tiens comme toi aussi tu as l air de t y interesser.
Big-bang sur la physique
Des chercheurs iconoclastes contestent radicalement les théories classiques de la création de lUnivers. Farfelus? Hérétiques? Ou visionnaires? Enquête sur une controverse
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«Dici à vingt ans, des concepts comme le big bang ou les théories dEinstein feront rigoler tout le monde.» Cest un physico-chimiste hollandais du nom dEit Gaastra qui laffirme, inondant internet de ses théories décrivant un univers stable, dans lequel la lumière se propagerait avec une vitesse variable. Des théories jusquici publiées sur papier par le seul «Groninger Gezinsbode», journal local certes respectable, mais qui ne constitue pas une référence académique. Nempêche, de lautre bout de la planète, un scientifique chinois du nom de Bingxin Gong sen prend, lui, à lun des dogmes fondateurs de la mécanique quantique, le principe dincertitude dHeisenberg, prétendant le démolir en quelques pages déquations, dans un long courriel qui vient régulièrement «spammer» depuis quelque temps les boîtes électroniques de tous les physiciens. En France, un certain Francis Rey, ingénieur, diffuse de même de volumineuses diatribes, mathématiquement argumentées, dénonçant divers «dogmes stupides», dont les trous noirs, la fuite des galaxies ou les expériences classiques de Michelson et Morley celles qui avaient établi la fixité de la vitesse de la lumière.
On pourrait citer beaucoup dautres exemples de ces contestations radicales de la science officielle, émanant pour la plupart, observe un «vrai» scientifique, «dingénieurs qui ont passé leur vie professionnelle à manier des équations à des fins purement techniques, donc peu gratifiantes, et qui veulent enfin samuser un peu». Pourtant, par les temps qui courent, face à ces iconoclastes de bas étage, les vrais scientifiques ne sont pas toujours en reste dès lors quil sagit de malmener les dogmes ou dintroduire des concepts dapparence loufoque dans notre vision du monde. John Ellis, authentique physicien du Cern (le laboratoire européen pour la physique des particules), ne déclare-t-il pas lui-même: «Les travaux dEinstein sont comme une pierre apportée à un édifice important avec lequel nous observons lUnivers. Pour les chercheurs, le challenge consiste maintenant à détruire cet édifice»?
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Certains ne se font pas prier, et la plus spectaculaire entreprise de démolition en date émane de João Magueijo, professeur de physique théorique au prestigieux Imperial College de Londres, qui vient tout juste de publier «Plus vite que la lumière» (1), ouvrage carrément hérétique, expliquant que c, la vitesse de la lumière dans le vide, peut varier. Et que, moyennant le renoncement à cette constante universelle fondamentale, on parvient à résoudre beaucoup des contradictions dans lesquelles se débattent actuellement les cosmologistes. Magueijo na pas trop la grosse tête. Son livre est dailleurs bourré danecdotes qui ne le mettent pas toutes en valeur, mais qui permettent de faire passer pas mal de pilules amères, inévitables dans un exposé de physique théorique. Il sen prend de plus avec une férocité rare à lestablishment scientifique, à ce «monde universitaire, avec ses continuels jeux mesquins de puissance et dinfluence». Et, à propos des scientifiques chenus qui occupent leurs vieux jours en siégeant dans les commissions dispensatrices de crédits, il demande: «Pourquoi ne pas simplement construire un hospice de vieillards pour les savants qui ont cessé de faire de la bonne science?» Toutefois, modeste, il présente son idée de la lumière à vitesse variable comme une pure hypothèse. Il laime bien, il la bichonne, mais sans exclure quelle puisse un jour être rejetée parce que fausse.
En attendant ce nest pas une mince affaire, car «il ne sagit de rien de moins que de démolir le principal pilier de la physique du xxe siècle, le caractère constant de la vitesse de la lumière». Avec, entre autres implications, le fait que la fameuse formule einsteinienne emblématique, E = mc2, serait vidée de son sens, et lobligation de «revoir toute larchitecture de la physique actuelle». Au risque daggraver son cas, João Magueijo révèle que lintuition initiale, celle de violer une règle sacrée, lui est venue par un vilain matin pluvieux, alors quil traversait les pelouses de Cambridge «avec une méchante gueule de bois». Ensuite, il lui a fallu travailler darrache-pied pendant des années. Rallier quelques chercheurs disciples crédibles (dont Andreas Albrecht de lUniversité de Californie et John Barrow de Cambridge). Supporter «des regards vides, au pis des rires hystériques et des remarques désobligeantes» chaque fois quil exposait ses idées devant des collègues. Et surtout rendre son hypothèse mathématiquement cohérente, ce qui fut le plus difficile, car, écrit-il, «les équations protestaient, me hurlaient au visage quelles refusaient une variation de la constante c». Il a pourtant fini par accoucher dune théorie cohérente, dite en français VVL (vitesse variable de la lumière), publiée après bien des réticences par la célèbre «Physical Review D», malgré «ses profondes conséquences sur toutes les lois de la nature».
