marco247 a écrit :
voila de l' aide
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L'histoire de la Révolution française a donné lieu à de multiples débats idéologiques entre historiens. Elle est et reste encore un champ d'étude en constant renouvellement. Cette mise au point sur les apports récents de la recherche historique a essentiellement pour objectif de cerner les nuds autour desquels peut se construire la séquence intitulée la période révolutionnaire (1789 -1815) dans le programme d'histoire d'une classe de 4e. Les thèmes évoqués dans cet article (première partie) ont été sélectionnés en fonction de l'intérêt qu'ils peuvent présenter lors de la mise en uvre de cette séquence pédagogique (2e partie) qui est au centre de cette réflexion.
«Un seul instant a mis un siècle de distance entre l'homme du jour et du lendemain».
La formule est de Condorcet. Elle signale de façon frappante la fracture historique générée par la Révolution française.
Le terme Révolution recouvre deux conceptions antinomiques.
Au sens astronomique, il désigne un mouvement qui ramène les choses à leur point de départ.
Au sens de crise, il implique le surgissement brusque et violent de la nouveauté.
La délimitation chronologique pose problème. Si lannée 1789 marque la naissance de la Révolution française et leffondrement de lAncien Régime quel est son point final ?
Doit-on considérer lexécution du roi comme le terme ultime de la Révolution ?
Arrêter la Révolution, comme Michelet, au coup dEtat du 18 Brumaire ? Ou faut-il écrire comme le suggère François Furet «une version longue et étalée sur plus de 100 ans entre Turgot et Gambetta » de la Révolution qui aurait mis un siècle pour aboutir à linstauration dun régime républicain définitivement accepté au terme dune évolution chaotique.
Le programme dhistoire de 4e propose un autre découpage chronologique pour la période révolutionnaire allant de 1789 à 1815 incluant le Consulat et lEmpire.
La Révolution française est un lieu privilégié de la mémoire collective fondateur des valeurs républicaines mais aussi révélateur des divisions politiques. Elle reste encore un «sujet chaud». Ainsi lors du Bicentenaire de la Révolution, cest 1789 qui est célébré et non 1792.
La Révolution française a fait lobjet de nombreuses lectures et interprétations divergentes. Depuis une vingtaine dannées, on assiste à un renouvellement des perspectives dû aux recherches entreprises outre Manche et outre Atlantique dans lesquelles la Révolution française est étudiée sans préjugé national. Il s'agit ici de faire le point sur ces apports récents de la recherche.
Les études récentes apportent tout dabord un nouvel éclairage sur les origines de la Révolution française. La thèse des origines intellectuelles de la Révolution française est remise en cause. Lhistorien britannique Donald M.G. Sutherland, limite linfluence sociale de la pensée des Lumières à la noblesse éclairée. Des études récentes confirment le faible enracinement de ces idées, jusquau printemps1789, au sein dune bourgeoisie conservatrice. De même, si les salons et académies parisiennes sont gagnés par ces idées, la culture en province reste très traditionaliste. Selon Robert Darnton, la pensée des Lumières ne peut être assimilée à une idéologie révolutionnaire celle-ci comportant un programme de réformes libérales qui préserve la hiérarchie.
La Révolution serait-elle alors une défaite du despotisme ?
Longtemps sous-estimées au profit des causes intellectuelles et sociales, les origines politiques font lobjet dune revalorisation autour du thème de la crise subie par la monarchie. Cest linertie du pouvoir en place, son incapacité à se réformer, la lourdeur bureaucratique, aggravée par la crise financière, qui entraîneraient la chute de la monarchie selon William Doyle.
En 1951, George Lefebvre fixe la thèse de la Révolution bourgeoise. Selon lui, les années 1789-1799 sont «lépisode ultime de la lutte soutenue de laristocratie contre la monarchie capétienne» et voient «lavènement de la bourgeoisie»2.
