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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
15.4 %
 273 votes
1.  "La république" de Platon
 
 
6.7 %
 119 votes
2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
15.7 %
 279 votes
3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
1.5 %
    27 votes
4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
15.0 %
 266 votes
5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
17.8 %
 315 votes
6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
5.9 %
 105 votes
7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
6.4 %
 113 votes
8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
7.5 %
 133 votes
9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
8.1 %
 144 votes
10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°1419084
Magicpanda
Pushing the envelope
Posté le 31-10-2003 à 13:13:54  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
Pour moi Sartre : Tout
André comte sponville  
Clément Rosset


---------------
" Quel est le but du capital ? Le but du capital c'est produire pour le capital. L'objectif, lui, est illimité. L'objectif du capital c'est produire pour produire." - Deleuze || André Gorz - Vers la société libérée
mood
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Posté le 31-10-2003 à 13:13:54  profilanswer
 

n°1419126
pascal75
Posté le 31-10-2003 à 13:22:42  profilanswer
 

L'antichrist > C'est intéressant ta conception de la philo. C'est pas du tout la mienne, donc, à la limite je n'ai pas grand-chose à en dire et ce que j'aurais à en dire serait hors-sujet. Mais si de ton côté tu veux jouer le jeu de ce topic qui consiste à dire si il y a un livre de philo qui a été pour toi une incitation à continuer, voire à développer ton "exigence critique de rationalité", ce sera sans doute très utile de le savoir :)
PS : je ne voulais pas non plus dire que les profs de philo n'ont pas de raison plus haute de philosopher que leurs appointements. Ce serait évidemment réducteur.


Message édité par pascal75 le 31-10-2003 à 13:28:07
n°1419134
pascal75
Posté le 31-10-2003 à 13:24:15  profilanswer
 

L'antéchrit > est-ce que ta tartine n'aurait pas fondamentalement pour but d'essayer de nous intimider :lol:

n°1419152
pascal75
Posté le 31-10-2003 à 13:27:37  profilanswer
 

magicpanda a écrit :

Pour moi Sartre : Tout
André comte sponville  
Clément Rosset  


Ah Sartre, ça c'est rare parce qu'aujourd'hui il fait un peu figure d'ancêtre qu'on respecte mais qu'on dédaigne un peu. A quel livre tu penses particulièrement et qui donnerait envie d'aller y voir ?
Les deux autres ont déjà été cités. Comte Sponville, perso j'accroche pas, mais il en a déjà été question ici. :)

n°1419186
l'Antichri​st
Posté le 31-10-2003 à 13:33:57  profilanswer
 

Citation :

C'est intéressant ta conception de la philo. C'est pas du tout la mienne, donc, à la limite je n'ai pas grand-chose à en dire et ce que j'aurais à en dire serait hors-sujet. Mais si de ton côté tu veux jouer le jeu de ce topic qui consiste à dire si il y a un livre de philo qui a été pour toi une incitation à continuer, voire à développer ton "exigence critique de rationalité", ce sera sans doute très utile de le savoir    
PS : je ne voulais pas non plus dire que les profs de philo n'ont pas de raison plus haute de philosopher que leurs appointements. Ce serait évidemment réducteur.


 
Je ne voulais pas non plus me montrer ni arrogant ni prétentieux : je suis certain que lorsque tu parlais de " réponses... " tu faisais en fait référence à la philosophie matérialiste et hédoniste qui, comme philosophie, est éminemment respectable !
 
Pour " jouer le jeu " du topic, je suis contraint de répéter que tous les textes sont lisibles (en droit) et que faire des choix a-priori est dangereux (la philosophie devient doctrine) ! Je n'ai donc pas d'oeuvres particulières à conseiller (même si Levinas m'impressionne beaucoup en ce moment !). En revanche, comme tu le dis très justement, il y a des auteurs qui nous parlent plus que d'autres et dont les oeuvres alors deviennent des livres de chevet : pour moi, Platon, Epicure, Descartes, Pascal (personne ne l'a cité, il me semble), Spinoza, Kant, Hegel et toute la philosophie contemporaine. Carpe diem, carpe diem...


Message édité par l'Antichrist le 02-11-2003 à 03:29:56
n°1419195
pascal75
Posté le 31-10-2003 à 13:35:40  profilanswer
 

L'Antichrist a écrit :

Carpe diem, carpe diem...


OK. Très bon, ça va inciter à chercher de qui est cette citation  :D

n°1420739
rahsaan
Posté le 31-10-2003 à 16:10:22  profilanswer
 

Alors, P75, as-tu lu l'abrégé de conceptologie hegelienne proposée par l'Antichrist ?  [:darkmavis xp]  
Je l'ai lue et cela m'a bien aidé et m'a aidé à préciser ces concepts-clefs de Hegel.  :jap:  
 
Je recommande Surveiller et Punir de Michel Foucault. [:powa] Son projet est de dresser "une généalogie de la morale moderne à partir d'une politique des corps".  
C'est un excellent pendant à l'Anti-Oedipe pour comprendre l'utilisation de la culture comme instrument de domestications des individus.


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°1420929
rahsaan
Posté le 31-10-2003 à 16:36:19  profilanswer
 

Fragments de la galaxie nietzschéenne française
 
 [:rahsaan]  
 
Sous ce titre, je désire vous donner quelques pistes pour découvrir Nietzsche par le biais de sa réception française contemporaine. En effet, notre pays est une des terres d'accueil les plus favorables au philosophe allemand, et ce, depuis la fin du 19e siècle.  :)  
 
Le but est d'abord d'apprendre à aimer ce philosophe tellement à part, tellement difficile et dont la pensée a subi de si monstrueuses non-interprêtations.  :pfff:  
 
Ce ne sont vraiment que quelques pistes, j'oublie beaucoup de mondes (mais je n'ai pas non plus lu des centaines de livres !  :D ).
 
Valéry et Gide sont les plus célèbres parmi les premiers lecteurs de Nietzsche . Le premier cherchait chez Nietzsche une incitation au courage et à la force de la maîtrise de soi. Et le second a écrit les Nourritures terrestres sous l'influence du poète de Zarathoustra.
 
Bataille, quoique prisonnier de schèmes hégéliens, a étudié l'érotisme nietzschéen, l'abondance de forces issues du dionysiaque. cf. L'érotisme.
 
Deleuze et Foucault ont été de grands interprêtes de Nietzsche. Leurs lectures se font surtout à partir de la Généalogie de la morale : la philosophie comme recherche des origines inavouables des formations politiques et culturels, et comme force critique permettant de dépasser le ressentiment et les devenir-fascistes mortifères. La dire-oui (ja-sagen) constitue ainsi le plus haut point où puisse être portée la pensée. Dépassant tout ressentiment, elle trouve la force d'affirmer l'éternel retour de toutes choses et de rendre possible une typologie des hommes dont le sommet est l'horizon du surhumain.
 
Plus récemment, Clément Rosset a mis l'accent sur le caractère inexplicable de la joie, étrangère à toute raison, jouissance immédiate et mystique face au monde, conçu comme réalité sans aucun double, réel tragique et cruel dont aucun miroir ne nous renvoie l'image.  
cf. Logique du Pire ; La force majeure.
 
Les études les plus récentes sur Nietzsche vont encore bien plus loin dans la compréhension de notre auteur, et mettent en évidence que les recherches généalogiques ne constituent qu'une face de la philosophie nietzschéenne.  
Patrick Wotling, dans son splendide livre Nietzsche et le problème de la civilisation, montre comment le projet fondamental de Nietzsche, projet poursuivi durant toute sa vie philosophique, fut d'être le "médecin de la culture", celui qui pose un diagnostic sur les cultures et forge des instruments capables de réformer en profondeur l'orientation des civilisations. Par delà le Bien et le Mal est le livre où apparait le mieux cette philosophie législatrice. Dans l'Antéchrist, également, dans l'opposition entre le christianisme et le code de Manou, "bible" du brahmanisme.
Apparaît alors la figure du philosophe-législateur, avatar du philosophe-roi de Platon. Ainsi le projet de ce dernier aurait été de réformer la Cité Grecque, toute sa philosophie ne constituant qu'une discipline en vue de stopper la décadence de son époque.  
Platon, qui n'a jamais cru aux Idées suprasensibles, a ainsi essuyé le refus des tyrans à qui il proposait l'idée de fonder une cité dont la philosophie serait le couronnement.
L'éternel retour est ainsi pensé non pas comme une nouvelle doctrine, dont la vérité remplacerait celle de Dieu, mais bien comme un instrument d'élevage de l'homme vers un type  surhumain, capable de supporter le retour éternel de cette même vie, assez fort pour affirmer, sans aucune consolation métaphysique, le hasard tragique de l'existence.  
 