En résumé, selon la VVL, au moment du big-bang, dans les tout premiers instants de lUnivers, dans des conditions de température et de densité dont on na pas idée, mais très brièvement, la vitesse de la lumière fut des millions de fois supérieure à la «constante» c que lon mesure aujourdhui. Cela permet, notamment, déliminer le très hypothétique concept d«inflation initiale» lexpansion fulgurante et inexplicable de lUnivers flambant neuf, durant une toute première et infinitésimale fraction de seconde, que les théoriciens du big- bang ont dû imaginer pour pouvoir expliquer la suite des événements. Selon Magueijo, il ny a plus besoin dinflation, cest lénergie lumineuse, grâce à sa vélocité inouïe dalors, qui aurait homogénéisé la soupe cosmique primitive. Puis, passé ce premier instant, la lumière, assagie, aurait ralenti, pour ne plus quitter la vitesse de croisière immuable quon lui connaît depuis, du moins dans le vide: 299 792 kilomètres par seconde. Il en irait en somme de la vitesse de la lumière comme de leau: elle connaîtrait deux états distincts et, en dessous dune certaine température, elle «gèlerait»...
Cette théorie hétérodoxe, désormais cultivée par une toute petite minorité de physiciens, a-t-elle une chance de simposer un jour? Un spécialiste comme Marc Lachièze-Rey, directeur de recherche en physique théorique au CNRS, ny croit pas du tout. Sétonne même que certaines revues scientifiques sérieuses acceptent de publier des articles sur une pareille lubie. Et qualifie la VVL de «théorie vaine, complètement gratuite, une sorte de travail scolaire, un exercice détudiant auquel on aurait demandé de faire varier une constante dans les équations, juste pour voir ce que cela donne. A titre pédagogique, on peut samuser à bricoler ainsi nimporte quelle autre équation. Magueijo, lui, prétend remettre toute la physique à plat en sortant du cadre de la relativité. Dautres avaient essayé avant lui, et sy étaient toujours cassé les dents».
Pourtant, Marc Lachièze-Rey na rien dun gardien du temple ni dun dévot des dogmes intangibles. La preuve, il vient de publier lui aussi un livre, «Au-delà de lespace et du temps, la nouvelle physique» (2), qui bouscule plusieurs des idées en vigueur dans la cosmologie contemporaine, et, sans sattaquer de front au grand Albert, constate que, pour sortir des contradictions qui la minent, la physique a lurgent besoin dune révolution radicale. En effet, à force daccumuler des entités ésotériques, genre «matière noire», «inflation», «énergie sombre», voire «trou noir», pour tenter dexpliquer, dans lobservation comme dans le calcul, des conclusions dérangeantes, «la physique théorique est devenue un vaste hôpital psychiatrique, dans lequel ce sont les fous qui ont pris le pouvoir», constate un mathématicien.
En effet, il faut bien constater quaujourdhui on ignore tout de la géométrie de lUnivers, sil est infini ou non, voire sil ne sagirait pas dun vaste mirage, et pourquoi son expansion saccélère de façon apparemment exponentielle, sous leffet dune incompréhensible «énergie sombre». On ignore où se trouve et de quoi est faite la fameuse «masse manquante», alias «matière noire», sans laquelle on ne peut pas comprendre les mouvements relatifs des étoiles et des galaxies. On ignore encore quel fut le moteur de cette mystérieuse et brève inflation phénoménale des débuts, sans laquelle on ne peut pas expliquer que lUnivers se soit simultanément étendu, avec le même aspect, dans toutes les directions. Enfin, la physique souffre dêtre déchirée entre deux descriptions du monde: celle de la mécanique quantique et celle de la relativité. La première fonctionne admirablement à léchelle des atomes et particules. Lautre, non moins admirablement, à léchelle des astres. Mais leurs lois sont aussi inconciliables que leau et le feu, ce que les physiciens ne tolèrent pas. Par exemple, pour la physique quantique, le temps est immuable, tandis quil est élastique par nature dans la relativité einsteinienne. Doù «deux visions opposées, deux cadres géométriques incompatibles», chacun prétendant pourtant décrire une même réalité. Or «il ny a quun seul monde. On doit donc pouvoir le décrire dans sa totalité avec une seule et même physique». Bref, comme on voit, il y a beaucoup à faire.
Pour commencer à déblayer le terrain, Marc Lachièze-Rey se dit prêt à jeter par-dessus bord plusieurs de ces concepts bizarroïdes, comme par exemple linflation initiale, survenue juste après le big-bang, durant infiniment moins quun milliardième de seconde. «On peut très bien faire léconomie de cette inflation. On la prétend indispensable à lhomogénéité de lUnivers tel quon lobserve. Mais pourquoi ne pas supposer quil est né comme ça, avec une homogénéité "prévue" ou incluse dans les conditions initiales de ce big-bang que nous sommes de toute façon incapables dexpliquer, et sur lorigine duquel nous ne nous sommes pas cru obligés de bâtir une théorie? Pour introduire une hypothèse, il faut que cela en vaille le coup.» Autrement dit, que cela ne pose pas davantage de questions que cela en résout. Or le concept dinflation, sur lequel travaillent pourtant des centaines de spécialistes qui le tiennent pour incontournable, «exige lintervention dune incompréhensible énergie exotique, puis sa disparition tout aussi soudaine».
