Citation :
RECIT PEDAGOGIQUE
Rien ne va plus à la colo !
La banque s'installe !
Alexandre, Monsieur le directeur, conduit une trentaine d'enfants en colonie de vacances assisté de trois moniteurs : Robert, Victor et Blaise. Les enfants ont été autorisés à emporter un peu d'argent de poche. Bien vite, c'est la pagaille: embrouilles entre enfants et commerçants du village, marchandages plus ou moins retors, insolvabilité rapide de certains ... Il faut mettre de l'ordre. Alexandre va reprendre la situation en main.
Après avoir organisé l'effectif en trois équipes, les Rouges avec Robert, les Verts avec Victor et les Bleus avec Blaise, il demande à ses moniteurs de récupérer l'argent de leurs enfants et de tenir des comptes. Chaque enfant a donc un compte ouvert dans le grand livre de son moniteur. S'il a besoin d'argent celui-ci vérifie qu'il en reste sur le compte et délivre – en le notant bien entendu – soit les euros demandés, soit, de préférence, un ticket à la couleur de son équipe et valant la somme voulue. Les commerçants ont été avertis et savent qu'ils pourront échanger les bons en question auprès du directeur. Les enfants entre eux le savent aussi et continuent donc à marchander mais sous le contrôle plus ou moins efficace des monos. Nous voici en présence d'un petit système monétaire et même avec commerce extérieur ( les commerçants).
Nous avons les agents économiques ( les enfants ), trois banques secondaires ( les moniteurs ) et une banque centrale ( le directeur ). Nous avons aussi la monnaie fiduciaire ( les euros en petites coupures ), la monnaie scripturaire ( les comptes avec les chèques que sont les tickets ). Ne pas s'appesantir sur la comparaison; elle n'a qu'un but pédagogique et non de rigueur. Mais on peut déjà situer les acteurs. Par exemple le directeur a une fonction qui pourrait très bien être tenue par un des moniteurs mais quoi qu'il en soit – nous allons y revenir – il faut un centralisateur ( une banque centrale ).
En effet, les commerçants récupèrent des tickets des trois couleurs; ils souhaitent n'avoir à faire qu'à une personne à la colo, de préférence le directeur qui dispose de l'autorité en cas de problème. Entre eux, les enfants échangent aussi des tickets d'une équipe à l'autre mais les Bleus ne veulent connaître que Blaise qui tient leurs comptes individuels. Il en est évidemment de même pour les autres équipes. Résultat : les moniteurs et le directeur ont à se réunir et à faire les bilans. Chaque moniteur a un compte global pour son équipe chez le directeur. Il n'y a d'échange effectif de billets en euros entre les moniteurs que pour solder les différences des comptes d'équipe en fin de journée ; on dit que l'on « compense » les comptes.
Nous y voilà. Les clients de la BNP ne veulent à juste titre connaître que la BNP et ceux du Crédit Agricole que le Crédit Agricole. Néanmoins les affaires de chacun débordent souvent le champ restreint de la clientèle de sa propre banque. Il faut donc entre les banques, dites secondaires, une Chambre de « Compensation », sous le contrôle, du moins théorique, d'une banque centrale. Théorique, car rien n'empêche les banques secondaires – comme les moniteurs - de procéder directement à quelques équilibrages; ( elles le font sur le « marché monétaire » ).
Remarquer qu'il y a des comptes individuels chez chaque moniteur et des comptes d'équipes chez le directeur. Il y a aussi des billets en euros à tous les étages : chez le directeur, chez les monos et quelques-uns chez les enfants. Les comptes tenus par le directeur sont dits en « monnaie centrale »; ceux tenus par les monos en « monnaie bancaire » . Quant aux billets, ils circulent tout à tour en tant que monnaie bancaire ( entre les enfants , comptabilisés dans les comptes individuels) et en tant que monnaie centrale ( entre moniteurs et directeur, comptabilisés dans les comptes d'équipe ). Mais un point est fondamental : à chaque euro émis sous forme de ticket correspond un euro en billet dans la caisse du mono qui émet le ticket ! Chaque euro en monnaie scripturale (ticket-chèque) a comme contre-partie un euro en monnaie fiduciaire (billet ). Dit autrement, chaque euro-ticket est « couvert » par un euro-billet. On dit que « le taux de couverture est de 100 % ».
