Infi888 Intermittent des forums | Désolé, ça va être long et chiant. Et puis ça risque aussi d'être lourd mais pour ça vous êtes habitués
PS : je ferais peut être quelques modifications, même si je ne me sens plus le courages d'y retourner.
Bonne chance à tous.
Sujet <n°7> - <Infi888> a écrit :
Passé-présent
Le paysage qui s'offre à mon regard, éveille de douloureuses pointes de nostalgie dans mon coeur. Derrière la petite route départementale qui court le long de la rivière, s'étends la demeure de mon enfance. Délimitée par un petit muret en pierre et par quelques buissons sauvages, elle porte les stigmates du temps et de l'abandon. Je reconnais toutefois les contours caractéristiques du batiment qui s'étale entre les arbres. Il a vu naitre bon nombre des miens lorsque ma famille y vivait encore et je ne peux m'empécher de ressentir l'amer culpabilité d'avoir renié la tradition en quittant ce foyer pour faire fortune en ville. Pourtant si je sais que tout cela fut nécessaire, je n'en conçois pas moins ce voyage comme un retour aux sources, un moyen de racheter une faute qui m'a pèse de longues années.
Alors que mes jambes me portent plus près encore de mon objectif, les senteurs si caractéristiques du lieu évoquent en moi mille souvenirs qui ne demandaient qu'à éclore dans un concert de sensations et de sentiments. La lavande qui jalonne par touffe la route, me chatouille les narines de ses éffluves entetantes. Sans efforts, le vent finit de me pousser à quelques pas seulement de l'entrée : c'est le passé qui prend possession de ma volontée.
Cette grille je la connais
Je me rappelle lorsque enfant, je faisais courir mes doigts sur sa surface afin den effeuiller la peinture. Un jour, javais même tenté den ôter toute trace, pour en dévoiler un métal que jespérais précieux. Ma mère mavait retrouvé là, patiemment planté devant ce monceau de ferraille, les cheveux et les vêtements couvert dune fine pellicule blanche, concentré et ne ménageant pas ma peine pour dévoiler aux yeux de tous les richesses que jescomptais.
A lépoque, mes parents nétaient pas riches et malgré tout leurs efforts pour sauver les apparences dans le village, notre petite propriété plantée dans les hautes collines et ombragée par des nombreux arbres et buissons, perdait peu à peu sa prestance à travers un délabrement léger mais continu. Mon père avait beau passer ses week-end à rafistoler à droite et à gauche les principales avaries, la pluie, le vent et tout simplement le temps faisait plus à laffaire quil nétait possible de lutter. Alors années après année, les herbes folles gagnaient du terrain sur le petit chemin qui menait à notre demeure, et je voyais mon environnement prendre les allures de petite forêt que jimaginais tropicale et remplie de danger. Si nous avions été seuls sur cette terre, cette situation ne maurait pas dérangée le moins du monde : Jadorais me glisser dans lherbe, sentir le feuillages des arbustes me chatouiller les cheveux et les branches sagripper à mes vêtement comme autant de mains indigènes quémandant richesse à l'aventurier aureolé de gloire que je représentais. Je me rêvais explorateur et inventais de multiples aventures pleines daction et de chasse au trésor. Malheureusement les enfant des voisins, reprenant les paroles humiliantes de leur parents, passaient leur temps à se moquer de notre pauvreté et à jeter les choses les plus innommables dans notre propriété. Je souffrais beaucoup de cette hargne stupide et aveugle qui me rendait solitaire et renfermé. Mes parents subissaient aussi ce genre de moqueries, mais jétais alors trop jeune pour men rendre compte, ce qui aggravait la solitude que je pouvais éprouver. Le rêve et limaginaire étaient à l époque mes seuls asiles.
Les souvenirs finissent par glisser le long de ma conscience au moment ou je pousse les deux battants de la grille dans un long grincement qui déchire l'air. Métant remis en marche je goutte le plaisir simple de fouler à nouveau le chemin de gravillons qui mène à lentrée. Rien nest comparable au bruit des pierres qui roulent et sentrechoquent lorsque le poids du corps y met du sien. On a presque limpression dune certaine tendresse malgré la rugosité de cette surface minérale. Cette sensation vaut bien à mes yeux celles de lherbe verte et tendre qui ploie lorsquon sy couche.
Peu à peu alors que je repousse quelques fougères intrépides, et que la frondaison fait place à un soleil éclatant, je distingue les premiers détails de la maison où jai passé toute mon enfance.
Si je la voyais plus grande, elle garde malgré labandon, une majesté inattaquable que ni leffritement des murs ni les trous dans la toiture narrive à tromper. Sa face est couverte de lierre et je distingue ici et là de nombreux nids où les oiseaux passent lhivers. Malgré leffondrement de la dépendance, je nai aucun mal à juxtaposer ce quelle est à ce quelle fut. Et cest avec un soupir de satisfaction que je revois mes parents déjeuner sur la terrasse en me jetant des coups dil emplies dune tendresse qui me manque effroyablement depuis leur disparition.