Yannis Constantidinès met l'accent sur la volonté nietzschéene quasi-obsessionnelle de sortir l'homme de la décadence, qui le précipite vers le type du sous-homme, faible, grégaire, impuissant, fragmentaire, au sein d'une aire européenne qui s'enfonce dans une "léthargie bouddhique". La philosophie s'affirme avec Nietzsche comme un jeu dangereux, une médecine des poisons, destinée à dépasser le nihilisme vers une manière divine de penser. Puisque le nihilisme détruit tous les idéaux, en révèle la vanité, cette volonté de destruction peut être changée en volonté de création du royaume de Zarathoustra, le royaume de la terre, débarrassé de toutes les ombres de Dieu.  
Cette tentative dangereuse de forger la noblesse de l'homme est un jeu avec le hasard. Cela exige du philosophe qu'il puisse disposer de toutes les conditions culturelles (économiques, sociales, religieuses) comme d'un matériau pour annoblir l'homme.
Comme le dit Nietzsche (je cite de mémoire) : "Nous faisons une tentative de dépassement du nihilisme qui risque de faire périr l'humanité !... Eh bien, allons-y !"  :lol:
 
EDITS
 
J'ajoute juste que pour ceux qui veulent lire Ainsi parlait Zarathoustra, plusieurs traductions existent. La plus célèbre est celle de Maurice de Gandillac chez Gallimard. Elle fait autorité dans les esprits, un peu comme le Nietzsche et la philosophie de Deleuze.
C'est par cette traduction que j'ai commencé.  
Toutefois, je ne peux que vous donner un conseil : oubliez-la.  
Elle est ésotérique, écrite dans un crypto-français imbitable.  
Changez de prenez la traduction de Georges-Arthur Goldschmidt, qui est claire et très belle.  ;)
 
Un entretien de grande kalitaÿ avec Yannis Constantidines.


Message édité par rahsaan le 31-10-2003 à 16:56:59

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°1421261
l'Antichri​st
Posté le 31-10-2003 à 17:19:14  profilanswer
 

Intéressant Rashann !!!
 
Pour poursuivre ta réflexion sur la pensée de Nietzsche, voici une toute petite étude sur la volonté de puissance :
 
La philosophie de Nietzsche se construit en partie contre Schopenhauer. Les premières années d?admiration passées, Nietzsche entend bien remettre Schopenhauer à sa place dans l?histoire en général et dans l?histoire de la philosophie en particulier. Le problème immédiat qui se pose à celui qui étudie le thème de la volonté chez Nietzsche est celui du statut de l? « ouvrage » intitulée La volonté de puissance. Comment classer cet ouvrage ? Ramassis de feuilles classées par la soeur de Friedrich qui a fricoté avec l?hitlérisme et le nazisme ?  
 
Il n?empêche que les fragments de Nietzsche valent pour eux-mêmes et qu?il incombe de les mettre en ordre (au niveau théorique en fonction de la philosophie de son auteur). Le génie de Nietzsche découle de sa prise de conscience que tous les philosophes sont tombés dans une impasse métaphysique. Les philosophes croient à l?antinomie des valeurs. En quel sens ?  
 
« Psychologie de la métaphysique- ce monde est apparent : donc il y a un monde-vérité ; - ce monde est conditionné : donc il existe un monde absolu ; ce monde est plein de contradictions : donc il existe un monde sans contradiction ; ce monde est dans son devenir, par conséquent il existe un monde qui est : - tout cela n?est que fausses conclusions (résultat d?une confiance aveugle en la raison : si A existe, il faut aussi qu?existe son idée contraire B). C?est la souffrance qui inspire ces conclusions : au fond, ce sont là seulement les souhaits d?un pareil monde : de même, la haine d?un monde qui fait souffrir s?exprime par le fait que l?on en imagine un autre, un monde plus précieux : le ressentiment des métaphysiciens à l?égard de la réalité devient ici créateur. »(cf. La volonté de puissance, § 287)    
 
Le monde de l?être naît d?un désir de l?idéal et non du constat du monde tel qu?il est. Tel est le travers des philosophes de Platon à Kant. C?est pourquoi, les philosophes considèrent le sensible comme une apparence vaine. La coupure entre réel suprasensible et apparence empirique est remise en question par Nietzsche.  
 
« L?autre monde est synonyme du non-être, de la non-vie, du désir de ne pas vivre. » (cf. La volonté de puissance, § 287)  
 
Pour Nietzsche, il s?agit d?effectuer une transmutation des valeurs. Le dernier moment de l?ontologie métaphysique est le nihilisme : Schopenhauer va au bout de la logique : on nie la volonté de vivre, l?aspiration au néant. Or, cela est le signe d?une volonté malade. D?une volonté qui n?assume plus sa fonction créatrice.  
 
D?où vient cette maladie ? De la vision de l?homme guidé par le principe du plaisir. Mais plaisir et déplaisir sont secondaires. Ce que l?homme veut, ce n?est pas le plaisir. Ce que veut l?homme, c?est une augmentation de puissance : ce n?est pas la simple confirmation de soi, mais le déploiement de son être. C?est pourquoi l?obstacle est important.  
 
« L?entrave est le stimulant de la volonté de puissance » (cf.La volonté de puissance, § 287)  
 
L?entrave n?est pas ce qui fait souffrir comme le pense Schopenhauer mais est un stimulant pour les natures fortes. Les natures faibles voient la faiblesse dans la faiblesse alors qu?il faut y voir la possibilité du dépassement c?est-à-dire la puissance. La réflexion de Schopenhauer était la suivante : la béatitude est la négation du vouloir. Pourquoi ? Car tout désir est manque, donc douleur ; et la satisfaction du désir débouche sur un autre désir et donc sur un manque, une autre douleur. C?est contre cela que Nietzsche s?élève car il ne veut pas oublier la satisfaction du plaisir comme une augmentation de puissance. C?est une joie que de satisfaire un désir ! Il faut se défaire de l?idée d?un homme qui cherche le repos : il s?agit du signe d?une faiblesse de la volonté puisqu?elle ne veut rien.  
 
« Pourquoi les arbres d?une forêt vierge luttent-ils entre eux ? Pour le bonheur ? Pour la puissance ! » (cf. La volonté de puissance, § 305)
 
C?est pourquoi, la volonté véritable est celle qui veut son dépassement. Contrairement à Schopenhauer, Nietzsche ne pense pas que la volonté, le vouloir vivre veut l?immuable. Cette position est faible. Et ne vaut que pour les faibles. Les forts, eux, veulent dépasser cette volonté.  
 
« La volonté de puissance est-elle une espèce de volonté ou bien est-elle identique à l?idée de « volonté » ? Est-elle équivalente à l?idée de désirer ou de commander ? Est-elle la « volonté » dont Schopenhauer prétend qu?elle est l?en-soi des choses ? J?affirme que la volonté de la psychologie telle qu?elle a été enseignée jusqu?à présent, est une généralisation injustifiée, que cette volonté n?existe pas du tout, qu?au lieu de saisir le développement d?une volonté déterminée, sous des formes multiples, on a supprimé le caractère de la volonté, en en faisant disparaître la teneur et le but - : c?est le cas au plus haut degré chez Schopenhauer, car il appelle « volonté » un mot vide de sens. Il s?agit moins encore d?une « volonté de vivre », car la vie n?est qu?un cas particulier de la volonté de puissance : il est tout à fait arbitraire de prétendre que tout tend à passer dans cette forme de la volonté de puissance. » (cf. La volonté de puissance, § 302)      
 
Ainsi, pourrait-on comprendre le fameux « Dieu est mort » par lequel tout le système d?évaluation du monde s?écroule. Un philosophe comme Kant n?a pas pu supporter cet abîme et a voulu sauver la morale en désolidarisant la morale de la connaissance au profit de la foi. D?un point de vue nietzschéen, Dieu comme postulat de la raison pratique n?est qu?un cache-misère. Schopenhauer a rejeté cela pour se complaire dans la fascination morbide de la non-valeur : il rejette le monde pour les mêmes raisons que les autres le valorisent. Ils discutent encore avec les valeurs de l?ancien monde même si c?est pour les nier et pour ne pas les vouloir.
 
