Dworkin a écrit :
Bonjour
J'ouvre ce topic pour parler d'un sujet brulant et source de nombreuses discussions houleuses, voire violentes, souvent nees d'incomprehensions et d'ignorance sur ce qu'est le sionisme. Le terme a ete tellement galvaude et detourne, autant par les pro- que par les anti-, qu'il est devenu vaguement une insulte et est en tout cas devenu vide de sens.
DISCLAIMER:
CE TOPIC SE VEUT AVANT TOUT ET SURTOUT UN ENDROIT D'INFORMATION, DE DEBATS ET D'ECHANGES. SI VOTRE BUT EST JUSTE DE VENIR DEPOSER UN TROLL, UN PETIT SARCASME POURRI OU DES INSULTES, MERCI DE PASSER VOTRE CHEMIN.
SI VOUS VOULEZ EN SAVOIR PLUS SUR CE QU'EST LE SIONISME, D'OU CA VIENT, SON RAPPORT AVEC LE JUDAISME, ET EN DISCUTER CALMEMENT, BIENVENUE A BORD.
Allons-y, qu'est-ce que le sionisme ?
Le mot "sionisme" vient du Mont Sion, l'une des collines sur lesquelles est batie Jerusalem. C'est un point fondamental sur lequel on sera amene a revenir souvent.
Il y a plusieurs sionismes, qui se rejoignent et se recoupent. Le premier, il est issu directement de la Torah et du Talmud. Israel y est le point cardinal, et l'on y apprend que les commandements sont fait pour etre respectes et accomplis sur la Terre d'Israel, et que le fait de les observer en dehors d'Israel est l'emanation de la volonte de ne pas oublier comment le faire une fois rentre.
Le deuxieme, c'est le sionisme issu de la tradition nationale juive bi-millenaire, le voeu transmis de generation en generation au sein du Peuple Juif, de revenir un jour vivre sur la Terre d'Israel. Ainsi qu'il est dit dans la "Haggadah" que l'on lit le soir du Seder de la fete de Pessah' : BaShana habaa beYeroushalaim habnouyia : L'an prochain a Jerusalem reconstruite.
Je fais une parenthese ici pour preciser que "Jerusalem reconstruite" a une double dimension, nationale d'abord, le souhait est de reconstruire Jerusalem en tant que ville, et tant que capitale d'un Royaume d'Israel lui aussi re-ne de ses cendres, et religieuse ensuite, parce que "Jerusalem reconstruite" fait clairement reference au Temple de Salomon detruit par Nabuchodonosor en -586, et au Temple d'Herode, detruit par Titus en 70 apres JC.
Quel que soit l'endroit de la dispersion du Peuple Juif, ce leitmotiv revient sans arret, aussi bien dans la poesie, dans la litterature que dans ce qu'on appelle le "Kodesh", la litterature sacree.
Les plus grands savants Juifs de l'histoire ne manquent pas d'y faire longuement mention, que ce soit Rachi, Maimonide, Nah'manide, le Maharal de Prague, ou le Baal Shem Tov.
Le troisieme, decoule naturellement du precedent, c'est ce qu'on va appeler le sionisme moderne ou sionisme politique. Il nait au milieu du 19eme siecle, et germe surtout dans les cerveaux d'intellectuels temoins d'une montee de l'antisemitisme violent dans des societes pourtant considerees comme "eclairees", comme la France, l'Allemagne, et plus tard la Russie. L'objectif affiche de nombreuses organisations sionistes, etait de creer un "Juif nouveau", maitre de son destin, conquerant et independant, et d'effacer le stereotype millenaire du "Juif errant", victime et souffre-douleur des peuples et des tyrans.
L'organisation "Les Amants de Sion" est fondee en 1881, et organise les premieres immigrations vers ce qui etait a l'epoque la Palestine Ottomane, et installe les immigrants sur des terres achetees aux Ottomans par des emcenes Juifs comme Edmond de Rotschild.
Et ce sionisme politique, il est complexe et comprend de nombreux courants. Les "territorialistes" pour qui l'important etait d'avoir un pays independant, peu import ou, et les "sionistes", pour qui la question ne se posait pas, l'etat Juif ne pouvait etre bati que sur la terre de l'antique Royaume d'Israel, ne serait-ce qu'a cause de Jerusalem, sans qui un etat Juif n'aurait aucun sens.
