Sur fr.sci.paleontologie, un petit topo de Gilles Escarguel, un des rares scientifique à intervenir sur les forum de Usenet. Toujours clair et détaillé.
enjoy.
/quote
http://info.nature.com/cgi-bin24/D [...] 0Ch0UnL0AG
Cet Homo-là, baptisé Homo floresiensis car il vivait sur l'île de
Flores, est totalement hallucinant : adulte de 1m de hauteur pour une
capacité crânienne de 380 cm3, cad moins que les chimpanzés (troglodytes
et bonobos) actuel (450 cm3 en moyenne). Dans toutes ses dimensions
biométriques, seules ses dents ont une taille normale, cad compatible
avec Homo erectus et Homo sapiens. Pour le reste, c'est un nain
proportionné, très néoténique au demeurant (on croirait voir l'enfant de
Taung !). Son nanisme n'est pas en soi très étonnant : c'est une
caractéristique récurrente de tous les animaux insulaires dont les
ancêtres (contientaux) étaient de grande taille (pour les animaux dont
les ancêtres étaient de petite taille, c'est le phénomène inverse --
gigantisme insulaire -- qui est généralement observé). Il fabriquait des
outils sur lames et lamelles selon une technique de débitage assez
sophistiquée, en tous les cas comparable en complexité au débitage
lamellaire leptolithique. Une belle preuve par l'absurde que la taille
du cerveau n'est vraiment pour rien dans sa complexité neuro-physiologique...
Comme on peut le voir sur une figure du site auquel je renvois, cet
Homo-là est un descendant direct de la branche asiatique des Homo
erectus, et n'a donc *strictement* rien à voir avec Homo
neanderthalensis, descendant de la lignée d'Homo erectus européenne (=
H. heidelbergensis) et dont on sait qu'il a cohabité avec H. sapiens, en
Europe du Sud-Ouest (péninsule ibérique), jusqu'à 24000 B.C.cal.
environ, cad pendant au moins 10000 ans.
Cette découverte est sans doute (en tous cas à mes yeux) la plus belle
découverte paléoanthropologique de ce début de siècle. Espérons que ce
ne soit pas un canulard !!!
A+
Gilles.
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pour ce qui est du nanisme. On sait depuis longtemps déjà
(Cuvier !) que le phénomène d'insularité provoque, chez les animaux
terrestres, des réactions d'adaptations consistant, pour les plus
petites d'entre elles, à un gigantisme proportionné, et pour les plus
grandes d'entre elles, à un nanisme proportionné. Ainsi, on connait
plusieurs espèces de rongeurs et d'insectivores insulaires qui pesaient
quelques dizaines à centaines de kg alors que leurs ancêtres
continentaux ne faisaient que quelques centaines de grammes au maximum ;
inversement, on connait des espèces insulaires d'ongulés nains
(proboscidiens, périssodactyles, artiodactyles) de quelques dizaines à
centaines de kg alors que leurs ancêtres continentaux pesaient de
quelques centaintes à milliers de kg. En fait, deux questions
distinctes, mais probablement pas indépendantes, se posent :
- quelle est la cause de cette évolution insulaire ?
- pourquoi toutes ces espèces insulaires, dont certaines n'ont jamais
été en présence de l'Homme, ont toutes disparues aujourd'hui ?
Pour ceux et celles que le sujet intéresse (surtout la seconde
question), Jean-Louis Hartenberger, Paléontologue à l'Université de
Montpellier 2, a écrit en Octobre 2000 un petit article sur ce sujet
dans Pour La Science (n° 276, pp. 48-54).
Concernant la première question, c'est Louis Thaler, toujours de
Montpellier 2 (il a été le "patron" de Jean-Louis) qui, le premier, dans
un article publié dans La Recherche en 1973 (n° 37, pp. 741-750) (à
l'époque où cette revue était encore une revue scientifique...), a
proposé une explication rationnelle du phénomène. Pour cela, il s'est
basé sur l'analyse des cénogrammes, représentation graphique de la
structuration pondérale d'une communauté (= ensemble écologiquement
fonctionnel) de mammifères. Le constat est simple : sur les îles, une
catégorie de mammifères de taille moyenne à grande (5kg à 100 kg) est
systématiquement sous-représentée (par rapport à une communauté
continentale "normale" ), voire totalement absente : les grands
carnivores, cad les prédateurs stricts. Partant de cette observation,
l'hypothèse de Thaler, confortée depuis par des arguments d'ordre
éco-physiologique plus sophistiqués, est la suivante : sur les
continents, en réponse à la pression de prédation des carnivores, les
petits mammifères (< 5kg) tendent à devenir encore plus petits (pour
mieux échapper à leurs prédateurs), alors que les grands mammifères (>
10kg) tendent à devenir encore plus grands (pour mieux se défendre). On
explique ainsi pourquoi, dans la nature (continentale) actuelle, il y a
anormalement peu de mammifères dans la gamme de poids intermédiaire
(grosso modo, entre 5 et 10 kg). De fait, ce ne sont pas les mammifères
insulaires qui sont des nains ou des géants, mais les mammifères
continentaux qui sont des géants ou des nains : c'est l'éléphant
"normal" qui est un géant et le mulot de nos bois qui est nain, et non
l'éléphant "nain" et le mulot "géant" de Sicile ! Du fait de l'absence,
ou pour le moins de la très faible pression de prédation sur les îles,
les statégies adaptatives d'évitement ou de défenses développées sur le
continent deviennent "inutiles", et les mammifères insulaires retrouvent
alors vers leurs tailles "normales", plus petites pour les "géants
continentaux" et plus grandes pour les "nains continentaux"...
De là à dire que l'Homme continental est un géant et que c'est l'Homme
de Flores qui a la taille "normale" pour un Homo, il n'y a qu'un pas,
qu'il faudra quand même franchir avec prudence tant l'évolution
biologique humaine est compliquée par la culture...
/unquote
edit : rajout d'un topo sur le nanisme insulaire
Message édité par Gilgamesh d'Uruk le 29-10-2004 à 17:28:02
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Nation spatiale : la chaîne de l'Arche interstellaire.