Pour lutter contre cela, il faut dépasser la négation  et mettre à jour un nouveau système de valeurs (c?est précisément cela que n?a pas fait Schopenhauer : c?est donc un exemple fascinant de la volonté de puissance qui se retourne contre elle-même, qui veut son dépassement dans le néant de volonté parce que tous les objets sont frappés d?inanité). La proclamation de la mort de Dieu est celle de l?insensé dans Zarathoustra. Il s?agit de dépasser la contradiction : si Dieu est Dieu, il ne peut pas mourir ; et si un étant meurt, c?est qu?il n?était pas Dieu. Dieu est mort, pourtant. Ce Dieu est celui de la métaphysique. Comment comprendre cela ? Le problème que Nietzsche rencontre est celui de l?effondrement des idoles(c?est cela qui donne le titre à l?ouvrage Le crépuscule des idoles). Cela intervient dans le cadre plus général de la dévalorisation des valeurs, et les valeurs sont attribuées par la métaphysique. Il faudrait sans doute moins voir Nietzsche comme un athée prodigieux que comme le penseur qui remet en question le Dieu de la métaphysique. C?est-à-dire la métaphysique quand elle parle de Dieu. Et depuis Kant, la figure de Dieu est celle du Dieu moral. Telle est la figure avec laquelle Kant et ses successeurs ( Fichte, Feuerbach, Schopenhauer, et même Marx ) sont en relation. C?est pourquoi, La généalogie de la morale est le travail nietzschéen qui vise entre autres à détruire le dieu de l?impératif moral (« Entre autres », oui. Pour une présentation générale de l?aspect généalogique du nietzschéisme, lire le travail de Jacques-Louis Lantoine : La généalogie : Nietzsche et Foucault).  
 
Quand la figure du Dieu moral disparaît, que reste-t-il ? Une nouvelle figure du divin que nous ne connaissons pas et que nous ne maîtrisons pas. Avec le Dieu moral, l?anti-métaphysicien possède un adversaire dont il connaît les moindres recoins. Or, si cette figure disparaît, quel retour de Dieu allons-nous vivre sans nous en rendre compte ? Si les métaphysiciens placent un nouveau Dieu sur le chemin de la pensée, nous allons encore être dans l?esclavage de Dieu. Or, Nietzsche veut en finir avec l?esclavage. C?est pourquoi, il est nécessaire que la volonté de puissance investisse le réel. Le plus difficile ne consiste pas à écarter en un revers de main la figure évidemment inadéquate de Dieu que donne la métaphysique, il faut que l?homme d?une part accepte de vivre dans l? « océan infini de substance » et d?autre part reste vigilant face aux nouvelles formes de visages de Dieu que les nouvelles formes de savoir nous livrent (et qui peuvent nous duper - en bon nietzschéen, Deleuze, dans ses écrits concernant la psychanalyse, interroge la « connaissance psychanalytique »  sur la nature du « Père » ou du « Phallus ». Ne sont-ils pas un retour de la divinité sous une forme qui nous dupe ? Peut-être croyons être dans l?invention des valeurs alors que nous sommes encore manipulés par la transcendance).  
 
Celui qui est le médiateur, c?est Nietzsche lui-même. Il se place comme le nouveau Christ qui annonce la mort de l?ancien Dieu tout en souhaitant la vigilance vis-à-vis des autres visages de la divinité que la métaphysique ne va pas tarder à inventer. La position de Nietzsche consiste alors à penser un monde sans Dieu, un monde de la mort de Dieu, où nous sommes responsables des valeurs. Tel est le parcours de Zarathoustra. Dans ce monde sans Dieu, que constatons-nous ? Pour reprendre le nerf de l?analyse de Deleuze (La philosophie de Nietzsche), il existe un rapport de forces où certaines agissent (elles sont actives et fortes en tant qu?elles acceptent de créer les valeurs) et où d?autres réagissent (réactives et faibles). D?où la question de la volonté de puissance : ce principe ne signifie pas d?abord que la volonté veuille la puissance. Elle est le principe plastique de nos évaluations. Elle consiste à créer et c?est dans cette création qu?apparaît la puissance .  
 
La puissance n?est pas ce que la volonté veut mais ce qui veut dans la volonté. Il existe deux « qualia » : les forces actives et les forces réactives. Comme nous l?avons vu, les forces réactivent triomphent dans le monde des valeurs : nihilisme. Quand ce dernier triomphe, alors la volonté de puissance n?est pas création et dépassement de soi-même mais domination opprimante et coercitive. La volonté de puissance conçue par l?esclave relève d?une conception de la puissance qui opprime et non qui libère.  
 
La volonté de puissance est donc vue de deux façons : le fort la conçoit comme une création là où le faible la conçoit comme un moyen de dominer. Le parcours de la conscience faible est la suivant :  
 
1. Le ressentiment : le faible considère que sa faiblesse vient des autres.  
 
2. La mauvaise conscience : la faute est intériorisée. C?est ma faute si je suis malheureux.  
 
3. L?idéal ascétique  : La vie faible veut la négation de la vie. La volonté de puissance devient puissance du rien. Comme Platon, le faible juge la vie en fonction de valeurs transcendantes à celles-ci.  
 
4. La mort de Dieu : le faible agit faiblement (c?est normal !) face à cet événement. Comme l?âne aux grandes oreilles de Ainsi parlait Zarathoustra, l?homme réactif croit vouloir créer des valeurs alors qu?il porte encore les anciennes valeurs.  
 
5. Le dernier homme : voilà l?homme qui veut s?éteindre et qui dit «  il vaut mieux un néant de volonté qu?une volonté de néant ». Plutôt que de souffrir dans la réaction, il vaut mieux ne rien vouloir. Telle est la place de Schopenhauer.
 
6. L?homme qui veut périr : l?homme a envie de se détruire activement. Il veut alors construire de nouvelles valeurs et pour cela, il doit en passer par la destruction des anciennes. La destruction se doit d?être radicale.  
 
A la fin de ce parcours, la transmutation des valeurs est possible. Transmutation : la négation se retourne contre les forces réactives et devient active. Il s?agit d?affirmer : telle est la volonté de puissance telle qu?elle est en elle-même. C?est pourquoi, sont affirmées de nouvelles valeurs : la vie, le multiple, le devenir en tant que devenir. Ce qu?il faut retenir de cette vision, c?est que la volonté de puissance pour un être fort réside dans la création et dans l?invention.  
 
L?objet est une force ou plutôt l?expression d?une force. Quand une force se rapporte à une autre force : nous sommes confrontés à la volonté. La volonté (de puissance) est l? « élément différentiel de la force », pour reprendre une expression de Deleuze. La volonté s?exerce nécessairement sur une autre volonté. Le véritable problème de la pensée n?est pas dans les rapports de la volonté et de l?involontaire mais dans le rapport d?une volonté qui commande et d?une volonté qui obéit. La force est ce qui peut ; la volonté de puissance est ce qui veut . Mais ce qui veut vraiment.  
 
