Tandis que se poursuit le débat sur le nucléaire iranien, les US se fourvoient lamentablement.
Nota : sujet suffisament important à mon sens d'autant que le topic spécifique sur le nucléaire iranien a été locké en raison de dérives manifestes.
Les dangereux ratés de la CIA en Iran Nucléaire
Un livre révèle que la centrale d'espionnage américaine a donné des plans à Téhéran pour fabriquer une bombe et s'est fait doubler par son livreur.
Philippe Gélie
[06 janvier 2006]
LORSQUE le régime iranien défie la communauté internationale, en annonçant la reprise de son «programme nucléaire pacifique», comme il l'a fait mardi, Washington réplique en demandant à ses alliés «d'envisager des mesures supplémentaires pour réfréner les ambitions nucléaires de l'Iran». Ce que ne dit pas l'administration américaine, c'est qu'un incroyable faux pas de ses services secrets a peut-être rapproché Téhéran de la possession de la bombe.
L'histoire est révélée par le livre de James Risen, Etat de guerre, l'histoire secrète de la CIA et de l'administration Bush, paru mardi aux Etats-Unis (1). Elle s'ajoute à l'affaire des écoutes non autorisées de la NSA, déjà dévoilées par le même reporter dans le New York Times, et à une embarrassante série de précisions sur ce que savait réellement la CIA de l'arsenal de Saddam Hussein avant l'invasion de l'Irak. En ressort un portrait à charge d'une agence déboussolée depuis la fin de la guerre froide, qui n'avait pas vu venir les attentats du 11 septembre 2001 et se prend régulièrement les pieds dans le tapis. «Aucune autre institution n'a échoué aussi complètement dans sa mission durant les années Bush», estime l'auteur.
Opération «Merlin»
L'un des exemples les plus parlants est une opération menée en 2004 sous le nom de code «Merlin». Dans la grande tradition des Pieds-Nickelés, la CIA conçoit un plan pour transmettre des documents ultrasensibles aux Iraniens en y introduisant intentionnellement une erreur qui doit les orienter sur une mauvaise voie, afin de leur faire perdre du temps dans la course à l'atome. Pour cela, ils se tournent vers un ex-transfuge russe, ingénieur atomique dans l'un des complexes les plus secrets de l'ère soviétique, payé depuis des années 5 000 dollars par mois par la CIA à ne rien faire. L'homme est réputé âpre au gain et d'un caractère difficile, mais on décide de lui faire confiance.
Des plans lui sont remis permettant de construire un système de détonation atomique TBA 480, «l'un des secrets les mieux gardés au monde», assure James Risen. Problème : il ne faut que quelques minutes au Russe naturalisé américain pour y voir une faille. Cela ne suffit pas à arrêter les concepteurs de l'opération Merlin : l'homme est envoyé à Vienne pour «donner ou vendre» son précieux secret aux représentants iraniens auprès de l'Agence internationale à l'énergie atomique (AIEA), censée lutter contre la prolifération... Il opte pour l'offre gracieuse assortie d'une lettre qui met en garde ses clients à mots couverts : «Si vous décidez de créer un engin similaire, vous allez devoir poser des questions pratiques. Pas de problème. Vous aurez les réponses mais j'entends être payé pour cela.»
Les fins limiers de la CIA n'avaient pas imaginé qu'ils se feraient doubler par plus malin qu'eux. Ils n'avaient pas non plus pensé que les Iraniens découvriraient rapidement le défaut du plan et qu'en le corrigeant, ils pourraient faire un bond précieux vers la fabrication de la bombe. Téhéran avait déjà obtenu des documents secrets auprès du chef du programme atomique pakistanais, A. Q. Khan, et pouvait sans doute les comparer à ceux du transfuge russe. «Cela a peut-être été l'une des opérations les plus irresponsables dans l'histoire moderne de la CIA, écrit Risen, contribuant à mettre l'arme atomique entre les mains d'un membre fondateur de ce que le président George W. Bush a appelé l'axe du mal.» David Albright, ancien inspecteur de l'AIEA, s'interroge dans le Los Angeles Times : «Je ne comprends pas bien pourquoi nous voudrions donner une telle chose aux Iraniens. Cela a peu de chances de marcher.»
Zone étanche autour de Bush
L'agence de Langley ne répond pas sur le fond, se contentant de dénoncer «de graves inexactitudes» dans le livre. Mais celui-ci contient d'autres révélations gênantes. Une mauvaise manipulation par un responsable des communications aurait livré à un agent double iranien l'ensemble du réseau de la CIA en Iran, conduisant à son élimination totale. En Irak, une trentaine d'émigrés aux Etats-Unis apparentés à des ingénieurs de Saddam Hussein auraient été mobilisés en septembre 2002 pour rendre visite à leurs familles et leur proposer de faire défection en échange de renseignements sur les armes de destruction massive (ADM). Tous seraient revenus en affirmant que les programmes d'ADM étaient à l'abandon depuis 1991. Un mois plus tard, la CIA produisait néanmoins un argumentaire justifiant l'entrée en guerre par la présence d'armes biologiques et chimiques et «la relance du programme nucléaire» de Saddam.