Voilà donc un système monétaire à trois étages. . Les utilisateurs (1) font appel aux services de banques secondaires (2) elles-mêmes recourant pour leurs relations à une Banque Centrale (3) qui est « la banque des banques ». Celle-ci fait circuler entre les banques secondaires la « monnaie centrale » indispensable aux transactions entre les clientèles de ces banques secondaires. La Banque Centrale assure une fonction nécessaire ( la compensation ) mais les banques secondaires peuvent y échapper en compensant directement entre elles sur le marché monétaire si cela leur est plus favorable. La Banque Centrale a une autre fonction plus difficilement contournable : elle émet les billets (monnaie fiduciaire) car dans la réalité ceux-ci ne préexistent pas comme dans le cas imaginaire de notre colo !. Elle les émet pour autant que les banques secondaires lui en demandent ou, plus exactement, lui en achètent. Comment les banques secondaires peuvent-elles payer les billets qu'elles achètent ? On le verra plus loin.
Mais précisons dès maintenant que ces banques et leurs clients utilisent de moins en moins de billets et de plus en plus les chèques, les cartes bleues, virement, etc (environ 15 % en billets et 85 % en monnaie scripturale en France). Voilà des pratiques bienvenues et encouragées par les banques pour limiter leurs frais d'achat de billets !
Le business de l'argent démarre !
L'année suivante la colo reprend. Cette fois les moniteurs – on les comprend – font remarquer que la tenue des comptes constitue un travail supplémentaire. Ils vont se faire payer les travaux de tenue des comptes en prélevant modestement sur le pécule des enfants. Les parents sont d'accord. Le directeur est aussi autorisé à prélever une juste rémunération d'autant qu'il est le garant de la bonne marche du système et plus généralement de la colo. Au départ c'est lui qui détient tous les euros dans son coffre.
Les enfants se voient retirer quelques centimes d'euros pour frais de tenue de compte, et sur le traitement de chaque ticket de couleur. Le directeur est rémunéré par un petit pourcentage des euros qui sortent de sa caisse. Il en fait profiter comme convenu l'ensemble de la colo. Le système tourne parfaitement ; tout le monde est content.
Problème; ça marche si bien que certains enfants ont tendance à réclamer des tickets alors que leur compte individuel est déjà à zéro... Blaise est un moniteur astucieux ; le premier, il a trouvé une solution. Les enfants-fourmis vont prêter aux enfants-cigales, moyennant un intérêt pour eux et, pour lui, une petite commission et des « frais de dossier ».
Nous voici avec un système de prêts financiers ( entre « agents économiques » c'est à dire les enfants ). Ces prêts ne modifient en rien le total des euros dans le système ; ce que Pierre prête à Paul est retiré du compte de Pierre et versé sur celui de Paul. Paul est satisfait ; Pierre et le moniteur aussi puisqu'ils y trouvent une nouvelle source de revenu. Deux enfants peuvent d'ailleurs se prêter directement s'ils se font confiance. Un petit malin peut organiser lui-même des transactions mais, en dehors de ses avoirs personnels, il ne peut reprêter que ce qu'on veut bien lui confier. Dans le monde réel on dirait qu'il a créé un établissement financier. Ce n'est pas une banque, c'est une entreprise qui travaille sur l'argent.
La colo fonctionne de plus belle. Les autres moniteurs pratiquent comme Blaise les prêts financiers. Quelques enfants leur font bien un peu concurrence, mais il n'y a rien à redire. Nous sommes libres et égaux.
Enthousiastes les enfants fabriquent et se vendent lance-pierres, sifflets, petits moulins pour le ruisseau, et l'on assiste à la naissance d'un commerce florissant de bonbons ... Billets et tickets de couleurs circulent de poches en comptes. L'activité ( le PIB devrait-on dire) a tellement cru que chacun a besoin d'un porte-monnaie bien garni. Les comptes se vident ; tout l'argent est pratiquement en circulation. Plus moyen de recourir à des prêts financiers pour ceux nombreux qui le souhaiteraient. Bref, l'argent manque.
