Tiens, puisque j'y pense, aussi. Si y'a des gens qui ont des plans pour les albums Karmic ou le maxi Telescope, je suis preneur. Et puisque vous m'êtes sympathiques, voilà également l'article que j'ai écrit l'année dernière. Le magazine s'appelle Tsunami, ça se passe à Nice. Enjoy !
NADA SURF
Tel le prophète prêchant dans le désert, j'ai longtemps vociféré à qui voulait l'entendre que Nada Surf était un grand groupe de rock. Déclamations recevant généralement en retour moult railleries des hérétiques restés scotchés sur Popular, incapables qu'ils sont d'avoir écouté ne serait-ce que l'intégralité de High/Low, premier album dont l'honni single avait été extrait. Car le plus grand tort de Nada Surf en 1996 aura été d'avoir eu un succès immédiat et interplanétaire, succès qui plus est entièrement dû à leur seul talent puisque la puissance se dégageant de cet unique "hit single" vaut tous les matraquages du monde sans lequel bon nombre d'"artistes" d'aujourd'hui ne seraient pourtant rien. Et ce qui devait arriver arriva, estimant qu'il n'y avait pas lieu de transformer l'essai, les commerciaux se sont laissés porter par l'ouragan Popular et aucun autre single du groupe ne verra le jour en France. Il y a bien eu Firecracker en 1998, qu'on a essayé de diffuser sur les ondes moribondes de feu Fun Radio (à l'époque où celle-ci faisait ses choux gras avec les mêmes riffs qui aujourd'hui terroriserait sa nouvelle audience) pour annoncer la sortie de Proximity Effect, leur deuxième (et meilleur) album, mais le temps ne sera plus au rock et celui-ci passera joyeusement à la trappe du box-office. Nada Surf passera pas mal de temps à flotter dans ces limbes, plombés de surcroît par une féroce bataille qui les opposait à Elektra, leur label de l'époque qui suite au four Européen avait décidé de ne pas sortir Proximity Effect aux Etats-Unis. Le groupe aurait logiquement dû être lessivé par les tournées US incessantes, la bataille du barreau et la création de leur propre structure pour faire vivre leur musique et alors qu'on les imaginait dériver péniblement façon radeau de la méduse, les revoilà en 2002 accoster les côtes françaises avec un navire de guerre à la puissance de feu insoupçonnée. L'USS Nada Surf débarque avec Let go sous le bras et un label tout frais à leur côté (Labels) qui se chargera de leur fournir une juste distribution. La suite, vous la connaissez, la presse musicale s'empare du troisième album des new-yorkais et le porte au pinacle de la respectabilité musicale ; on ne parlera bientôt plus que de ça et de l'excellence de ces nouvelles compos résolument plus sages qui leur ouvrira les portes d'un retour en grâce inespéré. Et même si l'amertume est sévère pour le fan de la première heure qui doit se taper des pâmoisons réchauffées des mêmes personnes qui crachaient sur Popular (avant de s'extasier sur un ex-mésestimé Proximity Effect réédité chez Labels la version d'époque étant sortie sur Elektra, Dieu reconnaîtra les siens, les gars), le bonheur est bien là de voir enfin ce groupe talentueux trôner à sa véritable place : au sommet. Le parcours de Nada Surf est tellement atypique que celui-ci mériterait à lui seul qu'on lui consacre une biographie (on y travaille, patience) mais en attendant, 2003 aura été l'année des tournées répétés et des festivals estivaux, comme par exemple Solidays où nous avons retrouvé Daniel et Ira pour une interview en anglais dans le texte (nous savons tous que Matthew et Daniel sont parfaitement francophones, mais j'ai voulu profiter des propos de Ira, et je ne le regrette pas).
Depuis la sortie de Let go, on vous revoit dans les médias, sur scène, c'est une sorte de retour. Comment le vivez-vous ?
Ira : C'est génial. Génial de pouvoir retravailler. Ca faisait un moment qu'on avait pas grand chose à faire, ça commençait à m'inquiéter, et du jour au lendemain, on est passés de 0 à 100. C'est vraiment bien, nous sommes dans une période très productive, peut-être même encore plus que lorsque Popular était populaire
Nous avons un plus grand public encore.
Daniel : On a vraiment galéré pendant un moment, mais ce n'était vraiment pas par choix. On se faisait chier à attendre parce qu'il était inconcevable pour nous de faire un troisième album sans pouvoir sortir correctement le deuxième aux Etats-Unis. On s'est bagarrés pendant presque deux ans et demi et maintenant ça marche. On s'attendait, on espérait en tout cas, que ça se passerait bien, mais ça a dépassé de loin nos espérances. On n'a jamais fait autant de concerts, peut-être 250 en un an et demi, et tous pleins à craquer. C'est gratifiant de constater que les gens se souviennent de nous et qu'ils viennent nous voir.
