[ Définition]
Le libéralisme est une philosophie du droit, visant à circonscrire les limites du pouvoir politique et à reconnaître (i.e. déclarer et non créer) les droits individuels inaliénables.
Le libéralisme se dit anti-politique, en ce qu'il s'oppose au pouvoir politique lui-même. Il ne cherche pas à déterminer qui doit détenir le pouvoir : il fixe des limites à l'autorité politique, les moyens qu'elle peut ou ne peut pas utiliser. Il s'oppose en cela à l'étatisme, qui donne des attributions très larges aux détenteurs du pouvoir politique.
Le libéralisme politique est consécutivement la doctrine politique visant à limiter les pouvoirs de l'État pour ramener celui-ci à la protection des droits et libertés individuelles, en s'opposant à l'État-providence.
De même, le libéralisme économique est la doctrine concernant l'économie selon laquelle l'État ne doit pas, par son intervention, perturber le libre jeu de la concurrence. Il s'oppose aux subventions, lutte contre les barrières au commerce et donne une grande place au principe de propriété.
[Les concepts de base]
Les valeurs libérales sont la liberté individuelle, la créativité individuelle, la responsabilité individuelle, l'indépendance personnelle, le respect des droits individuels, etc. On définit souvent le libéralisme par ses trois « piliers », que l'on retrouve dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen :
La liberté individuelle
La liberté individuelle est définie de manière négative comme l'absence de contrainte exercée par les autres individus, ou de façon positive comme le droit d'agir sans contrainte dans la limite des droits légitimes des autres.
Qu'est-ce que le Droit ?
Le Droit, c'est ce qui détermine ce que l'on a le droit de faire et ce que l'on n'a pas le droit de faire. Le Droit relève de la justice.
Le Droit est non seulement antérieur aux lois, mais indépendant des lois. Pour que le concept de Droit ait un sens, il doit être universel : Où est la justice si pour un même acte une personne est libre et une autre va en prison? Le Droit est donc universel, il est le même pour tous. Chaque être humain, qua être humain, a les mêmes droits.
De plus, il faut que le Droit soit indépendant de son application ou non-application. Si nul n'a le droit de tuer un innocent, ce n'est pas parce qu'un criminel tue des innocents qu'il en a le droit, le Droit détermine juste si son acte est juste ou injuste. Si personne ne viole le Droit, tant mieux pour tous, pour le Droit, ça ne change rien.
Ces droits ont un caractère universel, applicable à tous les hommes, sans égard au lieu ni à l'époque, ce qui les distingue de « droits » arbitraires fictifs, c'est à dire que si tout le monde décide d'en profiter, il disparaît: par exemple un droit au logement ne saurait être un droit naturel, car il est impossible à réaliser sans prendre aux uns pour donner aux autres, ce qui lui ôte tout caractère universel.
C'est donc un droit inapplicable s'il est appliqué, autrement dit, un droit qu'il faudrait, selon certains, reconnaître, tout en disant aux gens de ne pas trop l'utiliser! Donc, pour que le Droit ait du sens, il faut qu'il soit indépendant des lois, indépendant de son application, non-contradictoire, universel.
L'éthique libérale est donc une éthique de tolérance, contraire au relativisme moral du collectivisme (selon lequel la fin justifie les moyens ou l'intérêt général doit prévaloir sur les options individuelles).
Les droits naturels
Ces droits ne découlent pas d'une définition législative, ce sont des droits inhérents à la nature humaine et dont la légitimité est supérieure à toute loi. Le libéralisme économique n'en est qu'une conséquence directe. Les libéralismes social et moral sont aussi des conséquences, même si on les sépare du libéralisme économique car tout le monde n'adhére pas forcément simultanément aux trois.
La thèse des droits naturels (droit à la vie, à la liberté et à la propriété) est largement développée par John Locke. De cette théorie est issue la conception moderne des droits de l'homme qui a fourni historiquement la justification idéologique de la Révolution américaine et de la Révolution française, sans pour autant préconiser la démocratie, de crainte que la « tyrannie de la majorité » (selon l'expression de Tocqueville) ne vienne limiter les droits individuels.
Plusieurs libéraux contestent la thèse des droits naturels, et affirment que ces droits ne sont que des valeurs politiques. Les libéraux classiques soutiennent qu'en ce cas la société (via la démocratie) peut très bien limiter ou supprimer complètement la liberté de l'individu de façon tout à fait légale et démocratique (ce qui s'est produit par exemple avec l'accession d'Hitler au pouvoir). Pour les tenants de la thèse des droits naturels (qualifiés également d'imprescriptibles dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen), il est clair que ces droits sont antérieurs et supérieurs à tout droit politique ainsi qu'à la démocratie.