Albert Soboul, disciple de Georges Lefebvre, met laccent sur lidée de rupture et voit dans la Révolution une lutte des classes entre la noblesse et une bourgeoisie ascendante qui constituerait une étape décisive entre féodalité et capitalisme. Qualifiée de «mythique» par Alfred Cobban en 1955, ce schéma explicatif a été remis en cause par lécole anglo-saxonne et certains historiens français pour qui la bourgeoisie dans son acceptation actuelle nexiste pas. Alfred Cobban a montré que lessentiel de la fortune pré-révolutionnaire a des sources non capitalistes. Aristocratie terrienne et bourgeoisie foncière ne forment, selon lui, quun seul groupe socio-économique.
Depuis Ernest Labrousse, on a aussi beaucoup insisté sur les origines économiques de la Révolution. Les recherches plus récentes ont intégré cette analyse dans le long terme de lhistoire nationale. La crise de subsistance qui emporte lAncien Régime ne constituerait pas une rupture car les mouvements populaires comme forme de contestation sociale contre lordre établi ont marqué lévolution de la France depuis le XVIe siècle. En 1789, la crise de subsistance ne fait quamplifier le malaise politique et catalyser le mécontentement dans les classes populaires.
Jacques Godechot replace, quant à lui, la Révolution dans une perspective mondiale. Ne pouvant être «considéré comme un phénomène particulier, isolé, national » il y voit un épisode «le plus important sans doute dune grande Révolution qui a bouleversé tout loccident et même débordé sur le monde oriental pendant trois quart de siècle entre 1770 et 1850»3.
Dans le déroulement de la Révolution, cest linterprétation de la période entre 1791 et la
chute de la royauté le 10 août 1792 qui savère la plus délicate. La marche révolutionnaire a changé de cours : est-ce «leffet dun dépassement autodynamique et somme toute inévitable ou dune convergence accidentelle de facteurs ? » 4
Narrivant pas à se stabiliser Au milieu des années 1960, François Furet et Denis Richet ont avancé la thèse du dérapage sur les bases dune monarchie constitutionnelle, la Révolution aurait dérapé à partir de 1791 et se serait radicalisée dans un contexte de guerre civile et étrangère. Selon eux, lintervention des masses populaires urbaines et rurales dans le cours dune Révolution libérale, effrayées par la crainte exagérée du complot aristocratique, nétait pas dans lordre des choses. Lattitude du roi et les menées des aristocrates dans et hors du royaume auraient facilité ce dérapage. Cette interprétation va à lencontre de ceux qui tiennent fermement la position, autrefois tracée par Clemenceau en janvier 1891, face à ceux qui dénonçaient les violences de la Terreur : « Messieurs, que nous le voulions ou non, la Révolution française est un bloc».
Depuis François Furet est revenu sur ce concept de dérapage.
De son côté, Donald M.G.Sutherland défend des positions contradictoires : selon lui le climat crée par les évènements de 1789 était porteur dune dynamique révolutionnaire. La Contre-Révolution dune part, la progression des partisans de la démocratisation de la nation de lautre ne peuvent que rendre inévitable une guerre civile.
Pourtant, lhistorien minimise limportance des oppositions aux solutions adoptées par la Constituante. Ce nest que la fuite du roi qui brise, selon lui, lunité de lélite dans sa conception de la Révolution.
Michel Vovelle souligne, quant à lui, limportance de la Contre-Révolution trop souvent minorée dans certaines interprétations. Etudiée par Jacques Godechot au début des années1960, la Contre-Révolution garde encore des contours flous. La Contre-Révolution nest pas née de la Révolution. Elle nest ni une riposte, ni une réplique ponctuelle selon Guy Chaussinand-Nogaret. Cest une conception du monde qui chemine entre 1789 et 1799 mais qui a ses racines intellectuelles loin dans lAncien Régime et qui survivra longtemps une fois la Révolution terminée. Idéologie, la Contre-Révolution prend aussi la forme dune résistance active multiforme : activités conspiratrices, tentatives de coup daction militaire dans les armées des princes recrutés parmi les émigrés, soulèvements à base populaire. A lapproche du Bicentenaire, les historiens ont été amenés à porter un regard neuf sur le concept de Contre -Révolution. Roger Dupuy a proposé de le remplacer par celui plus objectif de «résistances à la Révolution ». Le terme «dantirévolution » a été aussi avancé pour désigner lensemble des attitudes réfractaires qui caractérisent les mouvements populaires mais sans déboucher sur une révolte ouverte.