Ils avaient lhabitude de disposer la table de biais près de la porte principale afin de bénéficier, à la faveur du temps, dune zone chaude mais ombragée grâce aux arbres qui bordent lallée. Les repas que lon y faisait avaient beau être souvent frugales, ma mère y mettait tellement damour et dingéniosité que chaque bouchée nous émerveillait de sa saveur, mon père et moi. Une larme de nostalgie chargée de tristesse se mis à rouler le long de ma joue lorsque je les revus me prendre dans leur bras. Ils saimaient et maimaient tellement fort que je sens encore mon cur se serrer lorsque je pense à leur regard qui se tournait vers moi, leur bras tendus cherchant à mattirer dans leur plus tendre refuge.
Chassant dun revers de manche les larmes qui saccumulaient à mes yeux, je finis par arriver au pied de lédifice. Je navais pas lintention dy pénétrer après les avertissements très stricts et clairs de larchitecte, mais je voulais ardemment poser mes mains sur le bois de la porte dentrée afin de sentir son grain, comme si elle allait me fournir un peu de son inépuisable sérénité. Mon père en était particulièrement fier et il clamait haut et fort que si la maison devait sécrouler, la porte, intacte, couvrirait probablement les ruines comme une cerise sur un gateau. Et il avait raison. Malgré les nombreuses griffures infligées certainement par des animaux sauvages, aucune trace de vers ou de moisissure ne venait porter atteinte à lintégrité de cette oeuvre. Un petit coup de ponçage et de vernie suffirait à lui redonner tout son éclat dantan et je songeais sérieusement à être celui qui procéderait personnellement à cette rénovation. Il avait fallu plusieurs mois à mon père pour trouver un tronc suffisamment sain et fort pour supporter la coupe et le traitement quil comptait lui faire subir et un mois supplémentaire pour la réalisation elle même. Encore aujourdhui je ne sais vraiment pas comment il a réussit un tel prodige mais la porte est encore là pour prouver a quel point il était doué
A quelques centimètres en dessous de la poignée, à lombre dun des nombreux ornements sculptés, se trouve, un détail auquel je tiens tout particulièrement car il représente un véritable changement dans mon enfance, dont aujourdhui encore je bénéficie des bienfaits. Mon père tenait à cette porte comme à la prunelle de ces yeux. Une fois où je lavais cognée particulièrement fort en voulant rejoindre le jardin, lieu de mes pérégrinations, il avait abandonné toute occupation séance tenante pour accourir de la cuisine et constater les dégâts, cest à dire aucun, et me tancer vivement pour mon empressement. Appliquer ma marque sur un des panneaux de bois représentait donc pour moi, le summum du courage et de lintrépidité, même si ne sachant pas quoi y inscrire je préférais trouver une occasion plus « spéciale » pour me lancer. La peur dune punition particulièrement pénible y était sûrement aussi pour beaucoup.
Pour autant, cette occasion me fut donnée en 1937 quelques mois après que nos voisins les plus proches durent quitter la région afin de permettre au chef de famille de sacquitter de son rôle de professeur dans une autre ville. Le départ avait du être prévu de longue date, car lacquéreur suivant ne mit pas longtemps à se faire connaître. Quand je dis connaître, cest un bien grand mot. Mes parents ne goûtaient pas vraiment la compagnie de leurs contemporains si bien que ce nest quaprès quelques jours que nous nous rendîmes comptes du changement. Il fallut encore une bonne semaine pour que rencontrâmes ceux qui avaient fait lacquisition du beau domaine qui jouxtait le notre. Il sagissait dun couple dage moyen versés dans lart et la littérature qui avaient finis par sexiler dans ce petit coin perdu pour retrouver le calme nécessaire à la pratique de leur activité respective. Leurs récents succès les avait pourvu dun joli pécule quils avaient investis dans la maison des Legrand, nos précédents voisin. Leur modernité fit forte impression à mes parents et eux, qui restaient si souvent seuls, reclus chez eux, finirent par passer de plus en plus de temps en leur compagnie. Leur fille alitée et souffrante depuis leur arrivée manquait encore à lappel. Mais jallais rapidement faire sa connaissance.
Retour en 1958 : un rapide coup dil, vers la marre aujourdhui presque asséchée qui saligne au bout du jardin, et au saule pleureur qui sy épanche, finit par me faire plonger plus profondément encore dans mes souvenirs.
Lorsque jétais jeune, jadorais me glisser à lombre des grandes et tombantes ramures de son feuillage pour y chercher une cachette propice à mes aventures. De là, je voyais une bonne partie du jardin, car mon père, appréciant de sy coucher, faisait un effort tout particulier pour garder le coin propre et soigné. Il sagissait de ma retraite et bien immobile dans la verdure, ma silhouette se confondait presque parfaitement avec larbre. Jaimais la sensation de pouvoir voir sans être vu, je me sentais en sécurité et protégé
Du moins jusquau jour du grand événement.
D'une certaine façon, dont je ne me suis rendu compte que bien plus tard, je pense que cet arbre était certainement ce que je considérais comme mon seul ami. Il m'écoutait patiemment lorsque je lui racontais mes problèmes et ne me jugeais pas sur l'état de mes chaussures ou pantalons. Tel le lichen nous formions un organisme symbiotique. Il me procurait l'asile et je lui offrais mon indéflectible attachement.