A propos de la matière noire, ou masse cachée, qui, selon les calculs, devrait représenter au moins 90% de la masse totale de lUnivers, Marc Lachièze-Rey se montre tout aussi dubitatif. Cette matière invisible, dune nature inconnue, les théoriciens lont sortie de leur manche il y a près de soixante-dix ans, et les astronomes ne cessent plus depuis de la traquer au fond des cieux sans jamais lapercevoir. En effet, au vu de sa seule masse observable, lUnivers ne fait pas le poids. Les mouvements des étoiles dans les galaxies, des galaxies dans les amas de galaxies et des amas entre eux semblent ralentis par une sorte de viscosité gravitationnelle, qui, de plus, dévie la lumière. Le tout reste inexplicable sans le recours à une masse cachée omniprésente qui fait elle aussi lobjet dun livre récent: «Matière noire et autres cachotteries de lUnivers» (3).
Sous quelle forme se dissimule cette pesanteur indétectable? Sagit-il dune profusion de planètes lourdes, de naines brunes, de trous noirs ou de «machos» (MAssive Compact Halo Objects) entité astronomique sur mesure, imaginée tout spécialement? Ou dun bain universel de particules très peu pesantes, mais horriblement nombreuses, comme les neutrinos ou dhypothétiques «wimps» (mauviettes)? Marc Lachièze-Rey commence par récuser les trous noirs, pourtant prévus par Einstein, à lexistence desquels il ne croit guère (encore une hérésie): «Avez-vous remarqué? Depuis vingt ans, chaque fois quon annonce en avoir découvert un, on pense nécessaire dajouter que "cette fois, cest sûr". A la longue, cela finit par devenir suspect.» Puis il a envie de récuser la prétendue matière noire dans son ensemble, préférant lhypothèse dune erreur dinterprétation dans lanalyse des mouvements des corps célestes. Une hérésie de plus? Peut-être, mais, «de toute façon, si on découvrait une nouvelle sorte de matière, il faudrait quand même modifier les lois de la physique». Telle est bien en effet lunique certitude dans toute cette histoire: même si elle sefforce de faire semblant, la physique actuelle ne permet plus de comprendre lUnivers dans lequel nous vivons.
(1) Dunod.
(2) Le Pommier.
(3) Par Alain Bouquet et Emmanuel Monnier, Dunod.
Au Muséum dHistoire naturelle de Washington, ce bâtiment néogothique (petite photo) a été transformé par linterposition simulée dun trou noir invisible.Doù un « mirage gravitationnel » semblable à ceux qui faussent notre vision de lUnivers.
Fabien Gruhier
Pourquoi le big-bang tient bon
Malgré toutes les remises en question que connaît la cosmologie, le modèle du big-bang, ou explosion primordiale, semble indétrônable. Et pour cause: «On a inventé des quantités dobservations subtiles pour le prendre en défaut, constate Marc Lachièze-Rey, et chaque fois le big-bang a tenu bon.» De toute façon, aucune des étoiles observables naffiche un âge supérieur à 13 milliards dannées. Et le fond de rayonnement électromagnétique diffus de lUnivers, écho lointain de cette méga-explosion, a pu non seulement être détecté, mais aussi cartographié avec une précision convaincante. On ne peut pas non plus imaginer dautre cause à lexpansion, dûment constatée, des galaxies. Enfin, lextrême abondance des éléments chimiques légers (hélium, lithium, hydrogène), formés par lassociation de neutrons et de protons, constitutifs des étoiles, conforte la théorie de leur apparition massive et simultanée une centaine de secondes après la grande explosion alors que déjà la température était devenue trop basse pour quapparaissent des éléments plus lourds. Il faut donc se résoudre à admettre ce vertigineux miracle: lUnivers est né dun seul coup, il y a environ 13 milliards dannées, pour une raison inconnue, à partir dun point minuscule dune densité infinie, à une température de plusieurs millions de milliards dedegrés.
Fabien Gruhier
LUnivers, mirage global ?
Fini ou infini, lUnivers nest peut-être quun «mirage global», juxtaposition dans toutes les directions de cellules identiques se répétant comme les assemblages datomes constituant un gigantesque cristal. De lintérieur dune de ces cellules comme par exemple là ou nous sommes, dans «notre» Univers , victimes dune vaste illusion doptique, nous percevrions «des images fantômes, réparties dans toutes les directions et dans toutes les tranches du passé, explique Jean-Pierre Luminet (CNRS, Observatoire de Paris), pour qui la cosmologie relativiste est impuissante à fournir une description satisfaisante de lespace à grande échelle. Ce mirage global nous permettrait de voir les objets non seulement sous toutes leurs orientations possibles, mais également à toutes les phases de leur évolution». Aux dernières nouvelles, à en croire un article cosigné par Jean-Pierre Luminet («Nature» du 9 octobre), la cellule de base pourrait être un gigantesque dodécaèdre un gigantesque ballon de football englobant environ 80% de lUnivers observable. Feuilleton à suivre...
http://www.nouvelobs.com/articles/p2037/a225352.html