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Lepoint.fr
La communauté noire se replie dans un communautarisme inquiétant. Et la polygamie n'arrange rien : beaucoup d'enfants sont dans la rue, faute de place à la maison.
Il s'écroule net, touché par un tir de Flash-Ball. A terre, il est roué de coups avant d'être abandonné sur le trottoir. Diakaté, 13 ans, se relève clopin-clopant. Les bâtards, ils préfèrent nous taper que de nous arrêter , lance le gamin d'origine malienne à des riverains qui s'inquiètent de son état. Il est autour de minuit, ce vendredi 4 novembre, rue Henri-Barbusse à Aubervilliers. Avec une dizaine de potes de la cité des Quatre-Chemins, dont la plupart sont issus de l'immigration africaine, Diakaté se vante d'avoir incendié un bus de tourisme aux abords de la porte de la Villette. Pourquoi tu fais ça ? lui demande un passant. Pour niquer les keufs, ce sont tous des cistras [racistes]. Quand ils nous croisent dans la cité en voiture, ils se bouchent le nez en nous regardant.
Beaucoup de groupes ethniquement homogènes , selon l'expression policière - en décodé, des bandes de Blacks -, ont participé aux dernières émeutes. Au début des années 90, lors des flambées de violence dans les cités, notamment à Vaulx-en-Velin, les bandes étaient pluriethniques à l'image des banlieues de l'époque. Aujourd'hui, de nombreuses cités, dans la banlieue nord de Paris, concentrent une majorité d'Africains et d'Antillais. Ce n'est pas politiquement correct de le dire, mais beaucoup des gamins que l'on interpelle sont d'origine africaine, et de plus en plus jeunes , indique un policier de la sécurité publique. Depuis cinq ans, au fur à mesure que les squats sont vidés, leurs occupants, en majorité noirs, viennent remplacer dans les cités les Maghrébins, qui s'échappent vers des quartiers socialement plus valorisants.
Contrairement aux Maghrébins, les nouveaux arrivants n'ont connu que la crise économique. Cantonnés dans la misère sociale, ils se sont d'autant plus renfermés qu'ils n'ont jamais expérimenté la mixité. Sonia Imloul, présidente de l'association Respect 93, lutte contre la délinquance des mineurs.
Le gros problème de la polygamie. Sa méthode : repérer dans la rue les enfants à la dérive et entrer en contact avec leur famille. Sur les 45 familles que nous suivons, l'écrasante majorité sont d'origine africaine , explique-t-elle. Le plus gros problème, c'est la polygamie. Un dossier qui a fait un temps la une des journaux avant de passer à la trappe. Cela crée des situations ingérables. On a par exemple le cas d'une famille avec quatre épouses et trente enfants qui vivent dans un F4, explique la responsable de l'association Respect 93. Faute de place, les enfants se relaient pour dormir. Quand ils ne sont pas dans l'appartement, ils sont dans la rue, livrés à eux-mêmes. Sur fond parfois de guerre entre épouses. Dernièrement une petite fille de 3 ans a reçu de l'huile bouillante sur la tête lors d'un règlement de comptes entre deux concubines. Un climat de violence attisé par la promiscuité et la précarité qui imprègnent les enfants dès leur plus jeune âge. Le seul rapport qu'ils entretiennent avec l'autre, c'est le conflit. Ils portent une violence rentrée qui peut exploser à tout moment. Ce qui ne les empêche pas, parfois, de réagir de manière touchante. Je me souviens de ce gamin qui m'a raconté avoir voulu voler un portable à une femme dans la rue mais y avoir renoncé parce qu'unmoineau s'était posé à côté d'elle.
Egérie de la communauté noire, l'écrivaine Calixte Beyala, qui a mené à la fin des années 90 le combat pour une plus grande représentativité des Blacks dans la société française, est effarée par la violence de cette nouvelle génération. Ils ne se mélangent pas. Ils vivent entre eux comme dans une secte avec le rap en toile de fond et le business qui se cristallise dessus. Ils disent qu'ils font la guerre à la France, mais ils n'ont aucune conscience politique structurée. Leur bannière de ralliement, c'est l'esclavage et le racisme anti-blanc. Et l'écrivaine d'enfoncer le clou : C'est cette cécité qui a provoqué la faillite du modèle d'intégration à la française.
Emeutes raciales. Peut-on pour autant parler d'émeutes raciales comme le clame la presse anglo-saxonne ? Même si le sujet est tabou dans la France laïque et jacobine, plusieurs indices montrent l'émergence d'une conscience black radicalisée. Le 8 mars 2003, des bandes de blacks sèment la panique dans une manifestation lycéenne. Au cri : On va casser du blanc , ils volent des téléphones portables et multiplient les agressions.En 1995, déjà, une étude sur les jeunes noirs en France réalisée par le sociologue Adil Jazouli pointait une nouvelle forme plus ou moins bricolée du concept de la négritude . En expliquant que, réactualisée par les jeunes, elle devenait une forme de repère idéologique. L'étude se refusait à conclure à l'existence d'une conscience black , tout en notant : la logique américaine gagne du terrain. En 1998, lors de la Coupe du monde de football, les Renseignements généraux tiraient la sonnette d'alarme dans une note intitulée : Les bandes de Blacks, un repli communautaire inquiétant .
Cette année-là, le soir de la victoire des Bleus, environ 200 jeunes Blacks avaient déferlé sur les Champs-Elysées pour y agresser des passants. Des incidents que les pouvoirs publics s'étaient alors bien gardés de médiatiser. C'était l'époque de la France black-blanc-beur . Les RG décrivaient des groupes ultramobiles de quarante à cinquante jeunes qui s'organisent de façon sporadique pour effectuer des razzias dans les commerces ou les transports en commun. Et de souligner que ces bandes développent une culture proche des gangs américains : même tenue vestimentaire, même culte de la musique rap et même rejet des institutions. Ajoutez à cela les conversions. Beaucoup de jeunes Africains dont les parents ne sont pas musulmans le sont devenus , remarque un éducateur. Ce qui a contribué à ce qu'ils se replient un peu plus sur eux-mêmes. Aujourd'hui, l'humoriste Dieudonné, connu pour son discours pro-black radical, est considéré par les jeunes de banlieue comme le porte-parole de leurs frustrations. On s'entête sur des motifs idéologiques à nier l'existence d'un repli communautaire en France, s'énerve Calixte Beyala. En refusant de voir la réalité en face, on obtient l'inverse du résultat escompté, puisque l'on encourage le sentiment d'appartenance à une communauté. Aujourd'hui les jeunes de 14-15 ans qui vivent dans ces quartiers sont incapables d'écouter un Blanc.
Lorsque l'on regarde la carte des émeutes, on s'aperçoit que les zones qui, dix jours après le début de l'embrasement, restaient relativement épargnées, les banlieues lyonnaise et marseillaise, sont celles où la mixité est la plus forte
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