Une vie entière dans l'Arche ?
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Je pense utile de revenir sur un point déjà évoqué et qui sans doute constitue LE frein psychologique profond, que tout terrien normalement constitué opposera de prime abord à l'idée d'une vie dans l'Arche : peut-on sérieusement envisager une existence normale, accomplie sur tous les plans, au sein d'une structure artificielle éloignée de la Terre ? Peut on imaginer y voir se succeder une succession de générations ?
Tout d'abord il faut remarquer que le second point se résout par le premier. Si UNE existence normale peut avoir lieu, alors dix ou plus peuvent se succéder. C'est un point fondamental qui fait qu'au delà d'un siecle (durée d'une vie humaine), la durée ne compte plus de ce point de vue. A l'équilibre et si tout va bien, si aucune frustration ne vient s'accumuler, cent ans sont comme mille et mille comme deux mille.
Le débat se trouve ainsi centré sur l'individu.
Pour aborder ce point central, on va définir quelquechose qu'on pourrait appeller la "bulle individuelle" caractérisée par la "profondeur d'interaction" de l'individu, sur tous les plans essentiels de son existence.
a) Bulle d'espace visuel
Profondeur d'interaction caractérisée par : l'étendue du paysage où porte le regard. Cette bulle a un rayon de 1 à 10 km environ, en fonction du relief. Ce sont les dimensions typique de l'Arche. Concrètement le regard porte suffisemment loin pour ne pas donner l'impression de se sentir à l'étroit où qu'on se trouve.
Au sol, une épaisseur de 1 à 10 m de terre végétale et de roches-mères suffisent.
b) Bulle de circulation physique
Profondeur d'interaction caractérisée par : la surface ou le volume explorable par l'individu.
L'Arche possède des surfaces et des volumes développés considérables.
- volume atmosphérique
- zones climatiques à g = 9.81
- talut equatorial / toundra à g décroissant (la forêt "tête en bas" )
- inter-sol (comprenant des galeries, des places publiques et l'ensemble des voies rapides)
- volume des ballasts
- volume océanique
- gallerie d'inspection intra parois
- volume des sinus thermohallin (échange de chaleur avec l'espace)
- surface épidermique (avec passerelles de circulation et d'inspection)
- disque carburant : glace d'hydrogène, LiH & al.
- moyeu industriel (au moins 1 km3, soit 200 étages de 5 m de haut et de 1km² de surface)
- corolle propulsive
- mât de poupe et de prou
- satellite d'observation en orbites
Certains sont diversifié d'autre plutôt monotone. Mais dans l'ensemble il y a largement de quoi faire de très longues ballades dans des milieux très divers : excursion en terre ferme dans tous type d'écosystème, descente des cours d'eau, vol atmosphérique, baignade ou plongée océanique, ascension en micro gravité dans la végétation, exploration des cavités des ballast, visite des gallerie circulant dans les parois, circulation appareillée dans le fluide à 20 bars des sinus, ballade en scaphandre dans le vide spatial sur les passerelles d'inspection de l'épiderme, mini-trajet spatiaux vers les satellites, activité en microgravité dans le moyeu ou inspection des galeries parcourant le volume de carburant, travail dans la corolle propulsif...
Par rapport à l'estimation de base de 600 km² de surface habitable, la surface développée de milieu circulable est multipliée par 10 (en convertissant les volume en une surface de projection). Cela représente un grand département français (75 x 80 km), en beaucoup plus diversifié, tant au plan visuel que des sensations corporelles.
En outre, on peut imaginer des échanges annuels entre arches, ce qui multiplie ce total par trois.
A mon sens, c'est suffisant.
c) Bulle d'interaction sociale
Profondeur d'interaction caractérisée par : l'effectif et la diversité de la population.
Environ 50 000 habitants. 150 000 pour la flotille. Il s'agit d'un effectif de ville moyenne à grande. Au plan individuel c'est largement suffisant pour saturer les capacité d'interaction mais ça reste un petit monde : c'est peut être un avantage, cf. point suivant.