La révolte paysanne de lOuest qui éclate à partir de 1791-1792 et la guerre de Vendée à partir de 1793 ont suscité de multiples interrogations. Perçues comme un soulèvement en faveur du roi et de la religion par les auteurs légitimistes ou conservateurs du siècle dernier, il nétait pour les républicains que le produit de lignorance des populations fanatisées. Déjà les conditions interpellaient lattention : hostilité de tout temps de la population à la levée des hommes, bocage propice à la guérilla. Dans sa thèse, Paul Bois à partir de lexemple de la Sarthe, a mis en avant le caractère social du mouvement insistant sur la déception de la paysannerie devant laccaparement des terres par la bourgeoisie lors de la vente des biens nationaux. Le mouvement serait donc tourné à la fois contre la bourgeoisie et contre lEtat révolutionnaire. Plus récemment, ce schéma explicatif jugé trop simpliste a été remis en cause par certains auteurs qui privilégient le facteur religieux insistant sur la vivacité de la pratique religieuse et sur le rôle des prêtres dans la vie collective.
La Terreur reste lépisode le plus controversé. Le chiffre approximatif de 200 000 victimes incluant les victimes vendéennes de la guerre civile et celles de la Terreur est avancé.
Si pour les libéraux, la Terreur est la période la plus tragique de la Révolution, précurseur du despotisme moderne, lhistoriographie robespierriste voit dans cette période, et ce malgré la Terreur, un progrès vers la Démocratie. Selon les tenants de ce courant, elle scelle lunion entre le mouvement populaire et la fraction la plus radicale de la bourgeoisie et crée les premiers éléments dune démocratie sociale grâce au maximum et à la mise en place de léconomie dirigée.
Différentes interprétations ont été avancées pour expliquer la mise en place de la Terreur.
Pour Pierre Gaxote, la Terreur et ses excès sont consubstantiels à la Révolution : elle serait une conséquence logique des principes et du déroulement de la Révolution.
Une autre interprétation présente la Terreur comme un effet des circonstances.
Elle se serait développée dans un contexte de menace intérieure et extérieure et aurait été linstrument indispensable au salut de la patrie. Cette thèse présente un avantage pour la tradition républicaine puisquelle disculpe la Révolution de lépisode terroriste en reportant toute la responsabilité sur ses adversaires.
Elle est souvent associée à lidée selon laquelle la Terreur est marquée par larrivée au pouvoir du petit peuple urbain des métiers dans lequel se recrutent les sans-culottes et donne lieu à une seconde Révolution qui n'aurait "pas la dignité historique de la première car elle nest ni bourgeoise, ni libérale»5
Selon François Furet les circonstances et la mentalité du petit peuple ne rendent compte que partiellement du phénomène. Lhistorien montre comment la terreur sintensifie à partir doctobre 1793 au moment même où le redressement samorce et les victoires se multiplient. Quant aux mentalités populaires, elles ne rendent compte que dune partie des faits. Sil est vrai que le régime terroriste est mis en place sous la pression des activistes sans-culottes, la coupure entre «peuple»et «élite politique », «culture populaire » et «culture délite » est difficile à établir. En fait, selon François Furet «le discours de la terreur est dans presque toutes les bouches des leaders de la Révolution y compris ceux qui nont aucun rapport avec lactivisme sans culotte, les légistes, les bourgeois des comités et de la Convention »4.