Des pratiques douteuses se normalisent !
Ici l'affaire se complique. On n'a jamais bien su qui avait commencé. Etait-ce Victor ou bien Robert, à moins que ce ne soit encore une fois le rusé Blaise ? Le fait est que tous les trois se sont mis à prêter des euros qu'ils n'avaient pas en caisse. Comment cela peut-il se faire ?
C'est très simple. Il suffit de dire à Pierre que je lui mets 20 euros à disposition ; je l'inscris sur son compte. S'il me les demande effectivement, je les prends dans la caisse commune sans plus. Bien sûr, si tous les enfants venaient en même temps me réclamer leur cagnotte, j'aurais un problème. Il manquerait 20 euros mais la probabilité que cela arrive est bien faible. Je peux donc prendre le risque. Tout le monde en tire avantage : aucun enfant n'a réduit la somme dont il dispose, Pierre s'est vu octroyer le prêt tant désiré et en tant que moniteur, je vais encaisser non seulement ma commission mais, la totalité des intérêts du prêt. Evidemment je garde précieusement l'engagement que Pierre a signé de me rembourser 20 euros au terme du prêt et les intérêts convenus au cours de ce prêt.( c'est une « créance ») . Très logiquement, dès qu'il me les rendra, je déchirerai ma créance et remettrai les euros dans la caisse. S'il me rembourse en ticket, je déchirerai aussi son ticket. Dans les deux cas, j'aurai bénéficié des intérêts qu'il m'aura versés.
Plus étonnant encore, il arrive à un moniteur de s'offrir, par exemple, un beau sifflet en l' achetant à un enfant et de le payer tout simplement en écrivant le prix correspondant sur le compte de cet enfant. Il dit que le sifflet est la contre-partie des euros ainsi émis, ou encore qu'il a "monétisé son sifflet" !
C'est en effet très étonnant. Les banques achètent ainsi des biens ou s'acquittent de leurs dettes en créant les sommes corespondantes par inscription sur les comptes concernés. Le mécanisme est appelé "monétisation des actifs" ou "monétisation des dettes".
Quand Alexandre - le directeur - le sut , il fut fort embarrassé. Les enfants ne se doutant de rien et le système fonctionnant bien, il adopta une conduite prudente : les moniteurs ne devront pas trop prêter à découvert ni abuser du paiement par simple écriture. Il rédigea même des règles précises à ce sujet. Par exemple le total de l'argent en circulation sous forme de ticket d'une couleur ne devrait jamais dépasser le double de la somme des euros présents dans la caisse du mono correspondant. Le taux de couverture est abaissé à 50 % !
Du coup se trouvait inventé le prêt bancaire qui, contrairement au prêt financier, augmente d'autant les sommes d'argent en circulation dans l'économie ( la masse monétaire ); c'est la création monétaire par crédit. Cette création est encadrée par le taux de couverture réglementaire ( ici 50 % ). Dans le monde réel ce taux est tombé en dessous de 5 % ! On en parle également comme des « réserves obligatoires » auprès de la Banque Centrale.
Inventée aussi la création monétaire par monétisation des actifs . Evidemment pour que le système ne s'écroule sous les abus tout cela est encadré de « règles prudentielles » ( sinon n'importe quelle banque pourrait acheter le monde entier ! ). La complexité de ces règles est telle que leur compréhension est réservée aux experts qui seuls ont l'occasion de les appliquer ou ... de les contourner.
Nous savons maintenant ce qu'est une banque : un établissement financier jouissant (légalement) du privilège bancaire de création monétaire
Alexandre, réconcilié avec le système, accepte même que les moniteurs lui achètent des euros contre la remise du montant correspondant en créances détenues par ces moniteurs. Ensuite, c'est lui qui encaisse les intérêts associés à ces créances. Au cas où un ou plusieurs monos lui demande énormément de billets ( s'il y a vraiment beaucoup de créances en cours par exemple), il est convenu qu'il a obligation de les leur fournir quitte à faire fonctionner sa photocopieuse ... ainsi ces moniteurs peuvent toujours respecter le taux de couverture imposé. et fournir aux enfants les euros qu'ils peuvent réclamer. Auprès d'eux, le système reste totalement crédible !