Il subsiste ainsi une différence marquée entre libéraux partisans du jusnaturalisme (la Raison comme source du droit : le droit naturel), et libéraux partisans du droit positif (l'État comme source du droit), les premiers étant parfois accusés de faire de la métaphysique, les derniers étant taxés de relativisme ou de soumission à l'État.
Toutefois, tous les libéraux admettent l'insuffisance du seul droit positif : Hayek distingue la loi et la « règle de la loi » ; Bastiat affirme que « Personnalité, Liberté, Propriété (...) sont antérieures et supérieures à toute législation humaine. »
Qu'en est-il de la violence ?
Le fait d'initier l'usage de la force (ou la menace de l'usage de la force) est illégitime. La force (ou la menace de l'usage de la force) n'est donc légitime que pour se défendre, c'est à dire, soit empêcher une agression, soit forcer l'agresseur à réparer le dommage, soit empêcher l'agresseur dangereux de nuire à nouveau. Cette idée du Droit peut être résumée de manière simple par le principe de non-agression, le NAP (non-agression principle) : toute agression, c'est à dire toute violation des droits de propriété, est illégitime. Le Droit libéral se base donc sur le droit de propriété.
La propriété privée
La propriété est le droit pour l'individu de jouir du fruit de son activité, des richesses qu'il crée, et d'en disposer à sa guise, y compris en excluant autrui de leur usage. La propriété commence d'abord par le droit à la vie et la propriété de son corps. Les droits de sûreté et de résistance à l'oppression sont des conséquences du principe de propriété.
Le droit de propriété commence avec ma raison: je décide d'écrire ces lignes, personne d'autre. Pour m'exprimer, il faut d'abord que je me considére comme propriétaire de mes moyens d'expression, i.e. de moi-même. Dire "je ne suis pas mon propriétaire" est donc une contradiction, puisqu'en m'exprimant ainsi j'aurais implicitement accepté d'être mon propriétaire, sinon je n'aurais même pas le droit de parler, car mes cordes vocales, mon cerveau, etc. ne m'appartiendraient pas. Donc, toute tentative de nier la propriété de soi est une contradiction pratique, car celui qui la nie l'accepte implicitement.
Si quelqu'un d'autre est propriétaire de moi-même mais que je ne suis pas son propriétaire, il y a de toute évidence inégalité en Droit : le quelqu'un d'autre a un droit que je n'ai pas. Cette situation ne satisfait donc pas au critère d'universalité du Droit.
L'autre possibilité, c'est à dire que je suis autant propriétaire de lui qu'il est propriétaire de moi, satisfait certes au critère d'universalité, mais cela voudrait dire que pour toute action de n'importe quel humain, il faudrait que tous les autres humains lui donnent son accord. Même si cela était techniquement possible, comment donner son accord si vous n'avez pas au préalable l'accord des autres de vous servir de "vos" cordes vocales pour exprimer un accord sur quoi que ce soit ? Le propriété de tout par tous est donc impossible. Il s'ensuit que je suis le seul et unique propriétaire de moi-même et que nul autre ne peut l'être.
Qu'en est-il de l'esclavage?
Ainsi, l'esclavage au sens de propriété d'une autre personne est impossible: je suis propriétaire de moi-même ; quelqu'un d'autre ne peut donc pas me vendre en esclavage, puisque je ne lui appartiens pas, et s'il tentait de le faire il commettrait une agression contre moi.
Reste donc la possiblité de se vendre soi-même. Me vendre impliquerait de céder ma propriété de moi à quelqu'un d'autre. Or, ma propriété de moi découle de ma raison, de ma volonté, du fait que JE décide de mes choix. Donc, si je peux certes faire le choix d'obéir maintenant à l'acheteur, je ne peux en aucune manière lui garantir que je continuerai à faire ce choix ultérieurement. Autrement dit, je ne peux pas, même si je le souhaitais, lui céder ma volonté, ma raison, et donc, par définition de la propriété, il ne peut pas être mon propriétaire. (Cela n'empêche malheureusement pas qu'il y a eu et qu'il y a de l'esclavage dans le sens de personnes forcées à obéir à une autre personne qui a le pouvoir, et non le droit, d'en disposer comme elle veut)
Si je suis propriétaire de moi-même, il en découle logiquement que je fais ce que je veux avec moi-même. Il en découle que si je crée un objet de mes mains, cet objet est à moi. Si je construis une maison, je l'ai construite de mes mains, elle est donc à moi. Si je m'achète une maison, c'est avec l'argent gagné à la sueur de mon front, ou l'argent que quelqu'un m'a donné (à moi et pas à quelqu'un d'autre) de son plein gré, elle est donc à moi.