Certes, les circonstances ont pu servir de milieu de développement à cette idéologie et à la mise en place des institutions de la terreur. Mais cette idéologie est présente dès 1789 et tient à la nature de la culture de la Révolution française qui serait articulée, selon François Furet, autour de trois thèmes : lidée de régénération de lHomme et d'un pacte social fondé sur la libre volonté de lhomme
une compétence illimitée attribuée à laction politique qui laisse la porte ouverte à la souveraineté du peuple.- une nouvelle souveraineté reposant sur lunité du peuple. Cette unité nexistant pas, la Terreur a pour fonction de la rétablir constamment.
Pour Jacques Solé, sil nest guère acceptable dinvoquer les «circonstances», il est encore plus inacceptable dassimiler Terreur et Révolution en traitant celle-ci comme un bloc et en voyant dans la Terreur une conséquence inéluctable de la Révolution voire le prototype des totalitarismes du XXe siècle. Il convient selon lui «de comprendre par quelle logique un petit nombre dhommes, hantés par le phantasme du complot et déchirés en factions rivales, ont pu traduire en actes durant quelques mois, un discours dramatique et manichéen5». La sans-culotterie est au cur du dynamisme révolutionnaire de fin 1793 au printemps 1794. Dés le début des années 1960, elle est étudiée par Albert Soboul qui souligne lhétérogénéité du mouvement.
Plus récemment, Richard Cobb et ses élèves ont apporté quelques correctifs.
Ils ont insisté tout dabord sur le caractère minoritaire de ce mouvement.
Contrairement aux idées Albert Soboul et George Rudé, Richard Cobb avance également que la prise de conscience idéologique a joué un rôle négligeable dans lessor du mouvement. Il brosse un portrait peu flatteur du sans-culotte dont la mentalité du sans-culotte serait caractérisée, selon lui, par «une immense crédulité politique». «Faisant de la dénonciation la première des vertus civiques» les sans-culottes «ont divinisé la répression par souci de régénération nationale6» ajoute lhistorien anglo-saxon. Leffondrement de la sans-culotterie donne lieu, là encore, à des interprétations divergentes. Selon Albert Soboul et le courant marxiste, cest lhétérogénéité du mouvement qui serait à lorigine de sa disparition, «le mouvement ne reposant pas sur des assises sociales uniformes». Cette interprétation est critiquée par Richard Andrew et Richard Cobb pour qui ce mouvement, né dans une atmosphère de crise et de tension ne résiste pas à un facteur dusure. De nombreux historiens ont arrêté la Révolution à la chute de Robespierre.
Les historiens Albert Mathiez et Lucien Lefebvre ont vu dans lépoque thermidorienne une réaction bourgeoise qui débouche sur laventure de Bonaparte. Donald Sutherland nuance cette interprétation en avançant que cette période est surtout marquée par la menace contre-révolutionnaire qui empêche la Révolution de se terminer vraiment.
Quant au Directoire (avril 1795 - octobre 1799), il a laissé dans lhistoire une image médiocre en raison de sa faillite, image entretenue par Bonaparte comme repoussoir.
Des historiens anglo-saxons comme Lynn Hunt insistent sur le refus de ce système représentatif, associé à des élections fréquentes, dadmettre lexistence de partis organisés base indispensable à sa survie. Jean Jacques Suratteau, suivi par Donald M.G.Sutherland, attribue quant eux léchec du Directoire à lattachement de la majorité des français à la monarchie pour des raisons religieuses. Des études récentes ont également réévalué luvre du Directoire en soulignant notamment limportance des réformes de structure qui ont servi de base au Consulat (grandes écoles).
Le bilan de cette période peut sarticuler autour de trois thèmes : Un nouvel état7 ?
La Révolution française aboutit à linstauration dun régime autoritaire par Bonaparte.
On sest beaucoup interrogé sur la signification du 18 Brumaire.