Nietzsche force au final à penser un monde sans Dieu. Un monde de la mort de Dieu. Les polémiques et les discussions de la tradition philosophique sont ici remises à leur place c?est-à-dire au rang d?acceptation des valeurs et non dans l?optique d?une reconstruction axiologique (Cela est bien montré dans le travail de Nicolas Ossywa, Création, valeurs et temporalité chez Nietzsche, précisément dans la section intitulée « Le sens du « combat » contre la décadence »). C?est pourquoi, Freud et Heidegger, dans des optiques complètement différentes, discutent avec et contre Nietzsche. Une voie d?étude intéressante résiderait dans le texte de Heidegger intitulé «  Le mot de Nietzsche : Dieu est mort » que l?on peut trouver dans Chemins qui ne mènent nulle part (collection TEL, Gallimard). Texte très stimulant pour la pensée. C?est surtout après les atrocités de la guerre que les philosophes redécouvrent Nietzsche ou plutôt un certain Nietzsche détourné de sa fin mais convoqué pour prouver l?absence de Dieu qui a permis l?horreur absolue. Comment Dieu peut-il permettre une volonté du mal, une volonté qui produit Auschwitz et Treblinka ? D?où la phrase fameuse : « Dieu est mort dans les camps ».  
 
L?optimisme socratique est mis à mal parce qu?il ne pense pas la radicalité du mal mais un mal relatif, un mal apparent ou le mal d?un autre. Vouloir radicalement le mal pour le mal, est-ce possible ? La réponse la plus commune consiste à répondre que ce serait là une volonté diabolique et non-humaine. Si on n?admet pas la possibilité de vouloir un mal autre que relatif, on ne prend pas au sérieux l?existence du mal. C?est nier l?existence d?un mal contingent, simplement possible, qui n?arrive que parce qu?on le veut : le mal véritablement scandaleux. C?est refuser de penser la volonté dans sa liberté (nous pouvons penser au texte de Gide intitulé L?immoraliste et qui développe une théorie de l?acte gratuit). Or, la possibilité du mal est la figure fondamentale (ce qui ne veut pas dire la plus haute) de la liberté : sans possibilité de vouloir le mal, pas de liberté.  
 
C?est ce problème que rencontre Sartre. Penser un monde de la mort de Dieu et penser la liberté comme essence de l?homme sont également les deux piliers de son système. Il reste donc à analyser l?évolution du concept de « volonté » dans ce cadre de pensée. Comment relier la volonté et la liberté comme essence de l?homme ? Peut-on penser une volonté sans liaison avec les valeurs transcendantes ?


Message édité par l'Antichrist le 31-10-2003 à 17:44:46
n°1421291
rahsaan
Posté le 31-10-2003 à 17:24:14  profilanswer
 

Ouhla !  :ouch: Tu viens de nous pondre encore un pavé !  :D  
Je vais le lire, mais attends !... Mon imprimante est en ce moment en train d'imprimer ton texte sur "Démontrer".  :lol:
 
Méfie-toi pour la Volonté de Puissance : cet ouvrage n'est pas de Nietzsche. Tu n'as aucune assurance, en le lisant, que les textes soient bien de la main du philosophe. C'est bien vrai que c'est la soeur, Elisabeth Foester-Nietzsche a fricoté avec la nazisme. Epouse d'un pangermaniste antisémite, qui rêvait de fonder une communauté raciale "pure" au Pérou. Aussi Nietzsche a -il surnommé sa charmante soeur "le lama péruvien" -lama car elle crache quand on ne s'y attend pas. En 1933, Elisabeth rencontre d'ailleurs Hitler, à qui elle offre fiérement la canne de marche de son frère...  :fou:  :pfff:
La nullité intellectuelle crasse de cette femme a fait le plus grand tort à Nietzsche.  
Il faut s'en tenir aux Fragments posthmumes de l'édition Colli-Montinari pour avoir des textes fiables, en dehors des livres publiés.  ;)
 
EDIT
Ok, je viens de lire ton texte. Il est très précis et clair, effectivement. Il correspond exactement aux recherches nietzschéennes de l'époque de Deleuze et Foucault.  
Toutefois, cette lecture de Nietzsche prend encore la philosophie comme recherche de la vérité, comme "renversement du platonisme", bref comme une nouvelle doctrine.  
Or, le versant législateur n'est pas aperçu par cette lecture, qui continue à vouloir établir un "système" de concepts rationellement enchaînés.  
Or, le fin de mot de Nietzsche si je puis dire n'est pas de révéler la mort de Dieu, mais, si l'on en croit Wotling, de tenter de construire des instruments d'artistes dont la culture serait le matériau. Cela dépasse de loin la problématique de la connaissance vraie. ;)


Message édité par rahsaan le 31-10-2003 à 17:47:27

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
mood
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Posté le 31-10-2003 à 17:24:14  profilanswer
 

n°1421394
izz
NON aux Brevets Logiciels
Posté le 31-10-2003 à 17:37:05  profilanswer
 

pascal75 a écrit :

Ce topic est destiné à donner une idée des livres de philosophie à lire quand on n?est pas spécialiste.  
(...)


 
Très bonne idée
 
Par contre pas de trace de l'Éthique à Nicomaque (Aristote), c'est pourtant un ouvrage majeur (mais, il est vrai, assez inaccessible)  ;)  

Quelle est la finalité de notre existence ? Quels sont le but ultime et la raison de notre vie ? Et qu'est-ce que le bonheur ? L'Ethique à Nicomaque affronte ces questions. Elle analyse les termes dans lesquels il convient de les poser et progresse pas à pas vers la solution qu'elle propose au sage. La subtilité avec laquelle Aristote confronte les points de vue, l'ampleur et la rigueur de ses investigations, la profondeur de sa conclusion ont fait de cet ouvrage un livre fondateur de toute la tradition philosophique.

n°1421444
fastclemmy
(re-)Dictateur en plastique
Posté le 31-10-2003 à 17:47:09  profilanswer
 

Indispensable pour les néophytes comme moi qui ont sans doute eu des cours de philo trop tôt :
 
http://images-eu.amazon.com/images/P/2070327841.08.LZZZZZZZ.jpg

n°1421465
Magicpanda
Pushing the envelope
Posté le 31-10-2003 à 17:50:44  profilanswer
 

pascal75 a écrit :


Ah Sartre, ça c'est rare parce qu'aujourd'hui il fait un peu figure d'ancêtre qu'on respecte mais qu'on dédaigne un peu. A quel livre tu penses particulièrement et qui donnerait envie d'aller y voir ?
Les deux autres ont déjà été cités. Comte Sponville, perso j'accroche pas, mais il en a déjà été question ici. :)

 
je dirai huis clos , les séquestrés d'altona ( magnifique sur le theme de la liberté ) , le mur ( méconnus mais génial )  
Pour moi certainement le bonhomme avec la pensée la plus honnète , la plus pure et peut etre la plus courageuse vis a vis de lui même ...
Il y a aussi "la mort dans l' âme " excellente réflexion sur la guerre , et "L'age de raison "  
Cet auteur a completement boulversé ma vision des gens et du monde , je me sent parfaitement existensialiste en résumé :D .
Et quand bien même on trouve le fond décevant , c'est tellement bien écrit que ca fait plaisir a lire .