Parmi les sionistes, les courants sont nombreux, et sont regroupes au sein de l'Organisation Sioniste Mondiale en 1897, et on etait tres loin d'avoir un consensus sur le fonctionnement de l'etat d'Israel et ses aspirations nationales. La gauche y voyait l'emanation d'u projet marxiste, la droite revisionniste envisageait un etat liberal, et certains autres courants marginaux soutenaient meme une regime ressemblant fortement au fascisme. De la meme facon que le rapport a la religion etait tres different selon les courants, certains voulaient la reduire au strict minimu, d'autres lui laisser une place raisonnable, et d'autres voulaient qu'elle soit la base du fonctionnement de l'etat. Au final, ce sont les courants de gauche socialistes/communistes qui ont impose leur point de vue sur les grandes lignes de la creation de l'etat, mais la religion n'a jamais ete totalement evincee du pays, et il est notable de remarquer aujourd'hui que meme dans les Kibboutzim pourtant farouchement d'inspiration communiste sovietique, donc athee, de plus en plus de gens aujourd'hui demandent et obtiennent la construction de Synagogues.
De meme que d'un point de vue strategique et militaire, il y avait de fortes dissensions entre des organisations comme la Hagannah qui ne pronaient que l'auto-defense et condamnaient systematiquement les violences inutiles, l'Irgoun qui pronait la lutte armee ouverte contre les britanniques detenteurs du Mandat sur la Palestine a partir de 1916, et d'autres organisations comme le groupe Stern, qui pronait la violence aussi bien contre les anglais que contre les autochtones arabes.
De 1948 et jusqu'en 1967, le consensus sioniste n'a jamais ete brise en Israel, tous les partis politiques y souscrivaient et cela transcendait leurs [enormes] desaccords et rivalites. A partir de la guerre des 6 Jours, et de la conquete de ce qu'on appelle aujourd'hui "Territoires occupes" (Judee-Samarie, Gaza, Golan et Jerusalem), le consensus s'est disloque, et de nombreux courants se sont a nouveau formes et demarques en Israel. Certains, surtout a l'extreme-gauche, ont commence a proner l'abandon du concept d'etat Juif et a militer pour l'evacuation des territoires fraichement conquis. A gauche, d'autres ont commencer a militer pour evacuer ces territoires, tout en conservant le principe d'un etat Juif. A droite, tres longtemps le consensus est reste pour maintenit la souverainete israelienne sur l'ensemble des territoires (jusqu'au debut des annees 90, ou certains ont change d'avis et rejoint la gauche), et notamment au sein du courant sioniste-religieux.
Il est fondamental de comprendre ce qu'est ce courant et qui sont ses membres, parce qu'ils montent en puissance de maniere constante depuis 40 ans dans tous les secteurs de la population israelienne, et notamment en politique et dans l'armee. Ils etaient peu nombreux en 1948, meme si ils disposaient deja de penseurs tres influents, comme le Rav Yehuda Alkalay ou le Rav Avrahama Itzhak haCohen Kook, qui fut le premier "Grand Rabbin D'Israel". Ils prennent reellement de l'importance et un essor significatif en 1967. A l'epoque, deux rabbanim extremement influents vont avoir un impact decisif : le Rav Shlomo Goren, qui etait a l'epoque Grand Rabbin de Tsahal, et qui faisait partie du corps des parachutistes qui a libere Jerusalem. Cette photo celebre le montre en train de sonner le Shofar devant le mur des lamentations :
L'autre, c'etait le fils du Rav Avraham haCohen Kook, le Rav Zvi Yehuda Kook, qui a repris la tete de la yeshiva fondee par son pere a Jerusalem, et qui a inspire de nombreux eleves qui sont devenus aujourd'hui des rabbins tres influents en Israel, comme le Rav Shlomo Aviner, le Rav Ouri Cherki, ou le Rav Yaakov Ariel. Beaucoup de gens, sous l'impulsion du Rav Zvi Yehuda Kook, ont lance un mouvement puissant qui s'appelait "Goush Emounim" (litteralement "le bloc de ceux qui ont la foi" ), qui voyaient dans la victoire de 1967 et la conquete de ces territoires a tres haute teneur symbolique d'un point de vue biblique, l'accomplissement de la prophetie de Maimonide qui disait que "l'avenement des temps messianiques aurait lieu lorsque les Juifs repeupleront la Terre d'Israel". Le mouvement, d'abord informel, puis officialise en 1974, a encourage et lance la construction de dizaines de villages dans les territoires occupes. Dans un premier temps, ils ont ete toleres par les autorites politiques et militaires qui ont totalement sous-estime et negilige l'impact et la puissance reelle du mouvement, et egalement parce que de nombreux officiers consideraient que c'etait un imperatif militaire strategique de consolider la presence dans ces territoires.