Pour les historiens républicains il marque la fin de la Révolution. Mais comme le rappelle Jean Tulard, lacquis juridique et social de la Révolution (destruction de la féodalité et des privilèges et la vente des biens nationaux) est préservé par le nouveau régime. Lempire ne serait alors, selon lauteur, qu'une dictature de salut public habillée en monarchie pour impressionner lEurope et assurer une stabilité intérieure Les historiens de lAction française ne sy trompent pas. Daudet, Bainville dans son 18 Brumaire considèrent que Révolution et Empire ne forment quun tout.
Si lensemble des historiens admet le renforcement de la centralisation administrative héritée de la Révolution, ils sont par contre divisés quant à la continuité plus ou moins grande de cette centralisation avec lAncien Régime.
A la suite de Jean Tulard qui qualifie les institutions consulaires de «réactionnaires», Michel Bruguière souligne dans le domaine financier la permanence du personnel dAncien Régime qui assure celle de la tradition administrative. Les historiens anglo-saxons sont davantage sensibles à la créativité administrative due à la Révolution.
Une nouvelle société7 ?
Les historiens sont partagés quant à limpact de la Révolution française sur léconomie nationale. Elle est décrite comme une «catastrophe nationale » par Maurice Levy-Leboyer. Pour François Crouzet, la Révolution a cassé lessor économique et a rendu irrémédiable le décalage économique avec lAngleterre en différant le développement et en brisant le take off de la France. Selon Denis Woronoff, sur le court terme la Révolution française a sérieusement perturbé la production et les échanges. Elle a également stabilisé les façons de produire et ralenti la croissance. La Révolution a été aussi loccasion de rupture et glissement dans la géographie des échanges et de la production. Elle marque ainsi le déclin des façades maritimes et oppose à la désindustrialisation de lOuest, la nouvelle industrialisation conquérante du Nord et de lEst. La nouvelle donne se manifeste aussi par le renforcement du rôle de Paris, capitale industrielle et financière, qui centralise les décisions économiques provoquant lafflux de capitaux et d'hommes daffaires. Sur la longue durée, léconomie issue de la Révolution va garder des traces plus durables comme la méfiance vis à vis de la monnaie de papier conséquence de la tourmente monétaire. Enfin, lEtat voit durant cette période son rôle dintervenant économique confirmé.
Au début des années 1960, Alfred Cobban note que ce sont les grands propriétaires fonciers qui constituent la nouvelle classe dirigeante à lissue de la Révolution, lancienne aristocratie se mêlant à la nouvelle. Cette idée est confirmée par les travaux récents. Parallèlement, il y a une promotion de la bourgeoisie. La structure sociale du début du XIXe siècle a donc peu changé par rapport à la veille de la Révolution. Sajoutent seulement de nouveaux riches, nés du négoce ou de la manufacture, qui se fondent dans les rangs des notables. Atteinte par la vente des biens nationaux, lancienne aristocratie conserve sa position dominante au sommet de léchelle sociale et ce malgré le renforcement de ses rivaux.
Au sein du monde paysan, le bilan de la Révolution est mitigé. Malgré lemprise de la bourgeoisie et des gros paysans, une petite et moyenne bourgeoisie sort consolidée donnant à la société française son caractère original. A lissue de la vente des biens nationaux, on constate que les gains des paysans restent modestes. Si le monde rural bénéficie de la suppression du système féodal et du prélèvement féodal, la question des communaux nest pas réglée. Quant au monde urbain, il semble avoir connu durant la période révolutionnaire un accroissement de la misère. Une révolution culturelle7 ?
Lampleur de la déchristianisation est sujette à débat. Selon Jean de la Viguerie, il ne resterait que quelques «îlots de dévotion» en 1799 résultats dune persécution efficace contre lEglise.
Mais cest minimiser, selon Jacques Solé, les résistances des catholiques à la Révolution (soulèvements, uvre de léglise clandestine, faible proportion denfants non baptisés). Inégalement reçue la déchristianisation naurait donc pas été massive.