On appelle cela le « refinancement » qui permet à la masse monétaire de croître indéfiniment du moment qu'on paie régulièrement aux banques émettrices les intérêts correspondants. Voila donc comment les banques payent les euros dont elles ont besoin : en abandonnant à la Banque Centrale une partie des intérêts ( 15 à 20 %) que lui procure la création monétaire qu'elles lui ont subtilisée. « Refinancement » vous dis-je !
[]ATTENTION [/]: Avez-vous bien compris ce qu'est le "refinancement" ? Ce point est fondamental. Faites une recherche sur le Net ; vous y constaterez que le terme "refinancement" y est d'abord associé au réaménagement des crédits en cas de surendettement. Il ne s'agit pas de cela ici. La banque qui fait appel au refinancement n'est en rien surendettée. Elle manque seulement de monnaie bancaire, c'est à dire que le niveau de son compte en Banque Centrale devient insuffisant eu égard aux réglements ( les réserves obligatoires, par exemple ) ou aux besoins ( l'achat de billets pour la clientèle notamment). La banque va simplement réaménager ses avoirs pour approvisionner son compte en Banque Centrale. Elle possède par définition tous les engagements des clients correspondants à tous les prêts en cours : ce sont les "créances" en cours pour un montant égal à celui des prêts en cours. En simplifiant à peine, si elle a besoin de X euros, elle "cède" à la Banque Centrale des créances pour un montant de X euros. En réalité on parle plutôt de "mise en pension" , ce qui signifie que la banque en question abandonne à la Banque Centrale pendant un certain temps ( au taux de refinancement) une partie des revenus liés aux créances considérées, moyennant quoi elle se voit délivrer pour la même période le montant correspondant en monnaie centrale. Dit autrement la banque achète de la monnaie centrale avec les créances issues des prêts bancaires qu'elle a elle-même décidé d'accorder. Voilà bien un processus qui ressemble à un escalier dont on ne verrait pas le palier d'arrivée : j'ai prêté selon les régles et pour continuer à prêter je "refinance" par les créances déjà en cours.
Si quelque spécialiste me lit - mais lequel viendra jusqu'ici ? - il aura vite fait de m'opposer la dizaine de "règles prudentielles" et notamment le ratio de Cooke ou son successeur le ratio de Mac Donough. Je lui ferai remarquer que toutes ces règles reviennent à accrocher des plafonds d'activité pour les banques au niveau de leurs fonds propres, lesquels ne sont bien entendu pas infinis. Pas infinis certes, mais normalement en croissance continuelle : les bénéfices attendus, et le plus souvent constatés, sont là qui le permettent. Oui, et l'observation le confirme : l'activité , c'est à dire l'enrichissement des banques et de leurs actionnaires, est normalement - un accident limité ou global reste possible - un escalier qui monte indéfiniment.
Et voilà la crise !
L'année suivante la colo repart joyeuse mais perplexe. L'an passé il n'avait pas été possible de solder les dettes de chacun car, avec toute cette création monétaire et compte tenu des inégalités inévitables dans la gestion de chacun, les moins délurés n'avaient en définitive pas assez d'euros pour s'acquitter de leurs dettes. Ils repartaient donc avec un compte plombé d'avance par les dettes antérieures.
Mais « chat échaudé craint l'eau froide » et « particulier endetté craint l'emprunt »; c'est pourquoi, les affaires ralentissent. Les moins solvables s'efforcent de produire des gadgets à proposer aux mieux lotis mais ceux-ci n'ont plus grand chose à désirer et, précautionneux, gardent ces précieux euros qui manquent tant aux autres. Alexandre et ses monos ne trouvant pas de solutions pour vaincre la morosité en sont réduits à mettre Noël dans le coup.
Ah, je ne vous ai pas parlé de Noël ! C'est un grand, intelligent et pondéré. Il a été, avec une large majorité, élu Délégué des enfants auprès de la direction de la colo. Noël n'est pas initié aux secrets monétaires ou si peu qu'il considère, comme on le lui explique, que tout est normal : « c'est la pratique comptable » . On lui demande son avis. Il ne sait trop s'il faut augmenter ou réduire le taux des prêts, instaurer quelque prélèvement nouveau ou au contraire diminuer au maximum les menues contributions demandées aux uns et aux autres. Finalement pour dynamiser les journées on décide d'allonger les nuits : coucher une heure plus tôt, lever une heure plus tard. Hélas, aucun résultat ou presque. Quand il n'y a pas d'argent à dépenser, rien ne va ... Noël n'y peut pas grand chose.