Au debut des annees 90, l'ampleur du mouvement a commence a inquieter les autorites, quand celles-ci ont commence a comprendre que la croissance demographique devenait exponentielle et allait rapidement devenir incontrolable, et par ricochet, un fait accompli quasiment impossible a gerer dans l'eventualite de negociations territoriales avec les palestiniens. A l'epoque, on comptait en gros 120 000 colons dans toute la Judee-Samarie + Gaza. Et les sionistes-religieux comptait pour environ 2% des effectifs de Tsahal. Aujourd'hui, du fait de la tres forte demographie de ce secteur de la population, on compte plus d'un demi-million d'habitants en Judee-Samarie (auxquels il faut rajouter les 275 000 habitants israeliens des quartiers Est de Jerusalem), et ils comptenmt pour environ 40% des effectifs de Tsahal, sont majoritaires dans certaines unites combattantes comme la division Kfir, et ils representent la majorite des nouveaux qui sortent des cours d'officiers.
La question du sionisme continue largement d'agiter la societe israelienne aujourd'hui. L'extre-gauche israelienne prone ouvertement le "post-sionisme", la gauche israelienne est tiraillee entre ses fondements sionistes (Ben Gourion, Golda Meir, etc) et la volonte de signer un accord avec les plaestiniens, qui passe inevitablement par l'evacuation de territoires, mais reste fidele au concept d'etat Juif, et veut croire qu'il y a une coexistence possible entre le caractere Juif et le caractere democratique d'Israel. La droite est divisee. Le Likoud est encore majoritairement peuple de gens soutenant le principe de la souverainete sur tous les territoires, mais une partie de son electorat ne s'opposerait pas a l'evacuation de territoires, bien que restant farouchement attachee au principe de l'etat Juif. A droite du Likoud, il n'y a en general pas de debat sur l'eventualite d'une evacuation, pas plus que sur le caractere Juifs du pays. Les partis religieux H'aredim restent en general en retrait de ce debat, considerant le sionisme comme problematique si il fait l'economie des lois de la Torah.
Naturellement, la question se pose donc immediatement, surtout aujourd'hui : c'est quoi etre sioniste, et c'est quoi etre anti-sioniste ? La reponse est que ca depend qui vous etes et d'ou vous repondez.
Aujourd'hui, le sionisme peut donc renvoyer a plusieurs choses :
1. le fait de soutenir l'Etat d'Israel et le principe de son existence
2. le fait de soutenir sa politique (non, ce n'est pas la meme chose que 1) 3. le fait de vouloir y monter pour y vivre
L'antisionisme peut renvoyer a
1. le fait de nier la legitimite de l'Etat d'Israel et etre pour son demantelement, par voies politique ou militaire
2. le fait d'accepter son existence mais s'opposer a sa politique C'est donc loin d'etre simple. La France, pas plus que les USA d'ailleurs, contrairement aux idees recues, n'a pas un rapport homogene et constant vis-a-vis d'Israel. La plupart des pays occidentaux impliques dans des rapports complexes avec Israel, qui sont tres largement dependants de leurs interets immediats dans la region. Ainsi, si de 1945 a 1967 la France avait une politique etrangere resolument pro-israelienne, allant jusqu'a fournir l'aide necessaire a l'elaboration du programme nucleaire israelien, il n'en fut plus du tout de meme, officiellement en tout cas, de 1967 a 1997, grosso modo, periode pendant laquelle la France prefera privilegier une politique pro-arabe, directemenbt liee a ses interets economiques dans al region et aux liens entretenus entre ses dirigeants et certains dirigeants arabes (voir par exemple les liens entre Chirac et la famille Hariri).