James Risen raconte aussi comment l'Afghanistan est redevenu un «narco-Etat», producteur de 87% de l'héroïne vendue dans le monde, sous le regard indifférent des soldats et des espions américains. Et il explique comment l'ambiguïté sur les tortures infligées à certains prisonniers de la guerre antiterroriste a été maintenue par une «zone de confidentialité» étanche autour de George W. Bush : le président n'a jamais rien signé et n'a même jamais été officiellement «briefé» sur le sujet. Il peut donc nier sans mentir.
(1) State of War, The Secret History of the CIA and the Bush Administration, par James Risen, Free Press, 240 pages, 26 dollars.
http://www.lefigaro.fr/internation [...] tml?074200
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Le même sujet vu par libé :
Opération Merlin: le cadeau atomique de la CIA à l'Iran
http://www.liberation.fr/page.php?Article=349679
L'une des priorités de Washington est aujourd'hui d'empêcher l'Iran, pays numéro 1 de l'axe du mal, de se doter de l'arme nucléaire. Pourtant, selon un nouveau livre émaillé de révélations, la CIA a peut-être aggravé le problème, il y a six ans, en fournissant à Téhéran, à l'occasion d'une hallucinante opération d'intoxication, des informations cruciales pour construire la bombe. Le livre, State of War (1), est une enquête sur le rôle de l'agence d'espionnage pendant ces dernières années. Il est signé par James Risen, 50 ans, la nouvelle star du New York Times. Risen est devenu instantanément célèbre en révélant, le mois dernier, l'existence d'écoutes téléphoniques ordonnées par George Bush sans mandat judiciaire.
«Apeuré». L'affaire iranienne qu'il relate se passe en février 2000, à la fin des années Clinton. Cela commence comme un roman de John Le Carré : «Un scientifique russe apeuré marchait dans le froid hivernal des rues de Vienne.» Ce piéton a de bonnes raisons de ne pas être tranquille : il transporte sur lui les plans d'un système de mise à feu d'une bombe nucléaire, l'un des secrets les mieux gardés au monde. Le Russe travaille pour la CIA. Celle-ci lui a fourni les plans, en lui demandant de se faire passer pour un scientifique russe au chômage et de les vendre aux représentants iraniens auprès de l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'organisme mondial chargé de lutter contre la prolifération de telles armes. Pourquoi une telle opération (nom de code «Merlin»), a priori aux antipodes des intérêts américains, a-t-elle été décidée ?
Avant qu'il parte pour Vienne, la CIA a expliqué au Russe que l'opération visait à en savoir un peu plus sur le degré d'avancement du programme nucléaire iranien. Selon l'officier, que le Russe a rencontré dans un hôtel à San Francisco, il n'y avait aucun risque, les Iraniens ayant déjà en leur possession une telle technologie. L'objectif ultime de l'opération Merlin est de mettre le programme iranien sur de mauvais rails, en fournissant aux experts iraniens des informations truffées d'erreurs. Le Russe a jeté un coup d'oeil aux plans et, à la surprise des agents de la CIA, a repéré de lui-même, et rapidement, une des erreurs. L'agence a néanmoins maintenu son plan.
A Vienne, le Russe n'est pas très tranquille. Le plan de ses employeurs ne lui plaît pas et il décide de ne pas le suivre à la lettre. Selon lui, l'erreur qu'il a trouvée est si évidente qu'elle risque d'éveiller les soupçons des Iraniens. Il ouvre donc l'enveloppe scellée et y glisse, dans une note, un correctif de son cru. Lorsqu'il arrive au bureau des Iraniens, dans un immeuble sur Heinstrasse, il décide de ne pas se montrer. Il glisse l'enveloppe dans le courrier et décampe. Selon James Risen, l'opération Merlin, «l'une des plus casse-cou de l'histoire moderne de la CIA», a été ensuite poursuivie par l'administration Bush. Plusieurs anciens agents de la CIA lui ont déclaré que ce genre de manoeuvres d'intoxication, classiques pendant la guerre froide, deviennent extrêmement déraisonnables lorsqu'elles sont appliquées à des systèmes d'armement nucléaire. Elles peuvent en effet, si les fausses informations sont repérées, aider les adversaires à accélérer leur programme. «C'est peut-être ce qui est arrivé avec Merlin», soupçonne Risen, sans pour autant le démontrer.
«Arrêtés». State of War raconte également comment, à la suite d'une énorme boulette, le réseau entier de la CIA en Iran a été grillé, en 2004. Au siège de l'agence à Langley (Virginie), une agente a un jour envoyé par erreur, par courrier électronique crypté, une série d'informations ultraconfidentielles à un Iranien travaillant pour la CIA à Téhéran. Un malheur n'arrivant jamais seul, cet Iranien était un agent double... «Des sources à la CIA affirment que plusieurs agents ont été arrêtés et mis en prison, alors que le sort d'autres est encore inconnu», écrit Risen. Son réseau étant pulvérisé, ajoute-t-il, la CIA s'est retrouvée «virtuellement aveugle» en Iran, à une période où elle a un besoin critique d'informations. La CIA n'a pas commenté ces deux épisodes, se bornant à dénoncer les «graves inexactitudes» que contient «chaque chapitre» du livre.
(1) State of War : The Secret History of the CIA and the Bush Administration, de James Risen, éd. Free Press, janvier 2006.
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Connaissant très bien la guerre froide je les pensais comme beaucoup de monde capables de coup tordus et à juste titre. Mais dans le cas qui nous intéresse force est de constater que la bêtise atteint des sommets...