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«Nos ancêtres les Gaulois étaient grands et blonds... » La phrase est devenue un cliché monumental pour désigner le patrimoine français, plusieurs fois centenaire. Cette formule, quelque peu anecdotique pour les Libanais, est pourtant bien réelle : il fut en effet un temps où nos parents, sur les bancs des écoles, lapprenaient dans les manuels scolaires.
Ce qui, en revanche, nest pas une fantaisie de lesprit, cest le caractère ancestral des relations libano-françaises, réaffirmé une fois de plus hier comme à chaque fois que le Liban traverse des heures graves. Lironie veut que la France soit indissociablement liée à lhistoire du Liban, quelle soit immédiatement rappelée à jouer un rôle de premier plan, sinon le rôle principal, dès lors que lentité libanais se retrouve malmenée, ébranlée, menacée. Par un étrange et paradoxal concours de circonstances, lindépendance du Liban nest-elle pas née (de la fin) du mandat français ? La France, certains leaders de lopposition nationale honnêtes et conséquents avec eux-mêmes le reconnaissent bien volontiers aujourdhui, ne nous a-t-elle pas laissé des institutions, une culture de la démocratie et des droits de lhomme uniques dans le monde arabe ? Des institutions quune occupation unanimement réprouvée aujourdhui, tant sur le plan local quinternational, sest acharnée à détruire en un quart de siècle ?
Cest toute lhistoire contemporaine du Liban, faite dun cumul de souffrances, de drames, despoirs écrasés et dillusions perdues, qui a défilé hier, en vitesse accélérée, sous les yeux du président français Jacques Chirac, en visite de condoléances à Beyrouth, à la suite de lattentat odieux qui a emporté son compagnon Rafic Hariri. Lespace manque pour répéter tout ce que la France, et tout particulièrement Jacques Chirac, dans le plus pur esprit du général de Gaulle et de son amour particulier pour le Liban, ont fait pour le pays du Cèdre au fil des années et des circonstances. Le plus grand paradoxe aura sans doute voulu que toute la stature de chef dÉtat et de leader international du président français se manifeste pleinement, dune manière on ne peut plus éclatante, dans un moment aussi tragique, celui de la perte de Rafic Hariri.
Leader international, Jacques Chirac lest devenu sans conteste en étant lun des rares responsables, sinon le seul, à réussir la jonction entre lOccident et lOrient en ces temps de folie furieuse où lon assène aux peuples du monde entier, de Manhattan à Bagdad, en passant par Ramallah, ce dogme abusif, excessif du choc des civilisations. Ce sans-faute, qui sest traduit tant lors de la guerre irakienne quau moment de lagonie de Yasser Arafat, devait donner à Chirac une tout autre dimension, dépassant de loin les limites de lHexagone, de lEurope ou de lOccident.
Hier, Jacques Chirac a démontré une nouvelle fois quil était aussi le principal garant de la pérennité, de la souveraineté et de lindépendance du Liban. Laccueil quil a reçu en soirée au centre-ville, un moment intense conciliant le dramatique au patriotique dans une rencontre bien orientale, le prouve bien. « Allah Akbar », « Vive Chirac, vive la France », « Syria out ». Ce testament posthume, que Rafic Hariri naurait pas désapprouvé, a parfaitement résumé la visite libanaise de six heures du chef de lÉtat français. Et puis cette révérence ultime devant la tombe de lancien Premier ministre.
Mais la visite de Chirac a aussi et surtout mis en exergue ses qualités dhomme, dhumaniste. Profondément ému aux différentes étapes de son parcours, le président français a tenté de soutenir, à Koraytem, la famille de son ami disparu. Il sest ainsi réuni durant trois heures de temps dans les appartements privés des Hariri avec tous les membres de la famille. Les accolades paternelles avec Saadeddine, Bahaeddine et Fahed Hariri, la pudeur empreinte de douleur, de consternation et dimpuissance devant le drame de Nazek Hariri, quil a cherché à consoler dans une étreinte fugitive et pleine de retenue... Nazek Hariri, éplorée par sa perte incommensurable et quil devait à nouveau soutenir devant la tombe de son mari, au centre-ville...
Jacques Chirac a reçu chez lui, au cours des six derniers mois, trois des principaux protagonistes libanais de la lutte pour le rétablissement de la souveraineté libanaise, Rafic Hariri, Walid Joumblatt et le patriarche Sfeir, martelant à chaque fois lattachement de la France à lapplication de la 1559 et au retrait des forces syriennes du Liban. Marwan Hamadé, autre artisan de la souveraineté, a été décoré par la France il y a quelques jours au lendemain de son attentat. Hariri a été lâchement assassiné, la vie de Joumblatt serait « très gravement menacée », selon des sources très proches du leader du PSP qui étaient présentes hier à Koraytem. Son sort et celui des autres membres de lopposition nationale, dont un grand nombre présentaient leurs condoléances hier à la famille du « zaïm » national à lheure même où M. Chirac était à létage supérieur avec Mme Hariri, dépend de la volonté internationale à mettre fin à la barbarie qui décime les Libanais depuis plusieurs années déjà. Lidée dune éventuelle protection ou intervention internationale a dailleurs dû être lobjet de lentretien dune heure entre MM. Joumblatt et Hamadé, et le conseiller diplomatique du président français, Maurice Gourdault-Montagne, au domicile du défunt.
Pour bon nombre de Libanais, reconnaissants à Jacques Chirac de « les avoir compris » comme de Gaulle à Alger, le président français est devenu beaucoup plus quun soutien : un véritable symbole dont ils ont acclamé le nom plusieurs fois hier. Acclamation associée dune revendication sans appel, que Paris, à nen point douter, a bien entendue et bien comprise : « La Syrie dehors. »
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