Pourtant, il faut préciser que Noël a son importance. Il dispose à lui tout seul de deux comptes : le sien proprement dit et un compte pour la collectivité. Celui-ci est alimenté de deux façons : par diverses contributions demandées à chacun ( des impôts en somme ) et par une contribution du directeur. Avec ce compte Noël pourrait lancer des activités communes, mais hélas le compte est, sinon vide, du moins chargé des intérêts des emprunts qu'il a déjà dû faire. Ce compte est traité comme celui d'un enfant quelconque à l'exception de la contribution du directeur. Mais les enfants rechignent à payer des charges jugées inefficaces et la contribution du directeur se réduit comme peau de chagrin. En effet les moniteurs s'arrangent de plus en plus entre eux sans passer par lui; ils ont d'ailleurs obtenus non seulement une forte réduction des réserves obligatoires mais encore, arguant du manque à gagner qui en résulte, ils se les font rémunérer par le directeur comme si elles lui étaient prêtées !
Les réserves obligatoires de 4 % environ (le calcul fait intervenir la nature des comptes) sont rémunérées depuis que la Banque Centrale Européenne a pris le relais de la Banque de France. Bien plus, le traité de Maastricht (article 104 ) repris textuellement dans le projet de Constitution Européenne ( article III-181 ) interdit purement et simplement toute contribution de la Banque Centrale Européenne aux organismes publics.
Heureusement, il reste les billets. Quand on leur en réclame, les monos, qui n'en ont guère ( ils les ont naturellement tous prêtés ) sont obligés de se tourner vers Alexandre et de payer le droit de sortie des billets. Mais même sur ce poste, les revenus d'Alexandre dégringolent. Les monos poussent à utiliser leurs petits billets de couleur plutôt que les coupures en euros. Ils ont même inventé une carte de paiement électronique bleue et cherchent à mettre au point un système du genre Monéo pour remplacer les pièces de monnaie ! Toute façon d'éviter d'avoir à utiliser des billets ou des pièces améliore les revenus des moniteurs. Ils ne se privent pas de promouvoir le plus possible ce comportement. Résultat : Alexandre n'apporte pratiquement plus rien au compte collectif géré par Noël ! Une seule solution pour la collectivité, s'endetter davantage encore ...
Trop d'argent pour certains qui ont amassé, d'autres trop endettés, une activité en berne qui rend les emplois rares, des banques poussant à l 'emprunt, une collectivité nationale endettée, des mesures qui ne conduisent à rien ou presque ... ça vous rappelle quelque chose ?
Noël ne change rien ? On change donc Noël par Mathurin. Le nouveau Délégué suggère de remettre en cause les heures du lever et du coucher. Chacun peut faire à sa guise ; il sera plus dispos et entreprenant. Résultat : gros chahuts dans les dortoirs mais pas de retour de la prospérité.
La sottise de Denis :
Denis, un petit, ne s'était pas fait remarquer jusque là mais Tonton Blaise ( car c'est un neveu de ce moniteur ) le réprimanda très vertement quand il eût vent de ce que racontait ce garnement. C'est que Denis, en écoutant les conversations familiales, avait à la fois compris le système et gardé son âme d'enfant.
« C'est à cause des monos. On les paie pour des tickets qui ne sont même pas de vrais euros. Il n'y a que le Directeur qui devrait distribuer de l'argent sinon, le vrai argent, il n'y en aura jamais assez pour payer nos dettes. Si c'est Alexandre qui prête tout, il y aura des sous pour la colo puisque ses gains reviennent dans le compte collectif de Mathurin . Les monos nous fournissent de la fausse monnaie ; la plupart du temps ils n'ont pas en caisse la « contre-partie » en euros. Et, en plus, cette fausse-monnaie, ils nous font la leur emprunter et gardent les intérêts. Tout le monde les croit ; le système marche à leur profit, pas au nôtre ! »
Voilà que Denis à son tour découvre les vertus du taux de couverture à 100 % qui, selon Maurice Allais, prix Nobel d'Economie français ( 1988), n'aurait jamais dû être abandonné et auquel il faudrait revenir pour des raisons à la fois d'équité et d'efficacité.