Les historiens se penchent aussi de plus en plus sur cette volonté de régénération culturelle qui tenaient à cur dirigeants et militants de la Révolution qui voulaient rompre avec la société dAncien Régime.
Lynn Hunt aborde la Révolution sous langle dune nouvelle culture politique marquée par des représentations symboliques (cocarde, arbre de la liberté, bonnet phrygien) largement présentes lors des fêtes révolutionnaires. Mais si cette période a été féconde, à terme on perçoit «les faiblesses et la fragilité de ces créations8 » même si certaines dentre elles ont marqué la tradition républicaine conclut lhistorienne. Quant aux fêtes révolutionnaires, qui se voulaient des cérémonies de régénération communautaire, elles se «sclérosèrent en se ritualisant9 » souligne Mona Ozouf. Et ne suscitant guère dintérêt auprès des masses populaires, elles finissent par disparaître. Dans toute la Provence, le cadre festif traditionnel avec notamment le schéma carnavalesque résiste à la Révolution. Albert Soboul a montré également le faible degré dévolution des murs et mentalités entraînées par la Révolution.
Associée souvent à limage du vandalisme (monuments religieux ou royaux), la Révolution a longtemps été présentée comme une «parenthèse stérile» dans lhistoire de la création artistique et littéraire. Les études récentes montrent que la Révolution a généré une libération de la parole qui se traduit par une profusion de libelles, de pamphlets mais aussi par lessor de léloquence parlementaire. Quant à la poésie, au théâtre, ils se mettent à lunisson des circonstances. Au côté de la peinture dominée par luvre de David, on assiste à une multiplication des estampes, à la fois armes de combat et instruments pédagogiques, sous forme dallégories, de caricatures
La période révolutionnaire correspond à une légère progression de lalphabétisation populaire comme le prouve la hausse du nombre de signatures au bas des actes de mariage entre 1789 et 1815. Le système scolaire étant désorganisé peut-être faut-il y voir, comme le suggère Michel Vovelle, «le résultat dun apprentissage individuel sur le tas à partir des clubs, de la lecture indivuelle de la presse10 » ?. Des historiens comme Michel Vovelle ont abordé la période révolutionnaire sous langle des mentalités collectives. La Révolution a-t-elle bouleversé la vie quotidienne en profondeur ou nest-elle plutôt quune parenthèse à lintérieur de laquelle sorganise «une vie en marge » selon lexpression de lhistorien Richard Cobb ? Contrairement à un discours hostile à la Révolution qui a voulu y voir un tournant dans la dissolution des murs et la désagrégation des solidarités, le sentiment de la famille ne semble jamais avoir été aussi fort. Les études consacrées aux femmes soulignent à la fois leur mobilisation dans les journées révolutionnaires et le bilan mitigé à l'issue de la Révolution. Si elles ont acquis des droits civils et un renforcement de leur statut au sein de leur famille, elles se voient par contre refuser les droits civiques.
Selon Jacques Solé, le principal mérite des études anglo-saxonnes est davoir saisi la Révolution dans sa continuité avec lAncien Régime mais aussi davoir souligné son extrême diversité. Ces travaux ont contribué à mettre fin au mythe de lunité de la Révolution.
Loin dêtre un bloc, la Révolution française a été différemment vécue par les individus et les groupes tout comme son impact a été varié suivant les régions.
«Descendue de son piédestal mythique et rendue à des réalités plus complexes, la Révolution française nen est que plus intéressante pour tous ceux qui désirent mieux appréhender une des sources majeures de lhistoire contemporaine 11» conclut lhistorien.
Enseigner la période révolutionnaire en classe de 4e
Létude de la Révolution française, en classe de 4e, sinscrit dans la seconde partie du programme dhistoire sous l'intitulé la période révolutionnaire (1789-1815). Cette séquence est une des parties du programme d'histoire de 4e la plus délicate à mettre en uvre. La première difficulté s'explique par lextrême richesse événementielle de la période et de ses interprétations pour des élèves qui manquent souvent de culture politique.