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" Quel est le but du capital ? Le but du capital c'est produire pour le capital. L'objectif, lui, est illimité. L'objectif du capital c'est produire pour produire." - Deleuze || André Gorz - Vers la société libérée
n°1421469
Magicpanda
Pushing the envelope
Posté le 31-10-2003 à 17:52:10  profilanswer
 

fastclemmy a écrit :

Indispensable pour les néophytes comme moi qui ont sans doute eu des cours de philo trop tôt :
 
http://images-eu.amazon.com/images [...] ZZZZZZ.jpg


 
 
Exact très bon bouquin , mais un peu pénible d'accès sur certains points , ressemble un peu trop a un cours justement ...
J'aime aussi énormément le travail de Bourdieu , même si ca n'est pas vraiment de la philo , c'est une réfléxion extrèmement fine liée a une très belle écriture  :)


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" Quel est le but du capital ? Le but du capital c'est produire pour le capital. L'objectif, lui, est illimité. L'objectif du capital c'est produire pour produire." - Deleuze || André Gorz - Vers la société libérée
n°1421471
rahsaan
Posté le 31-10-2003 à 17:52:24  profilanswer
 

Récemment, j'ai lu attentivement Le mythe de Sisyphe.
Que c'est beau !  :love:  
Lisez-le, c'est un texte tellement beau, tellement profond...  :love:


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°1421548
l'Antichri​st
Posté le 31-10-2003 à 18:09:51  profilanswer
 

Citation :

Méfie-toi pour la Volonté de Puissance : cet ouvrage n'est pas de Nietzsche. Tu n'as aucune assurance, en le lisant, que les textes soient bien de la main du philosophe. C'est bien vrai que c'est la soeur, Elisabeth Foester-Nietzsche a fricoté avec la nazisme. Epouse d'un pangermaniste antisémite, qui rêvait de fonder une communauté raciale "pure" au Pérou. Aussi Nietzsche a -il surnommé sa charmante soeur "le lama péruvien" -lama car elle crache quand on ne s'y attend pas. En 1933, Elisabeth rencontre d'ailleurs Hitler, à qui elle offre fiérement la canne de marche de son frère...        
La nullité intellectuelle crasse de cette femme a fait le plus grand tort à Nietzsche.  
Il faut s'en tenir aux Fragments posthmumes de l'édition Colli-Montinari pour avoir des textes fiables, en dehors des livres publiés.


 
Tu as tout à fait raison, mais, comme je l'ai indiqué, cette difficulté n'empêche justement pas de réfléchir au statut de ce texte en le lisant en fonction de la philosophie de son auteur !
 

Citation :

Toutefois, cette lecture de Nietzsche prend encore la philosophie comme recherche de la vérité, comme "renversement du platonisme", bref comme une nouvelle doctrine.  
Or, le versant législateur n'est pas aperçu par cette lecture, qui continue à vouloir établir un "système" de concepts rationellement enchaînés.  
Or, le fin de mot de Nietzsche si je puis dire n'est pas de révéler la mort de Dieu, mais, si l'on en croit Wotling, de tenter de construire des instruments d'artistes dont la culture serait le matériau. Cela dépasse de loin la problématique de la connaissance vraie.


 
Là, entièrement d'accord ! Mais tel n'était pas mon propos. Il y aurait d'ailleurs beaucoup à dire sur le " Nietzsche artiste " ! Je vais essayer, si j'ai un peu le temps !

n°1422358
le penseur​ fou
Posté le 31-10-2003 à 20:14:36  profilanswer
 

L'Antichrist a écrit :

Citation :

Quand tu écris "tout est à lire en philosophie" ça dépend du point de vue où on se place. Si c'est de celui d'un prof de philo ou d'un étudiant en philosophie, oui, tu as raison, tout est à lire, parce que dans ces cas on a besoin d'être un intellectuel de la philosophie, un Pic de la Mirandole du concept. Le prof a besoin de répondre à toutes les questions de ses étudiants, et l'étudiant espère devenir prof.
Mais du point de vue qui nous intéresse ici, c'est à dire de celui du non-spécialiste et qui n'entend pas le devenir, a-t-on besoin de tout lire ? la réponse (je vous rassure  ) est non. On a besoin de lire les livres et les auteurs qui nous parlent, ceux qui nous aident dans la vie, qui nous apportent des réponses pratiques aux questions qu'on se pose et même à celles qu'on ne se posait pas. Un grand auteur a fait cette comparaison : une philosophie c'est comme une paire de lunettes, il faut savoir choisir la bonne.


 
Lorsque je disais que " tout est à lire en philosophie " je voulais signifier qu'il n'y a pas de texte qui soit, de fait, " indigne " de l'intérêt du  " philosophe " (Epictète parlait du " progressant " pour différencier le philosophe du sage !) : faire de la philosophie, que l'on soit enseignant ou étudiant, c'est moins apprendre que comprendre, s'éveiller à la pensée et (re)découvrir ce qu'au fond on avait toujours préssenti. Faire de la philosophie, c'est s'éveiller au " naturel philosophique ", cette disposition à s'émerveiller de tout, de goûter la fraîcheur toujours nouvelle de chaque instant. Est philosophe, celui qui possède cette capacité, finalement assez rare, de s'étonner de tout, celui pour qui rien n'est en soi banal ni insignifiant. L'émerveillement confère à l'esprit un renouvellment constant de son intérêt, une ouverture et une simplicité libre de toute présomption.
 
En revanche, c'est une grave erreur de confondre, comme tu le fais (peut-être), la question du pour quoi la philosophie, c'est-à-dire quel est son but, son utilité, ou encore quelle est sa fonction sociale (qui justifierait l'appointement de professeurs de philosophie et de chercheurs), avec la question, beaucoup plus fondamentale, des raisons qui nous pousse à philosopher (parfois contre les pressions familiales ou sociales). Y a-il un besoin de philosophie propre à l'homme ? Quelle serait la nature et l'origine de ce besoin ? Mais, plus gravement, est-ce encore philosopher que de confondre l’exigence critique de rationalité (proprement philosophique), avec le besoin psychologique de trouver des réponses ?
 
La philosophie permet, effectivement, de répondre aux souffrances qui tenaillent ou qui menacent toute vie humaine : deuil, maladie, crainte de la mort, absurdité de la vie, etc. Elle rassure, elle libère ; En expliquant le monde de manière unitaire, elle donne un sens à la vie de chacun au sein du tout. Cette vision de la philosophie et des besoins auxquels elle répondrait tend d'ailleurs à justifier les glissements que l'on observe souvent entre philosophie et religion, voire même entre philosophie et secte, ésotérisme, parapsychologie ou astrologie. De fait, dans les bibliothèques traditionnelles, le rayon consacré à la philosophie est en général encadré d'un côté par les religions et de l'autre par les sciences occultes, la parapsychologie ou des " spiritualismes " divers nous invitant à découvrir un " moi intérieur " plus ou moins énigmatique.
 
Mais en établissant de cette manière l'utilité de la philosophie et le besoin de philosopher, il est pourtant à craindre que nous ayons perdu de vue la spécificité de la philosophie par rapport aux autres pratiques humaines. En effet, nous avons pris " philosophie " au sens de doctrine, de système d'explication du monde et de la vie. C'est précisément ce sens qui transparaît lorsque l'on entend quelqu'un parler de sa " philosophie de la vie ", philosophie qui se résume en général à une sorte de vision élémentaire du monde accommodée de quelques préceptes destinés à y mener sa barque. Philosophie bien utile, donc, mais peut-on encore parler en ce cas de philosophie ? N'est-ce pas un emploi abusif du mot qui tourne le dos à l'essence même de la philosophie ?
 
la philosophie, Littéralement, la philosophia ou philosophie est l’amour de la sagesse. Mais au lieu de désigner simplement la prudence de l’homme instruit par l’expérience, capable d’agir efficacement, la sagesse consiste en une connaissance intelligible (à la fois universelle, théorique et désintéressée) de l’homme en situation (définir l’humain en l’homme), certes capable d’éclairer son action, mais dépourvue de toute fin pratique immédiate. Elle ne peut donc être confondue avec le savoir-faire de l’artisan (sophia). C’est pourquoi, la philosophie heurte et déçoit une conscience exigeant toujours davantage de techniques qui puissent servir à une maîtrise effective du monde, de la vie, ou encore des individus eux-mêmes. Sans effet ni portée dans les contextes actuels de vie (probablement de plus en plus difficiles), la philosophie apparaît comme une activité culturellement dépassée qu’il est inutile, voire dangereux de continuer à pratiquer. La philosophie ne permet pas de vivre !
 
Cependant, si la philosophie n’est pas nécessaire à la vie, elle est aussi " la seule des sciences qui soit libérale " (cf. Aristote, Métaphysique) : elle résulte de la libération à l’égard des besoins (alors que les autres sciences restent asservies à des fins utilitaires), mais surtout elle contribue elle-même à cette libération, puisqu’elle enseigne une attitude désintéressée et délivre de cette forme de dépendance qu’est l’ignorance. En ce sens, la philosophie a d’abord pour vocation d’être une démarche réflexive et critique : loin d’être un savoir sans contenus ni objet (justifiant sa propre disparition), la philosophie est l’élément moteur au centre des autres disciplines (pas de réel progrès sans une réflexion philosophique sur les fondements). C’est dire que la philosophie est indispensable comme entreprise indépendante destructrice des multiples illusions qui nous dépossèdent de notre liberté de penser et nous empêchent de découvrir les principes qui seuls peuvent donner sens à nos actions (et non les commander !).
 