Nota : l'Arche convoit une diversité humaine maximisée. Toutefois, il faut sans doute imaginer un peuplement essentiellement autochtone. Le peuplement initial, effectuant le trajet Terre-Arche pourrait ne comprendre que 2000 foyers (disons 5000 personnes) formés d'adultes (et de leur progénitures) compétant dans les domaines utiles à la construction puis a l'entretien de la structure et de la propulsion. Soit pour les lignées se succédant dans l'arche une ascendance uniformément "méritocratique" (c-a-d formée de volontaires sélectionné pour leur ultilité sociale dans le cadre du projet). Le temps d'acclimatation et d'équilibration démographique, comprenant la possibilité d'aller retour vers la Terre sera sans doute supérieur au siècle.
d) Bulle d'activités sociales
Profondeur d'interaction caractérisée par : la diversité et l'intensité des activités constituant la raison d'agir au plan collectif des individus.
Il y a 2 pôles physiques : le Moyeu, la Paroi
Au Moyeu : activité industrielle, voire peut être agricole + observation de l'environnement spatial. On inclut dans le pôle Moyeu, l'activité propulsive (mât et corolle). En fait c'est le pôle "en apesanteur".
A la Paroi : surveillance et entretien des écosystèmes de terres fermes et océaniques, surveillance des parois, ensemble des activité politiques et sociales.
Au plan moral, le faible effectif de population est un atout pour développer une démocratie "à l'athénienne" sans corps représentatif au niveau politique. Ce qui démultiplie la richesse d'interaction sociale, l'individu exerçant un pouvoir direct et non médié. En hommage à l'Athènes classique, nommons "Ecclesia" l'organe suprême du pouvoir.
e) Bulle générationnelle
Profondeur d'interaction caractérisée par : la capacité à engendrer.
Une question très délicate serait le contrôle démographique. Voila comment j'imagine la chose dans un cadre démocratique.
Le premier enfant constituerait un droit indiscutable, que chaque femme pourrait concrétiser quand elle le veut, avec simplement le devoir de le déclarer pour permettre la planification démographique. L'extension de la famille à deux enfants ou plus serait ensuite soumis au tirage au sort en fonction de l'impératif d'équilibre formulé par les projection démographique et des voeux à court et long terme formulés par chacune.
Concrêtement chaque année les femmes seraient amenées à déclarer leur "projet d'enfant", un pour l'année (je désire ou pas un enfant pour cette année) et un pour l'ensemble de leur période féconde (en tout, j'aimerais 2, 3, 4... enfants). Ce serait une simple déclaration, révisable sans préavis et non contraignante.
On ferais mouliner tout ça en rapport avec la démographie actuelle, la pyramide des âges souhaitable, la probabilité de réalisation du désir procréateur pour les année n, n+1, n+2..., l'âge du capitaine, toussa et on obtiendrait une projection démographique. On en déduirait un écart à la 'consigne' d'où résulterait un avis en retour, sous la forme d'un tirage au sort. Chaque cohorte de femme (une cohorte est constitué d'individu du même âge) aurait droit à un tirage au sort. Les noms qu'on mettrait dans le chapeau déprendraient du souhait exprimé pour l'année (si c'est je veux un enfant, on met mon nom, sinon non) et chaque nom serait pondéré à proportion du projet parental global déjà réalisé (une femme désirant 3 enfant et n'en n'ayant aucun aurait plus de droit qu'une femme désirant 4 enfant et en ayant déjà 3).
Jusque là, ça va. La question ensuite est : si une femme tombe enceinte alors que le tirage au sort ne lui avait accordé aucun enfant ? Soyons pragmatique, si les souhaits non réalisés dans la cohorte équilibrent ceci tout va bien. La question pourrait prendre un tour plus sensible dans le cas ou l'indiscipline d'une cohorte greverait le droit procréateurs des autres, notamment des plus jeune. Au pire on peut imaginer une sanction pénale, mais je pense que comme toute contrainte sociale qui a pour origine une nécessité bien compréhensible (la stabilité et l'harmonie sociale) l'éducation suffirait à ce que les choses se passent dans l'ordre.