La seconde tient au panier horaire attribué pour cette séquence 9 à 10 heures (évaluations incluses) sachant que, conformément au programme, la plus grande partie de l'année scolaire doit être consacrée à la troisième partie centrée sur le XIX e siècle.
Plus que jamais des choix s'avèrent donc nécessaires, en tenant compte du programme et des apports récents de la recherche historique.
Quel découpage chronologique retenir ?
Le programme dhistoire de 4e propose un découpage chronologique pour la période révolutionnaire allant de 1789 à 1815 incluant le Consulat et lEmpire. Létude du consulat et de lempire est donc incluse dans la période révolutionnaire et peut être envisagée sous langle dune problématique continuité - rupture avec la Révolution.
Cependant, le programme inclut dans la troisième partie l'étude du XIXe siècle au travers notamment de l'exemple de l'évolution politique et sociale de la France entre 1815 -1914. Cette partie privilégie donc aussi, le temps long, dans la lignée de ce que propose François Furet "une version longue et étalée sur plus de 100 ans" jusqu'à l'instauration du régime républicain et invite à mettre en avant la Révolution et son héritage.
Enfin, le programme incite à souligner la dimension mémoriale et patrimoniale des évènements. L'étude d'une journée révolutionnaire, le 14 juillet 1789 par exemple, peut être envisagée dans cette optique. Etant hors de question de vouloir mener à bien une étude exhaustive de la Révolution française avec une classe de 4e, quelles approches privilégiées ? Quelles approches privilégiées ?
Une approche chronologique ? thématique ? croiser les deux ?
Le programme d'histoire de 4e nous invite à cerner les "épisodes majeurs " au travers "d'un récit synthétique" de la période révolutionnaire. Deux approches peuvent être, dés lors, envisagées :
lune chronologique, qui sans être exhaustive, peut sarticuler autour dune dizaine de repères comme le suggère le programme.
lautre démarche plus thématique peut sorganiser autour de séances telle que la naissance de la vie politique (suffrage censitaire, clubs, journaux
). Elle ne dispense pas malgré tout dune trame chronologique point de repère indispensable pour les élèves. Ce qui revient à croiser les approches à la fois chronologique et thématique. Quelles entrées privilégiées ?
Le programme d'histoire de 4e privilégie une entrée politique et sociale et nous invite à insister sur "la signification politique et sociale de chacune des phases retenues" et à mettre en avant les acteurs de cette période afin de les identifier, de cerner leurs revendications éventuelles, de voir quelle part ils prennent aux évènements. La Révolution française met en scène une multiplicité dacteurs :
- des individus : hommes, femmes qui préexistent à la Révolution (Louis XVI, la Reine
) ou qui émergent durant la période (Danton, Robespierre, Olympe de Gouges
) - des groupes sociaux (Noblesse, Clergé, Tiers Etats), politiques (Girondins, Montagnards
), partisans ou hostiles à la Révolution française. - des groupes aussi qui émergent de façon plus ponctuelle : le peuple de Paris, la foule révolutionnaire, les sans-culottes
Sans tomber dans la galerie de portrait, linitiation à la biographie peut permettre à lélève de se repérer dans le temps et de remettre les évènements à léchelle dune vie humaine.
De multiples sources permettent de cerner ces acteurs : portraits, tableaux, témoignages de contemporains (contradictoires), discours
Ce peut-être l'occasion d'un travail sur les points de vue lors de l'étude d'un évènement précis, le procès de Louis XVI par exemple, ou d'un jeu de rôle.
Là encore des choix s'imposent. Préserver un équilibre paraît indispensable entre Grands Hommes et anonymes, partisans ou opposants de la Révolution française sans omettre de faire une place aux grandes figures féminines (Olympe de Gouge, Charlotte Corday
) de cette période, à la citoyenne, la sans-culotte, encore trop souvent "oubliées" dans les manuels scolaires, Quelle dimension spatiale du sujet retenir ?