Denis se fait traiter de sot. Par son oncle, les collègues de l'oncle, le directeur, Noël, Mathurin, les petits copains des monos, les mécontents endettés, les indifférents au système... car tout le monde aime bien les monos. Comment pourrait-on imaginer s'en passer ? Denis essaye bien d'expliquer qu'on les gardera, qu'ils continueront de gérer les comptes et seront payés pour cela, mais qu'ils n'émettront plus de monnaie-fausse ( il veut dire « bancaire »), qu'il faut un seul émetteur de monnaie-vraie ( il parle de monnaie « centrale » ) et que cette émission soit décidée par le Délégué et le Directeur tant pour les quantités que pour les conditions ( gratuite ou payée au Directeur au bénéfice de la colo).
Nous en sommes là, à la colo.
Comme dit la chanson : « Y'a quelqu'chose qui cloche la d'dans. Faut r'garder immédiat'ment ! » ... ( pourquoi pas avec Denis , qui a grandi, et propose lui aussi un site Web sur ce sujet ! Quitte à revenir ensuite sur l'épilogue de ce modeste conte .... )
Epilogue
« Comment payer les retraites ? On manque d'infirmières... Le travail est trop cher. Les classes sont trop nombreuses. Nos enfants sont mal formés. L'Education Nationale est un gouffre pour les finances publiques. Les petites postes rurales ne sont plus rentables. Le trou de la Sécu sitôt bouché se recreuse. On veut que nos vieux finissent leur vie dans un minimum de confort mais ça coûte. On voudrait améliorer le sort de tout le monde mais on n'a pas l'argent. Personne ne peut vivre au dessus de ses moyens. On n'y peut rien ; c'est ainsi et qui dit le contraire est un utopiste inconscient des réalités. »
Monsieur Tout-Lemonde.
Non. Il est faux de dire que l'on n'a pas l'argent. L'argent est une production sociale. C'est à la société de produire l'argent, tout l'argent et rien que l'argent dont elle a besoin; elle le peut. Encore faut-il se poser la question : notre argent aujourd'hui si rare pour certains, si surabondant pour d'autres, d'où provient-il ? Car on ne peut effectivement rien faire tant qu'on a pas compris comment le système actuel fonctionne.
Ce qui précède n'est qu'une fable. Le sujet est sans aucun doute compliqué ( voir la suite : « Qui bloque et débloque les milliards qui nous manquent » .) mais les mécanismes de base restent simples. Mis à nu, ils apparaissent tellement inattendus que la situation devient incroyable pour le profane tandis que les connaisseurs y sont tellement habitués qu'ils n'y trouvent rien d'anormal.
Le manque d'argent ne peut être un motif d'inaction au niveau collectif. La contre-partie de l'argent n'est plus le métal précieux ( or et argent ) si tant est que cela ait jamais été. La seule contre-partie de l'argent est la capacité de la société à produire les biens et services dont elle a besoin. Seule la société peut émettre une monnaie vraie qui soit un droit à les acquérir ou les consommer. Il est paradoxal, inadmissible et ruineux que nous soyons collectivement contraints à payer l'usage de la monnaie dont nous avons collectivement besoin à des organismes bancaires privés.
La répartition de l'argent est un autre problème. Il est important mais il vient après ; encore que, si le système actuel reste aussi obscur, c'est certainement parce qu'il est un gage d'accès inégalitaire à l'argent et entretient chacun dans l'espoir de pouvoir un jour en profiter. Tant d'esclaves ont rêvé, et si longtemps, de devenir à leur tour maître d'une domesticité avant que Victor Schoelcher ne soit enfin entendu en France le 27 avril 1848. Il y a des structures sociales qui n'évoluent qu'à l"échelle des siècles. La structure des systèmes monétaires basés sur l'endettement pourrait, hélas, être de celles-là tant elle n'est pas aisée à saisir et semble à tort aller de soi. .
|