Il ne s'agit que de suputations visant à l'optimum. Ce point de régulation crucial reste de toute façon du ressort souverain de l'Ecclesia et peut donc changer au gré des mentalités.
En cas de crise gravissime, comme déjà mentionné, un accord inaliénable minimal devrait lier les arches de la flotille : accueil de l'ensemble des individus suivit de stabilisation démographique.
f) Bulle spirituelle
Profondeur d'interaction caractérisée par : l'intensité et la diversité de la vie spirituelle entendue comme l'ensemble des activités mobilisant la cognition.
Chaque Arche embarquerait l'ensemble de la mémoire terrestre. En ordre de grandeur, cela devrait représenter qqchose comme 1e20 octets a savoir l'ensemble de ce qui est actuellemennt inscrit sur les supports papier, magnétiques ou optiques, avec ou sans répétition, partout et dans toutes les langues. D'ici qq siècles - ou qq dizaines de siècle - a l'heure d'embarquer, on peut imaginer que ces 1e20 octets augmenté d'une énorme quantité d'information neuves seront quasi sans redondance.
Le lien radio terrestre sera évidemment maintenu à plein canaux.
Voilà pour le Passé.
Les archonautes vivant une situation moralement neuve, dans le vécu comme dans les buts à long terme devraient développer une mentalité originale. La nécessité de s'entendre venant en premier plan.
L'existence de deux pôles physique et d'activité pourrait engendrer son équivallent spirituel. Disons pour simplifier un pôle Mâle, de gravité nulle, rectiligne, externe, tendu vers le but, mobilisant une énergie considérable, correspondant au Moyeu et un pôle Femelle, de gravité g, circulaire, interne, s'occupant du quotidien, mobilisant peu d'énergie, correspondant à la Paroi. Symptomatiquement (à ce qui me semble), ce fil c'est ordonné autours de l'intervention de Lambda, motoriste et de la mienne, centré sur la structure. Bien entendu, il s'agit là simplement d'une reflexion amusée, qui veut juste donner à voir ce autours de quoi pourrait se structuer une philosophie "archienne" en partant d'archaïsme terrestre.
Voilà pour le Présent.
L'objectif colonial va nécessiter une reflexion approfondie de ce qui devra se faire une fois arrivé à destination.
Bien sûr, le "qui fait quoi" devrait déjà occuper les esprits. J'imagine une autre réflexion pour laquelle j'avoue manquer d'élément de jugement.
De deux choses l'une : ou la planète objectif est mûre pour un peuplement, où elle nécessite une longue terraformation.
A la première occurence est associé une probabilité faible, a priori. Le siècle a venir devrait nous apporter beaucoup. Mais a priori faible disons. Donc il faut prévoire plutôt une terraformation, ce qui repésente qqchose d'assez énorme. Mais a l'ampleur de la tâche, vient s'ajouter un réel problème éthique. Qui se pose dans n'importe quel cas où la planète objectif n'est pas dépourvue de vie : que faire de la vie autochtone ?
Bien entendu, je n'imagine pas de coloniser une planètre peuplé d'êtres moralement équivallent à l'être humain. C'est d'ailleurs une cible très improbable. Mais, si la planète est mûre pour recevoir une forme de vie basée sur la chimie du carbone, alors sans aucun doute c'est déjà développé à sa surface une vie originale sans solution de continuité avec la vie de la planète Terre. L'idée de stériliser une biosphère apparait pour le moins monstrueux. Dès lors il faut imaginer vivre pleinement au sein d'un écosystème double. Vaste débat.
Voilà pour le Futur.
Message édité par Gilgamesh d'Uruk le 09-09-2010 à 01:22:25