De la meme facon, les USA ont un rapport tres, tres complexe avec Israel. Les medias aiment a repeter la legende urbaine qui voudrait que les USA sont un ami indefectible et eternel d'Israel depuis sa creation, ce qui est une absurdite absolue, et une contre-verite historique totale. Les relations entre les USA et Israel, depuis 1933, ont toujours ete extremement chaotiques et elles aussi, tres largement dependantes de ce que les diverses administrations ont considere etre les interets vitaux des USA. Or il se trouve que depuis 1933, les interets vitaux des USA, ils sont beaucoup plus du cote de Riyad que du cote de Jerusalem. Les accords hitoriques entre les 2 pays garantissant aux USA 2 choses essentielles : un flot de petrole continu a bas prix, et des commandes militaires saoudiennes aux industries americaines qui font travailler entre 350 000 et 400 000 personnes aux USA. Plus de 30 milliards de dollars de commandes rien que pour l'annee 2011. Si il est vrai que le lobby pro-israelien aux USA est puissant et influent, il ne faut cependant pas tout melanger. D'abord, soulignons que cette influence s'exerce surtout essentiellement sur le Congres, qui a lui-meme une tradition pro-israelienne, et tres peu sur le Departement d'Etat. Le Congres finance donc regulierement des projets militaires conjoints comme Iron Dome, voire parfois des batiments dans certaines colonies, mais l'aide militaire et financiere directe reste l'apanage du Departement d'Etat. Et cette aide, contrairement aux idees recues, reste faible, symbolique, meme, comparee a ce que recoivent certains pays arabes alentours comme l'Egypte, par exemple. Il ne faut pas oublier egalement que le Departement d'Etat n'a commence a utiliser le terme "allie" pour parler d'Israel qu'a partir du deuxieme mandat de Reagan, en 1985. Et a cette epoque, les americains rechignaient encore a vendre des armes sophistiquees a Israel. Maintes fois des commandes de F-16 ont ete refusees ou annulees sous divers pretextes. Et a chaque fois qu'Israel a pu passer ces commandes, ce fut en echange de lourds services rendus aux USA par le Mossad, comme l'operation Diamant par exemple.
Concernant les USA, il faut egalement souligner l'ambiguite des rapports entre les communautes juives americaines et Israel. Ces communautes, traumatisees et trainant un fort sentiment de culpabilite par rapport a leur attitude pendant la guerre, ont effectivement fait du lobbying actif pour la creation d'Israel. Mais historiquement, et c'est verifiable a chaque conflit ou chaque vote majeur, les representants des communautes juives aux USA se sont systematiquement ranges derriere les decisions des presidents americains. Cela s'explique historiquement par la volonte des communautes juives americaines de tout faire pour montrer que leur loyaute va avant tout aux USA.
Et il faut egalement mentionner les 45 millions de chretiens evangelistes americains qui soutiennent Israel et le projet sioniste pour des raisons religieuses, etant convaincus que la restauration de la souverainete juive sur la Terre d'Israel est une etape majeure de l'accomplissement des propheties bibliques.
Comme je le disais en preambule, le terme "sionisme" a perdu beaucoup de son sens et de sa portee, car galvaude aussi bien par les anti que par les pro. Aujourd'hui c'est devenu un terme fourre-tout pour y coller la politique israelienne, la politique americaine, voire, pour les plus atteints, le divorce. Et du cote des "pro", il est souvent devenu une sorte de stimulus epidermique consistant a se mettre au garde a vous et a aboyer des que quelqu'un critique la politique israelienne. Les pro et les anti entretenant joyeusement un cercle vicieux de mediocrite ou chacun devient dependant de l'autre pour pouvoir continuer, ad vitam eternam. Depuis les annees 50 une tendance nette d'une certaine extreme-droite, voir de certains a l'extreme-gauche egalement, de se cacher derriere un pretexte "antisioniste" qui pretendrait critiquer la politique israelienne, pour masquer un antisemitisme bien rance, les exemples a ce sujet sont legions, notamment dans la galaxie de la fachosphere.
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