Selon la formule de Nietzsche, il faut savoir être " inactuel " : non pas fuir le présent, être étranger à la dimension historique d'une époque, mais aller contre les discours ambiants qui confondent la pensée avec la rumination des mêmes idées. Il y a une dimension décisive de la pensée, au sens où on parle d'un moment décisif qu'il faut savoir saisir pour en extraire toute la richesse : moment de rupture, la philosophie intempestive se produit à contretemps. En effet, en voulant éclairer les principes intemporels sur lesquels repose les diverses manifestations du temps présent, le philosophe prend pour objet, non ce qui ne cesse de changer, le sentiment ou l'impression dans sa particularité individuelle, mais ce qui, dans les phénomènes, en rend raison, c’est-à-dire la réalité conceptuelle, pleinement intelligible qui, par son universalité et sa généralité, résiste à la temporalité et à la finitude de l’existence humaine. Autrement dit, les réponses théoriques se doivent de toujours rester " inactuelles " : elles doivent être actualisées (ce ne sont donc pas des " réponses " ). Par exemple, se demander ce qu'est la justice est une question qui ne cessera jamais d'être " actuelle ", aussi longtemps que les hommes vivront en société, et qu'il faudra organiser la communauté et le pouvoir entre citoyens ; Mais il s’agit ici de savoir ce qu’est l’essence de la justice c’est-à-dire ce qu’est la justice en elle-même (indépendemment des variations individuelles et culturelles). L’esprit philosophique s’intéresse à la Forme universelle de la justice présente dans toutes les manifestations empiriques de ce que nous nommons, aujourd’hui comme hier, " justice ". Ainsi, c’est dans la réflexion philosophique que l’actualité prend son sens et acquiert finalement sa valeur ou au contraire se révèle déficiente dévoilant, dans son rapport à une essence intemporelle, un manque de fondement qui en fait un simple accident.
 
Maintenant, il est possible et respectable de choisir entre une philosophie idéaliste et ascétique (Platon et l'histoire du platonisme - Descartes, par exemple, est un platonicien à bien des égards) et une philosophie matérialiste et hédoniste (Epicure et sa descendance, Montaigne, par exemple) : mais qu'on ne s'y trompe pas, il s'agit toujours de " philosophie "

c'est-à-dire d'une [g]réflexion désintéressée[/g]

!!!


Ce long discours est plein(trop?) de bonnes choses, on pourrait en discuter certaines (mais j'ai pas le courage).
Juste pour ce que j'ai encadré,n'est ce pas Nietzsche lui-meme qui a dit qu'il n'y avait pas de pensées désintéressées ?
le moi, la conscience ,la raison, l'identité ne seraient que le résultat sans cesse fluctuant de ce qui s'actualise (fait son chemin) a travers la multitude chaotique des pulsions ,qui ne sont elles-memes que les dérivées de la volonté de puissance .

n°1423521
pascal75
Posté le 01-11-2003 à 00:40:31  profilanswer
 

Pas mal vos pavés, va falloir que je les lise :D mais ma petite mare consiste en les quelques livres à lire quand on n'est pas spécialiste (comme le rappelait fort à propos Izz). Donc, sur ce point n'hésitez pas, vos recommandations seront sans doute pertinentes. :)


Message édité par pascal75 le 01-11-2003 à 00:40:55
n°1423537
pascal75
Posté le 01-11-2003 à 00:43:40  profilanswer
 

Rahsaan a écrit :

Alors, P75, as-tu lu l'abrégé de conceptologie hegelienne proposée par l'Antichrist ?  [:darkmavis xp]  


Je vais lire ça, m'enfin je me suis fait traiter d'hédoniste parce que je ne suis pas dialecticien. C'est rigolo. [:pascal75]  
 Enfin, je sais pas si tout ceci veut dire quelque chose pour celui qui a simplement envie de commencer à aimer la philo  :??:

n°1424218
Muldeo
Posté le 01-11-2003 à 05:28:49  profilanswer
 

Machiavel - Sur les princes (Le Prince)
 
Rousseau - Discours sur l'inégalité
 
Nietzsche - Crépuscules des idoles
 
Jean-Paul Sarte - L'existentialisme est un humanisme
 
Samuel Beckett - En attendant Godot (Pièce de théatre)

n°1424321
l'Antichri​st
Posté le 01-11-2003 à 10:28:04  profilanswer
 

Citation :

Enfin, je sais pas si tout ceci veut dire quelque chose pour celui qui a simplement envie de commencer à aimer la philo


 
Alors peut-être que mon dernier post sur l'autre topic : Topic unique : philosophie, sera plus convaincant  !

n°1424371
pascal75
Posté le 01-11-2003 à 10:52:35  profilanswer
 

Muldeo a écrit :

Machiavel - Sur les princes (Le Prince)
 
Rousseau - Discours sur l'inégalité
 
Nietzsche - Crépuscules des idoles
 
Jean-Paul Sarte - L'existentialisme est un humanisme
 
Samuel Beckett - En attendant Godot (Pièce de théatre)


 
Le prince de Machiavel n'a pas encore été cité. Mais l'intérêt c'est de dire en quoi ce fameux livre t'a donné éventuellement l'envie d'en lire d'autre, qu'est-ce qui t'a plu ? qu'est-ce qui, dans ce livre, t'a fait dire, en toi-même : "nom d'une petite bite (je ne sais pas si tu te parles comme ça à toi-même, moi oui même si anatomiquement...je m'égare...) ce livre est fait pour moi, il m'ouvre des horizons sur le monde qu'aucun autre ne m'avait ouvert, et c'est bien" ?  [:polo-san]


Message édité par pascal75 le 01-11-2003 à 10:55:40
n°1424996
pascal75
Posté le 01-11-2003 à 13:31:10  profilanswer
 

Je relis le texte très pratique de l'antichrist parce qu'il nous aide à comprendre un mode de pensée, une vision de la philosophie. De ce point de vue ce texte (je dis texte plutôt que message parce qu'il y a clairement du travail derrière :)) nous est très utile.
Maintenant ce qui me gêne, à part le fait (mais peu importe) que ce n'est pas ma conception de la philo, c'est qu'il conclue par une pensée très binaire :

Citation :

Maintenant, il est possible et respectable de choisir entre une philosophie idéaliste et ascétique (Platon et l'histoire du platonisme - Descartes, par exemple, est un platonicien à bien des égards) et une philosophie matérialiste et hédoniste (Epicure et sa descendance, Montaigne, par exemple)


Ce choix est quand même très réducteur, et heureusement que la réalité échappe à ce genre de choix forcé. Il y a quand même un certain nombre de philosophes "matérialistes" qui ne sont pas "hédonistes". On a un peu l'impression, pour le dire vite fait, que tu congédies comme des rigolos (hédonistes) ceux qui ne partagent pas ta vision dialectique du mouvement de l'histoire. C'est pas très gentil et en plus c'est faux. De grands philosophes (ceux qui m'intéressent en l'occurrence) ont prouvé le contraire.
Enfin je répond à ton "exigence critique de rationalité" : c'est très bien Hegel, c'est un penseur incontournable de la philosophie (qu'à titre personnel je me suis empressé de contourner après en avoir saisi l'atmosphère). Ceci dit pour l'instant et d'après ce topic, il semblerait qu'il n'ait pas donné à grand-monde le goût de la philo ni de "l'exigence critique de rationalité", c'est comme ça, ça ne dit rien, évidemment de l'intérêt de ce penseur, mais ça dit quelque chose de l'atmosphère qui l'entoure. Et à juste titre : on a déjà vu ce que "l'exigence critique de la rationalité" peut engendrer quand elle se retourne contre elle-même : des monstres.

n°1424997
rahsaan
Posté le 01-11-2003 à 13:31:35  profilanswer
 

Sur PPC, Izz dit qu'il voulait poster une réponse, mais qu'il s'est fait TT.  :(
 

izz a écrit sur PPC  :


LOL j'ai été TT sur HFR, c'est du n'importe quoi !
 
