, des qu'il y a un dragon qui se fait tuer ou une sorciere qui fond a la fin dans sa marmite alors que des morveux sont venus la faire chier, spa top "goretmoral".
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Le "faire chier" est variable, hein... s'ils passent à proximité sans qu'il y ait d'interdiction claire et nette, et qu'on les menace de mort, c'est de la légitime défense. D'autre aprt, j'ai déjà dit ne pas beaucoup aimer le manichéisme, et nombre de contes en sont remplis.
Citation :
Maintenant, il faut arreter de paranoiaquer. Laissons les adultes interpreter ce film pour adulte. ne suggerons pas que ce film est mauvais a cause d'une scene ou la violence est cachee pour certainement ne pas choquer le spectateur, montrant certainement que Amelie est humaine, fait des erreurs, et peut etre en colere, somme toute. Que sa morale soit choquee, ok, c'est son systeme de valeur ( ultra rigide a mon humble avis, d';ou mon qualificatif de fasciste, surtout vu sa volonte de l'imposer aux autres), mais tout tolerant qu'il se dit etre, il est comme n'importe qui : il nous lache son systeme de valeurs dans la gueule ( faire chier colignon => pas bien) et on doit l'accepter. Je ne suis pas d'accord !
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Et ce n'est pas toi qui est en train de m'"imposer" d'interpréter le film à ta façon, ou qui voudrait du moins m'interdire d'exprimer des idées ? Je ne force pas les gens à me suivre, je me contente de m'exprimer. J'argumente, mais en quoi cela empêche-t-il ceux qui ne sont pas du même avis de contre-argumenter ?
tetedeiench a écrit :
Sinon, pour le coup des robots goret, t'as loupe le truc principal : le robot est une metaphore de l'etre humain a la base. Tu laisses tes momes regardr un DA ou des robots tuent des robots et en sortent grandi, vainqueurs, triomphant, et heureux ? Soyons serieux
Si tu critiques Amelie sur ce point, interdit a tes futurs momes tout dessin anime sauf les telletubbies 
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Qui parle d'interdire ? Ai-je parlé d'interdire ? NON. Alors, merci de ne pas sous-entendre des choses que je n'ai pas dites. Je suis favorable au décryptage, c'est à dire au fait de pouvoir regarder librement, mais avec des éclairages complémentaires quand ils semblent nécessaires. Et libre au spectateur d'interpréter comme il le voudra par la suite.