Si l'approche nationale est privilégiée, dans le programme d'histoire de 4e, l'échelle européenne est également prise en compte "les évènements extérieurs [sans être l'objet] dune étude exhaustive" peuvent être évoqués "à laide de cartes" ou de documents de référence comme les tableaux de Goya, Dos de Mayo, Tres de Mayo (2 mai, 3 mai 1808).
Pourquoi ne pas puiser aussi dans les ressources locales (Archives) et faire ainsi le lien entre histoire locale et histoire nationale ? L'insurrection fédéraliste pourrait être évoquée au travers d'un temps fort de l'histoire de Marseille, l'épisode de la ville SANS NOM. Le décret du 4 janvier 1794, pris par la Convention (juillet - août 1793) et visant à détruire le particularisme de la ville en la débaptisant (jusqu'au 12 février 1794) pourrait être alors un des supports choisis pour aborder ce thème.
Quel bilan dressé de la période révolutionnaire ? Un dernier problème est soulevé par les termes bilan et Révolution considérés par certains historiens comme antinomiques.
Le bilan peut-être envisagé sous deux angles :
- en fonction du passé (fin XVIIIe s -1815) comme le suggère le programme d'histoire de 4e en insistant sur les mutations politiques, sociales, idéologiques
apportées par la Révolution et lEmpire.
- en fonction de lavenir pour souligner lhéritage de la Révolution et en montrer toute son actualité.
Bibliographie
Ressources utilisées pour cette mise au point sur la période révolutionnaire
Jacques Solé, La Révolution en questions, Collection Point Seuil, 1988.
Michel Vovelle, La Révolution française, A.Colin, 2000.
François Furet et Mona Ozouf, Dictionnaire critique de la Révolution française, Flammarion, 1988.
Atlas révolution française, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales
LHistoire N° 113 juillet/ Août 1988
LHistoire N°237, 1999
Ressource locale
Félix L.Tavernier, Marseille et la Provence 1789 - 1871, CRDP Marseille, 1973
Ressource pédagogique
La documentation photographique La Révolution française, N°6047, Juin 1980.
Sites Internet sur la période révolutionnaire
- Des textes des grands révolutionnaires : Danton, Robespierre... Des journaux (Le vieux cordelier par exemple) http://home.worldnet.fr/lasseron/rev89 (en français)
- Un site avec des textes de la période révolutionnaire : loi Le Chapelier, textes sur la Terreur. http://www.cvm.qc.ca/glaporte/RevoFR.html (en français)
- un site de la fondation Napoléon légèrement hagiographique mais qui propose des centaines de documents : plan, photos... et même des caricatures. http://www.napoleon.org/
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1 Le titre de cet article s'inspire du livre de Jacques Solé, La Révolution en questions, Collection Point Seuil, 1988.
2 G Lefebvre La Révolution française, P.U.F, 1951.
3 J Godechot Les Révolutions 1790-1799, P.U.F, 1970
4 M Vovelle, La Révolution française, A.Colin, 2000.
5 Jean. Solé, LHistoire N° 113 juillet/ Août 1988.
6 Richard Cobb dans Jacques Solé, La Révolution en questions, Collection Point Seuil, 1988.
7 Les titres sont empruntés à louvrage de Jacques Solé, La Révolution en questions, Collection Point Seuil, 1988.
7 Les titres sont empruntés à louvrage de Jacques Solé, La Révolution en questions, Collection Point Seuil, 1988.
7 Les titres sont empruntés à louvrage de Jacques Solé, La Révolution en questions, Collection Point Seuil, 1988.
8 Jacques Solé, La Révolution en questions, Collection Point Seuil, 1988.
9 Jacques Solé, La Révolution en questions, Collection Point Seuil, 1988.
10 Michel Vovelle, La Révolution française, A.Colin, 2000
11 Jacques Solé, La Révolution en questions, Collection Point Seuil, 1988
Christine COLARUOTOLO 20/09/2002
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