guilgam a écrit :
PAROLE DE FEMME
Nous autres femmes devrions nous réjouir.
Tout récemment, Monsieur Emmanuel Valls, a fait expulser le responsable religieux de la Mosquée Omar, dans le centre de Paris, pour avoir tenu des propos ouvertement hostiles à la république, prôné le djihad violent (je ne sache pas qu'il en soit de pacifique, mais là n'est pas le sujet), proféré des attaques antisémites et préconisé le recours à la violence et aux châtiments corporels contre les femmes.
Oui, nous devrions nous réjouir. Pourtant, en tant que femme, je n'y vois qu'un tapage futile, un emplâtre sur une jambe de bois. Un pis-aller.
Par curiosité, j'ai parcouru les articles de presse relatant cette affaire. Pas un journal, pas un seul, ne tente le début d'une allusion au problème de fond qui sous-tend les éructations de cet imam.
Bien au contraire, cet homme, s'empresse-t-on de minimiser, appartiendrait à la branche minoritaire d'une école rigoriste de prédication et d'éducation religieuse. Le 'tabligh' en question compte tout de même une centaine de lieux de culte en France et il n'est nulle part précisé de combien de 'minbars' (1) d'où marteler ses harangues haineuses dispose le mouvement dans son ensemble.
Je ne sais si le mutisme dont font preuve nos élus et nos journaux depuis des années sur certains aspects du culte musulman tient à leur ignorance du sujet, ou à la bien-pensance qui sans cesse chez nous resserre son étau sur la libre-pensée afin de ménager toujours plus les sensibilités de la non-pensance.
Cette dernière, dans mon esprit, se rapporte moins aux fidèles de l'imam Mohamed Hammami ou aux foules manipulées par des opportunistes religieux, qu'à nos institutions démocratiques incapables d'aller au bout des principes dont elles se recommandent. J'ai peine à croire que notre mollesse ne conforte pas les premiers dans leur frénésie pseudospirituelle dont on voit s'aggraver la tyrannie de jour en jour. Car soyez bien certains que ceux-ci connaissent exactement ce que par tant de contorsions la république, la presse et nos intellectuels veulent éluder.
Ce silence, à mes oreilles, est criant et la loi est aphone.
J'en prends pour exemple celle du 1er juillet 1972 contre le racisme.
L'art. 1, stipule : "Ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux publics, soit par des écrits, dessins ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués auront provoqué à la discrimination, la haine, la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis..." etc.
Or, partant du principe que la femme est une personne, si récent que soit son statut, cinq fois par jour, dans toutes les mosquées du monde, de Paris à New York en passant par la Mecque, la femme est assimilée à la défécation dans le Coran, et par là dans l'esprit du croyant, au cours des ablutions purificatoires précédant la prière.
En dix mots la Sourate V : verset 6 l'énonce crûment "[...] aw ja' ahadun minkum min'al gha'iti aw lamastumu an nisa' " : si l'un de vous revient du lieu où il a fait ses besoins ou si vous avez touché aux femmes... (2)
La juxtaposition est abjecte. Elle est psalmodiée, lue ou réfléchie dans tous les lieux de culte musulman, et pas seulement dans une poignée de zaouïas observant les préceptes du tabligh. Ici, point d'islam radical, d'intégrisme, derrière lesquels on se réfugie pour ne froisser personne, mais le livre de référence lui-même.
Des oulémas progressistes, il y en a, feront l'impasse sur les latrines et opposeront que, faute d'eau, le rituel prévoit une lustration symbolique au sable en cas de maladie ou en voyage.
Ces théologiens n'ignorent pas plus que moi le poids du symbole... et du non-dit. Nulle part, en effet, le Coran ne prescrit à la femme de se purifier similairement des fluides de son mari avant sa prière à elle. L'inférence ne peut être plus claire : la femme pollue (3) l'homme, mais l'inverse n'est pas vrai. Et qu'on ne s'y trompe pas, il s'agit bien ici d'épouses, la prostitution étant condamnée en islam.
Cette juxtaposition est exactement de même nature que celle employée, en leur temps, par la propagande nazie quand elle associait dans une même phrase Juif, 'vermine' et 'rat', ou notre Occident esclavagiste, 'nègre', 'animal' ou 'sous-homme'.
Fort heureusement, la loi du 1er juillet 1972 punit désormais chez nous les propos et les actes antisémites et racistes. Mais en prohibant la discrimination contre les personnes en raison de leur appartenance ou non à une religion donnée, comment comprendre, en tant que femme, en tant que citoyenne d'un pays laïque, qu'au prétexte du sacré elle ignore la flétrissure explicite imprimée cinq fois par jour à près de trois millions de citoyennes musulmanes de France ?
Ceci m'amène à la loi du 9 juillet 2010, oh, combien attendue, relative aux violences faites aux femmes et promulguée en fanfare par le gouvernement de François Fillion.
Pour avoir tenté en vain de joindre le 115, jamais disponible, la Grande Cause nationale de notre ancien Premier ministre semble bien aujourd'hui une cause perdue. Si mes chiffres sont exacts, 21 % des homicides commis en France ont toujours pour victimes des femmes tuées par leur conjoint ou compagnon.
Mais au fond, quel dispositif peut absorber les appels à l'aide de femmes dont une bonne fraction subit des violences par décret prophétique ? Et quelles lois peuvent lutter efficacement contre des prononciations religieuses que personne, ni l'État, ni le législateur, ni nos philosophes, ni même les femmes n'ont le courage de récuser ?