Par une douce après midi de pringtemps, il avait plut quelques heures avant que je ne sois autorisé à sortir, si bien que le soleil miroitait en chaque goutte que la végétation avait accumulée. Tout scintillait dans un vert éclatant et profond agrémenté dun concert de chants doiseaux et de criquets. Les odeurs étaient décuplées et enbaumaient la totalité du jardin d'effluves subtiles et épicées. Tout respirait la vie et une forme de gaitée naturelle qui se propageait dans mon corps en de longs frissons de plaisir. Jétais aux anges et je profitais de loccasion pour courir en tout sens et sentir la fraîcheur pénétrer mon corps de sa douceur. Je décidais alors de voir quel effet tout ceci avait sous le saule.
Féerique est un terme encore trop fade. On aurait dit une cascade détoile tombant du ciel en une pluie de lumière. Les quelques insectes qui voletaient en tout sens comme de petites fées, mêlaient encore plus de magie à lensemble du tableau. Les couleurs prenaient des teintes inimaginables, parfois en ondulant dans le vent en de longue trainées lumineuses ou sous forme de petite pointe de couleur scintillantes. Je laissais alors mon corps goûter à lincroyable émerveillement de ce spectacle. Si Dieu existe je crus le voir parmis les éclats innombrables que me jetaient les branchages du saule pleureur. Bien que pris dune intense satisfaction contemplative, je finis par entendre un léger bruissement dans les feuillages de mon univers. Intrigué de ne pas y reconnaître le déplacement dun oiseau ou dun mammifère, je tournais la tête dans lespoir dapercevoir la source de cette perturbation. Alors que mes yeux étaient encore éblouis par une telle clarté, je vis se détacher une silhouette légèrement moins brillante.
Lapparition, de petite taille, flottait au cur de la verdure, se frayant un chemin en ondulant tel un voile dans le vent. Le tout était empreint dune grâce sans comparaison et je restais bouche bée, les yeux écarquillés. A mesure de son avancé, la forme prenait corps et consistance, troquant son essence vaporeuse pour une robe scintillante mêlant des tons pastel dun goût raffiné et la légèreté dune plume volant au vent. Ca et là, quelques goutes de pluies s'attachaient à former de multiples et excises parrures. A mesure que mes yeux saccommodaient, je vis apparaître les traits dune jeune fille dune grande beauté. Ses longs cheveux noirs, cascadaient en une rivière donyx aux reflets argentés, sur des épaules fines et délicates. Son nez, léger et fin, soulignait un bouche charnue et pleine, dont la rougeur contrastait du plus bel effet avec sa peau blanche et laiteuse. Ses yeux, dun vert émeraude irisé dor exprimaient une telle intelligence et finesse d'esprit que je restais perdu dans leurs reflets comme happé par la profondeur de ce qu'ils exprimaient. Elle sapprocha encore de moi et me déposa un baiser sur le nez sans un mot, me laissant totalement abasourdis et désemparé, avant de disparaître comme elle était venu.
Il me fallut un bon bout de temps avant de ne retrouver quun semblant de mobilité. Avais je bien vu ce qui m'était arrivé ? N'était ce pas un mirage que ma solitude aurait généré ? Non, aucun rêve ne pouvait égaler un tel tableau et provoquer les émois dont j'étais la victime. A l'évidence, jétais tombé amoureux dune vision à lâge de 14 ans et je savais au plus profond de moi que nous étions dune certaines façon accordés lun à lautre. Le soir même, pendant que mes parents dormaient, je me glissais hors du lit, allais subtiliser un couteau dans la cuisine et gravais pour léternité sur la porte dentrée une cur moucheté détoiles en hommage à cette apparition qui allait devenir 6 ans plus tard ma femme : c'est à dire Elodie, la fille des voisins. Je ne sais toujours pas pourquoi elle me choisit moi, je nétais ni particulièrement beau ni particulièrement intelligent. Peut être était ce tout simplement quelle aussi avait la faculté de rêver et quelle trouvait en moi un compagnon de songes ?
Mais ceci est le passé et aussi doux soit il, je sens quil me faut revenir à la réalité. Je jette donc un coup dil en arrière, cherchant des yeux celle qui a remplit ma vie de tout ce quon peut souhaiter. Élodie, est resté prêt de la grille et me jette un sourire qui me transporte dune joie intemporelle, et sans borne. Chacun deux à plus fait pour mon bonheur que toute largent que jai pu gagner, et dieu sait quaujourdhui mes richesses sont nombreuses. Pour ceci et pour le toute le reste, quelle soit mille fois remerciée et chérie.
Je me retourne alors vers la maison de mon enfance et lui jète un regard amusé et serein, oui jai bien fait découter Elodie, rénover cette endroit sera la marque indélébile de notre attachement commun, dhier jusquà demain. Certains lieux on ainsi la capacité de marier passé et futur sans se noyer ni dans lun ni dans lautre. Je suis heureux davoir vécu dans lun deux et de perpétuer le travail de ma famille aujourdhui éteinte. La vie ne fait que commencer.
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