Citation :
Cet article a été écrit en support à une interview dans l'émission Des sous et des hommes
(interview qui n'a, en définitive, pas eu lieu)
Laissez moi vous raconter une histoire .
Elle se passe dans le petit village de Condé.. Son hôtel est réputé !... Un vendredi après-midi débarque une jeune femme qui réserve une chambre pour la nuit. Elle laisse en acompte un billet de 50 euros, tout neuf. Puis, elle s’en va visiter le village. Le patissier du village qui a vu la scène dit au patron de l’hôtel: "Ça fait 6 semaines que vous me devez 50 euros pour la pièce montée que je vous avais livrée à l’occasion du mariage de votre fille". Le patron lui donne le billet de bonne grâce.
Cette scène a été vue par d’autres villageois: elle se reproduisit 5 nouvelles fois car le patissier devait aussi 50 euros au boulanger.. qui en devait autant au garagiste... lui-même débiteur de cette somme au boucher... qui avait à régler 50 au représentant de la maison Elida... lequel devait à son tour acquitter sa chambre qu'il avait réservé pour la nuit à l’hôtel. Le représentant, qui est le dernier à avoir ce billet en main, le redonne donc au patron de l’hôtel. Notre dame revient de promenade. Elle annonce qu’elle annule sa réservation. L’hôtelier lui rend donc son billet.
Ce billet s'est donc promené dans le village... et on peut se poser la question de savoir quel est le « coût » de cette « promenade » ? Les 50 euros ont-ils disparu ? Non ils sont toujours là, dans la communauté villageoise. Ils sont dans la caisse de l'hôtel et repartiront demain pour un autre tour, peut-être plus éloigné cette fois. Mais dans tous les cas, l'argent n'a pas disparu, il a circulé. En revanche, tous les acteurs ont travaillé : le patissier, le boulanger, le garagiste, le boucher, le représentant et l'hôtelier ; ils ont tous consommé de la matière et/ou de l'énergie. Le travail fait est fait, quant aux matières et à l'énergie, elles ne sont plus disponibles. Bien sûr, pris individuellement, chacun a dépensé 50 euros, mais si l'on considère les choses globalement, on constate que la production n'a «coûté» que du travail, de la matière et de l'énergie, mais pas d'argent ! L'argent est passé d'une main dans une autre, chacun s'est enrichi du travail de l'autre et lui a donné 50 euros en échange pour ne pas rester en dette. C'est la dépense de l'un qui fait le revenu de l'autre.
Il n'y a que transfert de l'argent, pas consommation de l'argent.
Mais cette histoire n'est pas tout à fait terminée ... Nous voyons bien que c’est la carence initiale de monnaie dans le village qui empêchait l’extinction des dettes en cascade. Cette Dame, en réservant sa chambre, a accru de 50 euros la masse monétaire du village, ce qui a permis à six personnes d’éteindre réciproquement leurs dettes (et il n’y a aucune limite à ce « nombre d’échanges »)
J’aurais aussi pu terminer cette histoire de la manière suivante: “Notre dame revient de promenade. Elle annonce qu’elle annule sa réservation. L’hôtelier lui rend donc son billet qu’elle brûle aussitôt. "Il était faux", dit-elle en souriant…
Et dans ce cas… Ce faux billet a permis de la même manière d’annuler 300 euros de dettes dans le village, de catalyser 300 euros d’échanges. C’est donc que la « qualité » de la monnaie utilisée, bonne ou mauvaise, est indifférente, tant qu’il y a confiance dans cette monnaie.
|