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BRUXELLES (AFP) - Quatre ans après le scandale qui avait conduit à la démission collective de la Commission européenne, l'ex-Premier ministre français Edith Cresson a été rattrapée par la justice belge qui vient de l'inculper notamment de "faux en écriture, usage de faux et prise illégale d'intérêt".
Mme Cresson, poursuivie pour des faits remontant à l'époque où elle était commissaire européen, entre 1995 et 1999, a reçu la semaine dernière une lettre recommandée du juge d'instruction Jean-Claude Van Espen lui notifiant les chefs d'inculpation retenus contre elle, a indiqué mardi le porte-parole du parquet de Bruxelles, Jos Colpin.
"Quelques collaborateurs" de Mme Cresson ont été inculpés pour les mêmes motifs, a-t-il ajouté. Certains d'entre eux ont en outre été inculpés de "corruption", a précisé le porte-parole.
Ayant reçu la notification de son inculpation, Mme Cresson peut désormais avoir accès au dossier et préparer ainsi sa défense, a souligné M. Colpin. Le dossier a été transmis à la section financière du parquet de Bruxelles, qui pourra "éventuellement demander le renvoi de Mme Cresson et de ses collaborateurs devant le tribunal correctionnel", a-t-il ajouté.
Mme Cresson avait une nouvelle fois réfuté en janvier dernier les accusations portées contre elle.
"Je ne vois pas très bien ce que l'on peut me reprocher", avait-elle dit au journal français Le Figaro, en ajoutant qu'elle avait demandé au président Jacques Chirac "la protection de la République".
Mme Cresson faisait l'objet d'une enquête de la justice belge dans le cadre d'une plainte déposée début 1999 par l'eurodéputée belge Nelly Maes. Cette plainte avait été jugée recevable dans la mesure où les faits reprochés à Mme Cresson ont été commis en Belgique.
Mme Cresson, qui était commissaire à l'Education et à la Recherche, est notamment soupçonnée d'avoir fait bénéficier d'un emploi de complaisance en 1996 et 1997 un ami proche, son ancien dentiste René Berthelot, décédé depuis.
Edith Cresson avait été, de mai 1991 à avril 1992, Premier ministre du président français François Mitterrand.
La plainte de l'eurodéputée belge contre Mme Cresson concernait le cas de René Berthelot mais aussi des fraudes supposées liées à la gestion du programme européen de formation professionnelle Leonardo.
Le montant global des salaires fictifs versés à René Berthelot avait été estimé à quelque 150.000 euros.
A la suite cette plainte, la Commission européenne avait levé en février 2000 l'immunité dont bénéficiait Mme Cresson, à la demande du juge d'instruction bruxellois qui désirait l'entendre comme témoin.
L'affaire Cresson avait déstabilisé la Commission dirigée par le Luxembourgeois Jacques Santer, qui avait été finalement contrainte à la démission collective en mars 1999 par le Parlement européen.
Dans le cadre de sa propre enquête, la Commission européenne a demandé en janvier dernier à Mme Cresson de lui fournir des explications "en réponse aux allégations selon lesquelles elle aurait violé ses obligations pendant son mandat de commissaire".
Selon un porte-parole de la Commission, la lettre demandant ces explications n'a toutefois été adressée que la semaine dernière à Mme Cresson, qui a désormais deux mois pour y répondre. Si les explications de Mme Cresson sont jugées insatisfaisantes, la Cour européenne de justice (CEJ) pourrait être saisie. Celle-ci aurait alors la possibilité de lui supprimer sa retraite de commissaire européen, soit "quelques milliers d'euros" par mois, selon le porte-parole de la Commission.
Dans le cadre de la même affaire, la Commission a engagé contre huit fonctionnaires européens des procédures, qui se poursuivent pour sept d'entre eux, le huitième ayant été blanchi.
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