Let go a connu un accueil très chaleureux en France. Avez-vous eu ce même genre d'accueil ailleurs dans le monde ? En Europe ?
Oui, c'est à peu près pareil dans les autres pays. Mais par exemple, il y a certains pays comme en Espagne - je suis également espagnol - où il ne se passe absolument rien, tout simplement parce que notre maison là-bas est vraiment nulle. Il y a des limogeages chez eux et du coup, ils se concentrent seulement sur les grosses sorties du genre Lenny Kravitz. Au final, nous avons été victimes de ça, on n'a pas fait la moindre presse, radio, rien
C'est comme aux Etats-Unis où ne vend pas énormément de disques, mais juste assez pour pouvoir tourner, continuer d'exister, et pour une fois, nous avons eu une bonne presse en Angleterre. On a des eu des supers articles dans Mojo, NME, ça s'est très bien passé avec eux et ça nous a aidé en Amérique, parce qu'ils font toujours très attention aux critiques anglais. Mais c'est vrai qu'en France, il y a truc spécial, peut-être déjà le fait que nous parlions Français, Matthew et moi. Ira, est-ce que tu sais ce qui nous fait bien marcher en France ?
Ira : Bien sûr que je le sais, c'est moi ! (rires). C'est vrai que le fait que vous soyez parfaitement bilingues doit jouer pour beaucoup. Quel autre groupe américain parle aussi bien le français ?
Interpol
Ils parlent Français ? C'est bien que je dis, tu vois comme ils sont gros maintenant ? Non, Interpol est devenu gros un peu partout parce que c'est Interpol, merde ! Ils sont bons. Mais si Nada Surf a pu survivre si longtemps dans le cur des Français, c'est en bonne partie grâce à votre aptitude à parler la langue. Si on ne parlait qu'anglais, ça ne serait pas passé comme ça. Tu sais quoi, Daniel, tu vas apprendre le japonais et moi je me mets à l'allemand et on va faire un carton partout où on va passer.
Parlez-moi un peu de la reprise de l'Aventurier d'Indochine
Comment avez-vous eu cette idée ?
On est potes avec Benjamin Biolay, il avait déjà écrit des parties de cordes pour nous et nous avions des amis en commun. On s'est toujours dit qu'on travaillerait un jour ensemble et finalement est arrivée une idée de faire de reprises. On avait essayé La décadence de Serge Gainsbourg accompagnés de sa sur, Coralie Clément et pour Indochine, c'est Benjamin qui a proposé. On ne connaissait pas le morceau, on a dû l'apprendre en 10 minutes et au cumul, apprentissage, ré-orchestration et enregistrement, ça a dû prendre deux ou trois heures, pas plus. Là non plus, on ne s'attendait pas à ce que ça sorte en single et que ça tourne autant à la radio. Ca a été une surprise de plus
On l'a joué assez tard sur scène et la première fois, la réaction du public a été monumentale, on aurait dit les Ramones qui rejouait Indochine, moi je me prenais trop pour Dee Dee.
A propos des Ramones, quoi de neuf à New York en ce moment ?
Ira : New York, c'est mort. C'est fini, c'est devenu complètement conservateur, il n'y a rien de plus chiant que Manhattan. Tout ce qui se passe là-bas maintenant, c'est à Brooklyn. C'est là-bas que se trouve le vivier de gens créatifs qui font un peu vivre la culture dans cette ville. Il y a 15/20 ans, New York était une ville de dingues où tout pouvait arriver et où tout arrivait, tout ça c'est terminé maintenant.
Daniel : Aujourd'hui, tu te prends une amende si tu joues de la guitare sèche à Central Park
Tu te rends compte de ce que ça veut dire ? Il y a des gens qui se prennent des PVs parce qu'il se sont assis sur les escaliers de leur maison. Mais tout le pays est parti dans un délire fasciste, c'est horrible en ce moment. Moi j'habite plus là-bas, c'est fini, je vais sûrement retourner en Espagne. Mais il est hors de question que je continue à payer des impôts pour ce putain de gouvernement américain.
Après Benjamin Biolay, y-a t'il d'autres personnes avec lesquelles vous aimeriez travailler ?
C'est clair que nous allons déjà retravailler avec lui. D'ailleurs, je fais des churs dans certains morceaux de son prochain album.