"Les hommes sont supérieurs (4) aux femmes", dit la sourate IV : 38 du Coran (5), "à cause des qualités par lesquelles (leur inventaire, passé sous silence, est sans doute laissé à la fantaisie du croyant) Dieu a élevé ceux-là au-dessus de celles-ci, et parce qu'ils emploient leurs biens pour doter les femmes. Les femmes vertueuses sont obéissantes et soumises. Elles conservent soigneusement durant l'absence de leur mari ce que Dieu a ordonné de conserver intact. Vous réprimanderez celles dont vous aurez à craindre l'obéissance ; vous les reléguerez dans des lits à part, vous les battrez ; mais aussitôt qu'elles vous obéissent, ne leur cherchez point querelle. Dieu est élevé et grand" (!) (6).
Je ne sais si l'on prend l'exacte mesure de ces versets.
Oh, la Bible n'est pas en reste. Il suffit de lire les chapitres 12 et 15 du Lévitique où l'impureté féminine est décortiquée jusqu'à l'absurde. Mais après deux mille ans de misogynie viscérale, l'Église a enfin fait un début de ménage dans ses lamentables préjugés et le Concile Vatican II, en 1965, a confirmé la liberté de la femme et son "égalité foncière avec l'homme". (7)
Aucune rectification de cette nature n'a été demandée à ce jour aux instances islamiques de notre pays.
Ainsi donc, chaque petit musulman de France naît avec le droit coranique de donner des coups, et trouve au sein de sa mère un vague relent de tinette. Bien entendu, tous ne tabassent pas leurs femmes, leurs soeurs, leur mère ou leurs filles. Mais il suffit qu'ils en aient le droit moral. À eux les belles houris et aux femmes les mêmes horions, sauf indulgence masculine.
C'est à la mamelle de ces versets-là que sont nourris les jeunes de nos cités. C'est cet enseignement pris à la lettre qui conditionne les violences contre les jeunes filles des banlieues et de Barbès, les tournantes de représailles contre celles qui veulent juste vivre dans leur temps, la contrainte grandissante du voile, les mariages forcés, le viol conjugal et le mépris latent ou affiché du musulman envers la femme.
Au nom de quoi notre république laïque accorde-t-elle à l'islam de France de se placer au-dessus des lois ? Comment légitimer un privilège qui bafoue sans vergogne l'article 3 du préambule de la Constitution où sont garantis à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ? Si je saisissais, demain, la Cour européenne des droits de l'Homme, dans le meilleur des mondes l'État français devrait répondre de violations des droits fondamentaux de trois millions de Françaises musulmanes et, par éclaboussure, de toutes les femmes de notre pays.
Comme il en fut du voile islamique (8), les musulmanes de France, même malgré elles, méritent le respect de la république et l'application indiscriminée des lois veillant à la protection de leur personne et de leur dignité.
Tant que nos politiques, dans un esprit serein, ne contraindront pas les organes français du culte musulman à retrancher de ces textes le matériel culturel caduc, prétendument frappé du sceau de Dieu, qui les compose et autorise tous les mépris et toutes les violences, les droits de l'Homme dont nous nous prévalons resteront très largement le Droit des hommes.
Si l'État n'a pas le courage d'intervenir sur cette question critique, qu'attendons-nous pour le faire tous et toutes, de toute obédience ou sans autre que celle du bien commun. Qu'attendent les femmes de France pour agir comme une seule. Quel encouragement pour toutes celles qui chez nous n'osent se défendre. Et quel puissant message cela serait non seulement pour les 800 millions de musulmanes de la planète, mais pour les 85 % de la population féminine mondiale qui plie encore sous des usages et des croyances qui ne dégradent qu'elles.
Peut-être qu'alors elles commenceront à revendiquer, non plus au compte-goutte, mais en masse, — et sans libellé ronflant qui sonne bien creux pour elles — leurs droits "d'Individu" tout simplement.
J'espère que cette lettre ouverte sera comprise pour ce qu'elle est, non pas comme un réquisitoire contre l'islam, qui à mes yeux d'athée ne vaut pas moins ni plus qu'une autre religion ; ou contre les musulmans, qui pas plus que les chrétiens dans les siècles passés, n'osent mettre en question des dogmes coulés dans le béton de la coutume et de l'intolérance. C'est bien pourquoi l'État doit être forcé de réagir et d'agir. Ce courrier provoquera peut-être un débat de fond, mais surtout un débat sans haine sur les limites du sacré en démocratie quand il véhicule des valeurs contraires au respect de la dignité humaine, que l'on sait, aujourd'hui, asexuée. 1 Chaire d'une mosquée.
2 Traduction du site islamdefrance.fr. On notera que cette page ne s'adresse qu'aux hommes.
3 "Wa an kuntum junuban' [...]", même verset : Ou si vous êtes pollués par le rapport sexuel [...]. 4 "Kawamoun 'ala annisa'..." : au-dessus des femmes, supérieurs.
5 Ou sourate IV : 34, selon l'édition.
6 Trad. Kasimirski, Ed. GF Flammarion.
7 Pape Paul VI le 8 décembre 1965. Notons que les Évangiles avaient rompu avec l'Ancien Testament sur cette question et ne font aucune mention du "Pécher originel" et de la "chute" d’Ève. Mais l'Eglise avait ignoré ce détail capital.
8 formellement imposé au verset 57 de la 33e sourate : "O Prophète ! Prescris à tes épouse, à tes filles et aux femmes des croyants d'abaisser un voile sur leur visage. Il sera la marque de leur vertu et un frein contre les propos des hommes. Dieu est indulgent et miséricordieux." Idem, Ed. GF Flammarion. Dieu eût été aussi bien inspiré de prescrire aux hommes en même temps que l'observance de sa loi, le respect des femmes, même découvertes. Le voile n'est donc pas, comme certains le prétendent, un attribut religieux, comme par exemple la kippa, mais un insigne à caractère purement sexuel. Un objet d'effacement social.
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