Tant pis je peux pas poster mon reply dqns le topic philo ...
 
----
 
 
 
Au fait je vous encourage à consulter les thèmes de galicia :
 
http://gallica.bnf.fr/th_themesXVIIII.htm (cliquez sur le siècle qui vous intéresse)
 
Il y a plusieurs thèmes de philo bien fait.
 
Vous pouvez par exemple regarder au XVIe : Le Prince et le Courtisan  
http://gallica.bnf.fr/themes/PolXVI.htm
C'est un très bon départ pour la question politique
 
 [:izz]


Message édité par rahsaan le 01-11-2003 à 13:32:18

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°1425083
pascal75
Posté le 01-11-2003 à 14:10:03  profilanswer
 

L'Antichrist a écrit :


Pour poursuivre ta réflexion sur la pensée de Nietzsche, voici une toute petite étude sur la volonté de puissance : ...


J'ai mis un lien dans le premier post.
Je rajoute simplement que, comme le dit Deleuze que tu cites, il ne faut pas confondre la volonté de puissance et la volonté d'avoir du pouvoir. Le pouvoir c'est en l'occurrence le degré le plus bas de la puissance. C'est une confusion habituelle, je sais que ce n'est pas la tienne.

n°1425099
pascal75
Posté le 01-11-2003 à 14:13:49  profilanswer
 

izz a écrit :


 
Très bonne idée
 
Par contre pas de trace de l'Éthique à Nicomaque (Aristote), c'est pourtant un ouvrage majeur (mais, il est vrai, assez inaccessible)  ;)  


Merci, mais l'idée n'est pas de donner les ouvrages majeurs, ce serait sans fin cette histoire. Mais de donner une liste de livres qui donnent envie "d'aller y voir" et en particulier l'éthique à Nicomaque :)

n°1425223
l'Antichri​st
Posté le 01-11-2003 à 15:00:50  profilanswer
 

Citation :

Ce choix est quand même très réducteur, et heureusement que la réalité échappe à ce genre de choix forcé. Il y a quand même un certain nombre de philosophes "matérialistes" qui ne sont pas "hédonistes". On a un peu l'impression, pour le dire vite fait, que tu congédies comme des rigolos (hédonistes) ceux qui ne partagent pas ta vision dialectique du mouvement de l'histoire. C'est pas très gentil et en plus c'est faux. De grands philosophes (ceux qui m'intéressent en l'occurrence) ont prouvé le contraire.


 
Bon, je me suis mal fait comprendre !
 
Qu'on le veuille ou non, l'histoire de la philosophie est traversée par deux pôles : en gros, le platonisme dont les caractéristiques sont :
- Le dualisme (âme/corps)
- l'idéalisme(les Idées sont la réalité ultime : philosopher, c'est contempler les principes immuables)
- L'idéal ascétique ( Soma=tombeau cf.Le Banquet)
Les anti-platoniciens qui, a-contrario, défendent une philosohie :
- moniste
- matérialiste
- hédoniste
 
Or, le §. que tu contestes voulait clairement réhabiliter cette " autre " philosophie dont il faut bien dire que l'histoire n'a retenue que les anecdotes réductrices (l'expression " pourceau d'Epicure " tu connais ?) pour les raisons idéologiques que tout le monde peut imaginer (la philosophie chrétienne est-elle matérialiste ou idéaliste ? moniste ou dualiste ? hédoniste ou ascétique ?). L'histoire oublie trop souvent ceux que l'on appelle encore aujourd'hui les présocratiques comme si, avant le couple Socrate/Platon, il n'y avait rien : on parle des Sophistes en général alors qu'ils n'existent pas puisqu'on a affaire à des philosophies très différentes et qui développent une vraie pensée ; de même, on fait comme si leur pensée n'était bonne qu'à préparer celle de Socrate alors que, contemporain de Socrate, ils élaborent une pensée pour eux-mêmes. Bref, l'histoire a retenue une vision messianique du platonisme qui culmine encore aujourd'hui dans l'expression : le miracle grec ! Or, si la philosophie de Platon est incontournable elle n'est pas indépassable, loin s'en faut !!! L'important ici est de montrer que la différence de démarche continue de faire honneur à la philosophie dans ce qu'elle a de spécifique : promouvoir la pensée même si celle-ci s'appuie sur des métaphores, des aphorismes, qui ne s'opposent pas aux concepts mais travaillent avec eux pour faire comprendre la réalité.
 
Prenons le cas D'Aristippe de Cyrène. Depuis Diogène Laerce, il a mauvaise réputation : ce n'est pas un philosophe sérieux car il est hédoniste. Et la preuve : il se parfumait et se déguisait en femme ! Quel scandale !!! Mais c'est encore Platon qui parle dans le Philèbe : la vie du corps est faite de débauche, la vie est livrée à la jouissance. Au contraire, la vraie vie est celle de l'esprit (ce qui, au passage, fait du philosophe un personnage sinistre !!!). On ne peut donc pas être philosophe est être dans la jouissance, c'est contradictoire. Or, il y a un sens philosophique à ce prétendu manque de sérieux ! Les deux anecdotes à propos d'Aristippe doivent être considérées comme des aphorismes de la pensée ! Il y a plusieurs façons de philosopher et à la philosophie idéaliste on peut opposer une philosophie théâtrale : Aristippe se promenait sur l'agora déguisé en femme et parfumé. Cette attitude signifie philosophiquement plusieurs choses formidables :
1) La philosophie n'est pas scolaire (à opposer au lycée d'Aristote). Le lieu de la philosophie, c'est la rue ce qui consiste à défendre une pratique démocratique de la philosophie. Or, selon Platon, il y a des choses que l'on peut dire dans la rue et d'autre que l'on ne peut pas dire : Platon défend donc une philosophie élitiste.
2) Le geste doit frapper l'esprit (déguisement). L'écriture entame la mémoire
3) Les femmes étaient exclue du lycée (pas de philosophie pour elles). Or, pour Aristippe, les hommes et les femmes sont identiques ce qui a aussi des répercussions sur la sexualité (activité pour les hommes, passivité pour les femmes, quelle hérésie !!!).
4) L'arrière-monde vaut mieux que le monde d'ici bas : Philosopher, c'est voir (avec l'oeil de l'âme). La vue vaut mieux que l'odorat. Or, pour Aristippe il n'y a pas de hiérarchie : tous les sens se valent !
 
tout cela va vers une théorie des plaisirs mesurés (la juste mesure) ce qui engage aussi une réflexion sur l'argent. Aristippe en  " bon " sophiste se faisait payer alors que tout lycéen sait que la figure même du philosophe qu'était Socrate ne se faisait pas payer (car symboliquement le savoir n'appartient à personne... mais bon...). Mais tout philosophe à besoin d'argent ! L'argent n'est pas une fin en soi, il n'est qu'un auxiliaire du bonheur. La vraie liberté est dans la mesure : être à soi-même sa propre norme. L'argent vaut donc relativement à autre chose.
 
De même, j'ai besoin de mon corps pour penser : l'homme est une totalité (il n'y a donc pas de plaisir en-soi impur !). Le plaisir ne peut s'éprouver sans la conscience et d'ailleurs il y a un plaisir de la réflexion : quand je réfléchis, je me sens mieux dans mon corps !
 
Même si tout n'est pas défendable dans la démarche d'Aristippe, elle a l'immense mérite d'attirer notre attention sur la dimension originellement métaphorique de la pensée conceptuelle : comme le montrera plus tard Nietzsche " les vérités sont des illusions dont on a oublié qu'elles le sont, des métaphores qui ont été usées et qui ont perdu leur force sensible, des pièces de monnaie qui ont perdu leur empreinte " (cf. Le livre du philosophe). Or, philosopher, c'est non pas imposer un savoir " divin ", toujours-déjà-pensé (ordre du pouvoir, de la puissance), mais interpréter la réalité en recherchant la clarté du concept que l'image peut alors revivifier en suscitant la réflexion lorsque le concept l'a lui-même figée. Mouvement dialectique donc entre le concept et l'image !