Je suis donc le seul et unique propriétaire légitime de mon corps, du fruit de mon travail et de mes biens acquis sans violer les droits d'autrui.
La responsabilité
La responsabilité, inséparable de la liberté et de la propriété, rend l'individu responsable à l'égard des autres des conséquences de ses actions, bonnes ou mauvaises (quand elles lèsent autrui dans ses droits). C'est une composante de la sûreté d'autrui.
[Les différents libéraux au cours du temps]
La tradition libérale remonte jusqu'au taoïsme original en Chine, à Aristote puis aux stoïques en Grèce.
Au XVIe siècle, l'école de Salamanque, Montaigne, La Boétie et d'autres humanistes.
Au XVIIe siècle, les levellers de la révolution anglaise, John Locke (qui fonde la philosophie libérale moderne).
Au XVIIIe siècle, Montesquieu, Voltaire, les physiocrates, Turgot, Adam Smith, David Hume. La révolution américaine est riche d'auteurs libéraux, de Benjamin Franklin à Thomas Paine.
Durant la Révolution française, les girondins représentent le courant libéral, victimes de la terreur étatique des jacobins, et parmi ceux-là des factions de la Montagne. Quand ils ne sont pas combattus par la révolution ou par Napoléon, les libéraux sont dans l'opposition pacifique : Destutt de Tracy, Benjamin Constant (qui formalise l'essence du libéralisme).
Au XIXe siècle, Jean-Baptiste Say, Charles Comte, Charles Dunoyer, Alexis de Tocqueville, Frédéric Bastiat (le classique par excellence), Gustave de Molinari; en Angleterre, Richard Cobden, John Stuart Mill, Lord Acton.
Au XXe siècle, l'école autrichienne culmine avec Ludwig von Mises et Friedrich A. Hayek, l'objectiviste Ayn Rand cristallise les valeurs libérales, Murray Rothbard popularise le libertarianisme; on citera aussi Henry Hazlitt, Leonard Read, Milton Friedman, David Friedman, Antony de Jasay, etc.; en France, Jacques Rueff, Raymond Aron, Jean-François Revel, Pascal Salin, Henri Lepage, etc.
Il n'y a pas une école unique du libéralisme. Il y a par exemple de grandes différences entre Hayek et Aristote, Frédéric Bastiat et Thomas Paine ou John Stuart Mill.
Certains libéraux, les utilitaristes (par exemple Maurice Allais), sans prendre parti sur les prémisses philosophiques du libéralisme, justifient le libéralisme parce qu'il engendre les organisations sociales les plus efficaces d'un point de vue économique.
Le libéralisme politique
Le libéralisme politique, expression qui est pour certains libéraux un oxymore, désigne aujourd'hui dans les pays anglo-saxons une tradition politique militant pour la démocratie et le régime constitutionnel, favorable en général aux libertés civiles et à l'économie de marché, mais souvent aussi interventionniste, et qui s'oppose à celle des conservateurs ou des socialistes.
Originellement, le libéralisme politique est le courant de pensée qui est attaché à circonscrire l'action du pouvoir et de l'État, et à définir les rapports de la sphère politique avec l'individu. En général est préconisée la démocratie libérale, que l'on connaît depuis le XIXe siècle dans la plupart des états occidentaux.
Les libéraux les plus radicaux, les anarcho-capitalistes, affirment que la sphère des attributions légitimes du pouvoir politique est vide. Les libéraux plus modérés, les minarchistes, pensent qu'il existe des fonctions légitimes de l'État, qu'ils identifient souvent aux fonctions régaliennes: sécurité, police, justice, défense du territoire.
La plupart des libéraux ne se posent pas ces questions de principes; leur opinion est que le pouvoir politique est bien trop étendu, et s'étend sans cesse. Ils cherchent donc les moyens de restreindre et d'inverser cette expansion de l'État, la question de savoir où on s'arrêtera étant prématurée.
En revanche la dichotomie entre « libéralisme économique » et « libéralisme politique » est considéré parfois comme une formalité : il n'y aurait qu'un seul libéralisme, qui serait anti-étatique, voire anti-politique.
