Citation :
C?est quoi le racisme?
Eléments de réponse
Son apparition dans le dictionnaire est récente. Le dictionnaire Littré ( 1863- 1877 ) l?ignore. *1932- 1948: une simple théorie
On trouve le mot pour la première fois dans le Larousse du XX° siècle de 1932. Il donne la définition suivante « parti, doctrine des racistes » et définit le mot raciste comme: « nom donné aux nationaux -socialistes qui prétendent représenter la race pure allemande, en excluant les Juifs... »
Dans Le Petit larousse illustré qui paraît pourtant chaque année, le mot n?y entre qu?en 1946, avec une brève définition:
« Théorie qui cherche à fixer la pureté de certaines races ».
En 1948, la définition est presque identique:
« Théorie qui tend à préserver la pureté de la race dans une nation ».
*Des années 1960 aux années 1980: une théorie-système fondée sur la supériorité d?une race sur une autre. La notion de comportement y est introduite.
En 1960, dans le Petit Larousse illustré, le racisme est un :
« système qui affirme la supériorité d?un groupe social sur les autres , en préconisant, en particulier, la séparation de ceux-ci à l?intérieur d?un pays ( ségrégation raciale) » En 1966 on ajoute
« ou même en visant à l?extermination d?une minorité (racisme antisémite des nazis) »
Cette définition est encore ainsi dans l?édition de 1980.
Même constatation dans Le Dictionnaire de la Langue française de Paul Robert donne cette définition:
« Théorie de la hiérarchie des races, fondée sur la croyance que l?état social dépend de caractères raciaux et qui conclut à la nécessité de préserver la race supérieure des croisements avec d?autres races; comportement en accord avec cette théorie »
Cette fois le tournant est pris, le racisme est à la fois une théorie- système et un comportement
* Années 1990 : un mot au sens élargi
Le Robert de 1992 ( 2ème édition ) rappelle les deux facettes du mot : théorie et comportement et élargit le nombre de groupes sociaux victimes du racisme : les Juifs, mais aussi les jeunes, les femmes, les intellectuels. « Théorie de la hiérarchie des races , qui conclut à la nécessité de préserver la race dite supérieure d tout croisement, et à son droit de dominer les autres » et « Hostilité violente contre un groupe social: racisme anti-jeunes, racisme envers les intellectuels, les femmes ( sexisme ) »
En résumé, des années trente aux années quatre vingt dix, l? évolution du mot a suivi l?évolution historique. Jusqu?aux années cinquante, il était surtout utilisé pour désigner l?attitude de rejet envers les Juifs, mais avec l?éloignement de la seconde guerre mondiale et la montée des problèmes liés à l?immigration, le mot s?est élargi à d?autres groupes sociaux. A cette définition plus complexe s?ajoute un autre problème : celui du racisme contemporain.
* Le racisme moderne
Il complique la définition en utilisant d?autres termes, le but étant de se masquer au commun des mortels pour échapper aux lois anti- racistes.
Au lieu de « race », il emploie les termes « ethnie ou culture »
Au lieu d?inégalité, il parle de « différence »
Le raciste se reconnaît tout autant dans « l?hétérophobie » ( la peur de l?Autre, le rejet de la différence ) que dans « l?hétérophilie » ( attitude qui privilégie la différence ).
Cela vient du fait que : « Dès la seconde moitié du XIX° siècle avec Taine, Renan, Le Bon, mais surtout après la seconde guerre mondiale, le discours raciste s?est déplacé du terrain biologique sur le terrain culturel....Dans le discours raciste contemporain, le concept de « race » a été remplacé par celui de « culture », la notion de supériorité biologique par celle de respect des diversités culturelles.., la haine de l?Autre par la mise en valeur de l?Autre ( entraînant un refus du « mélange », du « métissage » )[1]
Comment trouver une juste définition si le racisme a deux sens antinomiques?
Le philosophe contemporain Michel Terestchenko parle du « désarroi de l?antiracisme ». Il déclare:
« La mutation idéologique de l?idéologie raciste a complètement dérouté le discours antiraciste traditionnel qui s?est trouvé en face d?un nouvel ennemi reprenant ses propres valeurs: « Les débats et controverses, écrit Taguieff, se sont recentrés sur les questions croisées des entités collectives et de leur défense, des droits des peuples( le droit d?être soi-même étant le premier de tous), du mélange et/ou du croisement des cultures, de l?interculturel et du transculturel. Discours à intention racisante et discours antiracistes militants se sont trouvés usant des mêmes jeux de langage, recourant aux mêmes évidentes fondatrices , et visant la réalisation des mêmes valeurs. »[2]
Dans sa forme traditionnelle, le racisme est hétérophobe , il haït l?autre parce qu?il haït la différence et a établi une hiérarchie des races, la sienne étant bien supérieure à toutes les autres.
C?est le racisme biologique, scientiste.
Mais sous l?influence de la Nouvelle Droite, le racisme est devenu culturel. Il a adopté un discours hétérophile ce qui le rend difficile à détecter.
En effet, « il affirme à la fois la valeur de la différence ( idéologie différentialiste) et la valeur du métissage, du mélange des cultures, des peuples »[3] Cela ressemble donc au discours antiraciste traditionnel, fondé sur le respect absolu des différences culturelles. Mais de ce fait, les antiracistes se retrouvent piégés par leur propre discours sur les droits de l?homme.
Que retenir?
Un mot « moderne », postérieur à l?élaboration de la théorie sur l?inégalité des races, une mise en place contemporaine de l?idéologie nazie.
Un mot qui suit l?évolution historique. Jusqu?aux années cinquante, il était surtout utilisé pour désigner l?attitude de rejet envers les Juifs, mais avec l?éloignement de la seconde guerre mondiale et la montée des problèmes liés à l?immigration, le mot s?est élargi à d?autres groupes sociaux. Un mot caméléon, compliqué par les masques du racisme contemporain.
La phrase de François de Fontette[4] prend ici tout son sens :
«Où le racisme commence-t-il? Où s?arrête- t-il? »
Nous retiendrons.
Deux propositions:
1/ La définition donnée dans l?ouvrage de Christian Delacampagne[5] dans son chapitre d?introduction:
« la haine que suscite une personne réputée appartenir à une race étrangère »
Et surtout :
2/ La définition juridique française de la loi du 1° juillet 1972, votée à l?unanimité par l?assemblée nationale et par le Sénat:
« toute discrimination, haine ou violence à l?égard d?une personne ou d?un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie , une race, une religion. »
Cette dernière définition est encore imparfaite à cause du caractère flou de la discrimination ( cf Terestchenko) et parce qu?elle est incomplète.( la notion de groupe social n?y figure pas, or il y a le racisme anti-jeunes, le sexisme, le racisme anti-intello, anti-homo, anti-écolo ). Mais elle a le mérite, en étant officielle, de fournir une base à l?étude du racisme en général.
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