Ira : Nous avons rencontré pas mal de monde dans le passé et ce serait vraiment intéressant d'essayer de travailler avec eux à l'avenir. Par exemple, le clavier d'Echoboy - dont le nom m'échappe - est un mec génial, il joue de l'orgue Hammond comme personne et tout ce qu'il joue sonne trop bien. Il y a bien sûr Benjamin ou Ed Harcourt qui sont des gens avec qui on aimerait sûrement bosser. Nous avons des amis très talentueux, bien plus que nous ne le serons jamais. Quand nous ferons le prochain album, on leur passera des coups de fils et on verra bien
A propos de ce nouvel album, où en êtes-vous à l'heure actuelle ? Avez-vous déjà composé quelques chansons ?
Nous avons toujours eu un problème avec le fait d'écrire lorsque nous sommes en tournée. Il y en a qui composent leurs albums sur la route, mais pas nous. Parfois Matthew se pose au fond du bus avec un quatre-pistes et gratouille un peu sa guitare. On essaye mais c'est difficile, surtout si on est constamment interrompus pour faire des interviews. On serait peut-être en train d'écrire des nouvelles chansons et au lieu de ça on est obligés de répondre à vos question (rires). Vous pourriez au moins nous donner des idées
Je sais pas, faites du punk
Daniel : Mais on est un groupe de punk, prends Blonde on blonde), c'est du punk
Ira : Ouais, enfin, c'est du punk très calme quand même
(NDLR : Blonde on blonde, c'est une magnifique ballade sur Let go, mais c'est en effet très calme)
Daniel : Attends, on accélère le rythme, on met de la disto à fond et on gueule les paroles et c'est du punk
Let go marque un tournant plus sage dans votre discographie, comment voyez-vous le prochain ?
Ira : Je n'en ai aucune idée.
Daniel : En gros, on va se recopier l'album des Queens of the Stone Age, mais on va juste changer les accords, ça se verra pas, en plus Matthew peut pas chanter aussi haut
Mais sérieusement, on n'en sait rien. Nous allons suivre l'inspiration et nous laisser guider par les compositions. Il n'y a pas de plan pré-établi et c'est ça la beauté de la chose ; plus particulièrement sur ce troisième album où tout s'est vraiment mis en place de la façon la plus naturelle qui soit.
Ira : La seule chose que je peux faire en tant que batteur, c'est de me poser des limites saines pour ne pas trop m'éparpiller. Je me dis que je vais faire ça, ça et ça, mais pas ça, parce que ça ne cadrerait pas avec le feeling des autres. Maintenant, la seule chose qui m'importe vraiment, c'est de casser ma routine pour ne pas m'encroûter. Mais pour l'écriture d'un album, la seule règle, c'est de suivre la volonté propre des chansons en étant ouvert sur ce qu'il se passe autour de toi, ton état d'esprit, tout ça
Ne pas brider sa nature. C'est le plus important. Si je me sens plus agressif, cet album sera plus agressif
On ne laisse aucune possibilité de côté. Il se pourrait qu'il soit à la fois plus calme et plus agressif que le dernier album.
C'est quand même agréable de faire une interview en anglais, quand Ira participe, il enrichit la conversation
Daniel : T'as vu ? Il parle bien en fait, et en plus il fait de très bons massages, on est très contents de l'avoir dans le groupe (rire général et vannes en vrac).
Dernière question, est-ce que vous allez attaquer Avril Lavigne pour avoir appelé son album comme le vôtre ?
Ira : Non, au contraire, mais ça va nous faire une bonne excuse pour l'aborder la prochaine fois genre "hé, t'as vu, on a le même nom d'album".
Daniel : La seule différence avec elle, c'est que nous, nous avons réellement écrit notre album, ce titre tombait sous le sens pour nous.
Ira : Mais avoue que c'est une bonne technique pour rencontrer des belles filles. D'ailleurs, le prochain album, on va peut-être l'appeler Cameron Diaz, on aura peut-être une chance de la rencontrer. Nada Surf : Cameron Diaz, ça ferait un super titre d'album, ça
Laissons Ira dans ses délires étoilés et revenons à la réalité. Let go est un excellent album, au même titre que les deux premières livraisons studio du combo new-yorkais, mais leur point le plus fort est sans hésitation leur simplicité et leur humanité ; à l'image d'un Daniel qui, en plein concert, se propose de rencontrer les fans plus tard dans les allées du festival histoire de deviser deux minutes une bière à la main. Et c'est les mains dans les poches et enregistreur coupé que nous terminerons cette rencontre dans les allées de Solidays. En se laissant aller naturellement, quoi