Le libéralisme en toute rigueur n'est ni « à droite », ni « à gauche ». Le diagramme de Nolan montre où se situe le libéralisme dans un espace politique à deux dimensions. Cela n'empêche pas qu'il y a eu et qu'il y a des personnes qui se sentent à la fois libérales et « de gauche » ou « de droite » selon l'importance qu'elles accordent, grosso modo, les unes aux libertés individuelles, les autres au droit à la propriété.
Les libéraux ne se reconnaissent en général pas dans les étiquettes de « néolibéral » ou « ultralibéral » : ils se disent simplement libéral, ou, pour se distinguer du parti libéral local, « libéral classique », ou bien libertarien. Ce dernier terme, importé des États-Unis, s'applique aux libéraux radicaux qui revendiquent les principes du libéralisme, et non à ceux qui partagent le point de vue de la réduction de l'État sans forcément adhérer aux principes philosophiques.
Quelques références bilbiographique sur la notion de liberté, droit, et auteurs historique de la philosophie libérale:
ETHIQUE A NICOMAQUE Aristote
SOMME THEOLOGIQUE Saint Thomas d'Aquin
LETTRE SUR LA TOLERANCE John Locke
LE SECOND TRAITé DU GOUVERNEMENT John Locke
LAISSEZ FAIRE Turgot
DE L'ESPRIT DES LOIS Montesquieu
LES ESSAIS Montaigne
CANDIDE Voltaire
THEORIE DES SENTIMENTS MORAUX Adam Smith
PRINCIPES DE POLITIQUE Benjamin Constant
DE LA DEMOCRATIE EN AMERIQUE Alexis De Tocqueville
ECRITS ET DISCOURS POLITIQUES Alexis De Tocqueville
EGALITE SOCIALE ET LIBERTE POLITIQUE Alexis De Tocqueville
SUR LE PAUPERISME Alexis De Tocqueville
ESSAI SUR LES GARANTIES INDIVIDUELLES Daunou
ESSAI SUR LES LIMITES DE LACTION DE LETAT Wilhelm Von Humboldt
CRITIQUE DE LA RAISON PURE Emmanuel Kant
FONDEMENTS SUR LA METAPHYSIQUE DES MOEURS Emmanuel Kant
CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE Emmanuel Kant
(PAIX PERPETUELLE Emmanuel Kant
LA METAPHYSIQUE DES MOEURS Emmanuel Kant
LE DROIT D'IGNORER L'ETAT Herbert Spencer
OUTRAGE A CHEFS D ETAT Lysander Spooner
NOS VICES NE SONT PAS DES CRIMES Lysander Spooner
LA VERTU D'EGOISME Ayn Rand
DROIT, LEGISLATION ET LIBERTE Friedrich A. Von Hayek
LA ROUTE DE LA SERVITUDE Friedrich A. Hayek
ESSAI SUR LES LIBERTES Raymond Aron
ETUDES POLITIQUES Raymond Aron
ANARCHIE, ETAT ET UTOPIE Robert Nozick
LA CIVILISATION DE PUISSANCE Bertrand De Jouvenel
LA CONNAISSANCE OBJECTIVE Karl Popper
DROIT NATUREL ET HISTOIRE LEO STRAUSS
HISTOIRE DES IDEES POLITIQUES Philippe Nemo
HISTOIRE INTELLECTUELLE DU LIBERALISME Pierre Manent
HISTOIRE DE L'INDIVIDUALISME Alain Laurent
L'ETHIQUE DE LA LIBERTE Murray Rothbard
En résumé:
Le libéralisme c'est d'abord une morale individuelle, ensuite une philosophie de la vie en société dérivée de cette morale, enfin seulement, une doctrine économique qui se déduit logiquement de cette morale et de cette philosophie.
Cette morale repose sur deux concepts-clés:3
* La responsabilité individuelle: être responsable, cela veut dire assumer soi-même les conséquences de ses propres actes.
* La liberté individuelle: la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui; ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits (Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Article 4)
* Les concepts de liberté et de responsabilité ne sont pas indépendants l'un de l'autre. Aucun des deux ne peut exister sans l'autre. En effet, on ne peut être responsable de ses actes que si on est libre de les commettre ou non. Réciproquement, si l'on veut respecter la liberté des autres, il faut assumer soi-même les conséquences de ses propres actes.
Les liens pour plus d'informations:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Liberalisme (grosse partie du texte si dessus)
http://herve.dequengo.free.fr/Mise [...] me_TDM.htm (très bon livre)
http://www.quebecoislibre.org/010707-14.htm
http://fare.tunes.org/articles/lib [...] iberalisme
Message édité par evildeus le 09-12-2004 à 17:34:44