Message édité par l'Antichrist le 01-11-2003 à 15:39:54
n°1425319
pascal75
Posté le 01-11-2003 à 15:29:15  profilanswer
 

D'accord pour cette réhabilitation, c'est donc moi qui avais mal compris, et surtout si tu ne poses pas, ce qui ne semble pas être le cas, un nouveau dualisme sous la forme : d'un côté les penseurs du concept, de l'autre les penseurs sympas de la métaphore. Un philosophe se défini d'abord par ses concepts, pas par ses métaphores et il y a autant de concepts chez Spinoza que chez Hegel, pour le dire vite.
PS : puis-je te suggérer d'essayer d'écourter tes réponses dans la mesure du possible, sinon le rythme de cette discussion devient très improbable. Une discussion sur un forum c'est un peu, à sa manière, un aphorisme de Nietzsche, il faut qu'il y ait une certaine vitesse, sinon le rythme se perd et les lecteurs aussi.
Ceci dit j'ai rajouté tes principaux messages en liens dans le premier post :jap:


Message édité par pascal75 le 01-11-2003 à 15:29:34
n°1425336
l'Antichri​st
Posté le 01-11-2003 à 15:38:35  profilanswer
 

J'ai ajouté à l'instant un dernier §. pour finir dans ce sens !

n°1426127
le penseur​ fou
Posté le 01-11-2003 à 18:50:50  profilanswer
 

Je pense que toute philosophie est avant tout une consolation (ou une recherche du plaisir) meme pour les plus pessimistes.
L'homme préfère encore savoir qu'il vit en enfer plutot qu'avoir des doutes.
Il y a encore de la consolation dans la certitude de l'absence d'espoir (Cioran aurait été d'accord avec moi je crois).On peut dire que celui qui n'attend plus rien de la vie n'a plus rien a perdre.
Sinon, je ne goute guére les techniciens de la philosophie comme Hégel par exemple, je pense que celui qui maitrise bien son sujet est toujours capable de l'exprimer en termes simples (meme si c'est plus long) ou de le vulgariser un minimum. Pour moi, la philosophie doit rester une matière vivante et donc accessible (meme si ,comme dans toute matière, il y a des degrés).
 
J'aime lire:
Platon
Pascal
Montaigne
Descartes
Spinoza (un peu difficile au début)
Rousseau
Hobbes
Schopenhauer
Nietzsche
Chestov léon
Cioran
 
(la liste n'est pas exhaustive)
 

n°1426362
pascal75
Posté le 01-11-2003 à 19:37:57  profilanswer
 

Dans ta liste très intéressante il y en a beaucoup qui sont déjà cités, mais je rajoute au moins Montaigne :jap:

n°1426407
le penseur​ fou
Posté le 01-11-2003 à 19:46:04  profilanswer
 

pascal75 a écrit :

Dans ta liste très intéressante il y en a beaucoup qui sont déjà cités, mais je rajoute au moins Montaigne :jap:

et Hobbes, Chestov  ?
 
le manuel d'Epictete a t-il été cité ? (tres court a lire)

n°1426419
pascal75
Posté le 01-11-2003 à 19:48:18  profilanswer
 

Bah oui mais je te rappelle que l'idée c'est de lister simplement les philosophes qui t'ont donné le goût de la philo, et si c'est le cas de dire en quoi pour essayer de transmettre ce goût :)

n°1426524
le penseur​ fou
Posté le 01-11-2003 à 20:02:15  profilanswer
 

pascal75 a écrit :

Bah oui mais je te rappelle que l'idée c'est de lister simplement les philosophes qui t'ont donné le goût de la philo, et si c'est le cas de dire en quoi pour essayer de transmettre ce goût :)


AH m..doum! :D  
Le manuel d'épictete c'est un court traité stoicien sur les principes pour mener sa vie. Je crois que c'est samourai qui cherchait un livre qui console

n°1426541
pascal75
Posté le 01-11-2003 à 20:04:54  profilanswer
 

Bon, je rajoute parce que c'est toi (c'est lui) :)
Autrement, Chestov je connais pas, ça parle de quoi ?

n°1426659
le penseur​ fou
Posté le 01-11-2003 à 20:15:50  profilanswer
 

pascal75 a écrit :

Bon, je rajoute parce que c'est toi (c'est lui) :)
Autrement, Chestov je connais pas, ça parle de quoi ?

C'est un peu dans la lignée de Cioran en moins pessimiste tout de meme. Il commente beaucoup Nietzsche
il a dit notamment: "Nietzsche est un exalté".
C'est un philosophe désabusé je dirais.
(Tu peux faire une rapide recherche sur google)

n°1432129
pascal75
Posté le 02-11-2003 à 19:41:22  profilanswer
 

ui ?

n°1432158
le penseur​ fou
Posté le 02-11-2003 à 19:48:51  profilanswer
 

Alors la philo(ou plus généralement la connaissance) est consolation oui ou non ?


Message édité par le penseur fou le 02-11-2003 à 19:53:55
n°1432193
pascal75
Posté le 02-11-2003 à 19:59:38  profilanswer
 

Le Penseur Fou a écrit :

Alors la philo(ou plus généralement la connaissance) est consolation oui ou non ?


Pourquoi ? t'es triste ?
Enfin, c'est pas le sujet du topic mais je n'ai pas l'impression qu'il faile assigner à la philo une tache qui prendrait sa source dans la douleur de vivre. La philo est création, création de forces et n'a rien à faire des pleurnichards (version un peu hard de ce que je pense dûe sans doute au Côtes du Rhône dont je te parlais tout à l'heure).

n°1432217
le penseur​ fou
Posté le 02-11-2003 à 20:06:36  profilanswer
 

pascal75 a écrit :


Pourquoi ? t'es triste ?
Enfin, c'est pas le sujet du topic mais je n'ai pas l'impression qu'il faile assigner à la philo une tache qui prendrait sa source dans la douleur de vivre. La philo est création, création de forces et n'a rien à faire des pleurnichards (version un peu hard de ce que je pense dûe sans doute au Côtes du Rhône dont je te parlais tout à l'heure).


Etre triste ou malheureux c'est etre pleurnichard ? ( :non: )
"La morale du fort est création, la morale du faible ressentiment,ascetisme"  Nietzsche librement adapté :)  
Vouloir etre fort , c'est aussi ,a la base ,vouloir se consoler

n°1432263
pascal75
Posté le 02-11-2003 à 20:16:38  profilanswer
 

Le Penseur Fou a écrit :


Etre triste ou malheureux c'est etre pleurnichard ? ( :non: )
"La morale du fort est création, la morale du faible ressentiment,ascetisme"  Nietzsche librement adapté :)  
Vouloir etre fort , c'est aussi ,a la base ,vouloir se consoler  


L'idée dans la vie, il me semble (après ce très bon Côtes du Rhône), c'est de faire en sorte de ne pas être triste afin de ne pas diminuer ta capacité d'agir. Or, mon expérience sur ce point est que les gens qui se plaignent d'être tristes n'ont de cesse d'essayer d'infliger à leurs interlocuteurs cette tristesse. C'est pour ça que je m'en méfie (je dis pas que c'est ton cas puisque tu poses simplement la question).
Quand tu dis "vouloir être fort c'est vouloir se consoler", on dirait qu'on nait naturellement dans les tourments de l'affliction et dans la tristesse. Non. Ceux qui sont tristes c'est qu'ils le veulent bien. La vie est dure et impitoyable pour tout le monde, de ce point de vue on est tous égaux et ceux qui ont vraiment souffert sont, s'ils ont suffisamment de vie en eux, devenus particulièrement forts et gais, et ils savent que la tristesse est à fuir. Ils n'ont pas à être consolés, c'est eux qui rendent plus forts les autres.

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