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Une manifestation sur une plage de Sydney a dégénéré en violences racistes contre des personnes d'origine arabe. Ces actes commis par une minorité d'extrémistes blancs et de voyous éméchés ont ensuite donné lieu à des émeutes urbaines comparables à celles qui ont secoué la France. Le malaise de la société australienne éclate au grand jour.
Après Paris, Sydney. "Lieux et scénarios différents, ampleur différente, mais dans les deux cas on parle d'émeutes raciales impliquant de jeunes musulmans. Cependant, à Sydney, les jeunes Blancs ne sont pas sages non plus", commente le Sydney Morning Herald. Dimanche 11 décembre, Sydney a en effet été le théâtre d'une violente manifestation de haine et de violence raciste. Près de 5 000 personnes s'étaient réunies sur la plage de Cronulla en réaction à l'agression de deux sauveteurs, une semaine auparavant, par un groupe de jeunes issus des banlieues. Mais, sous l'action de groupuscules d'extrême droite et l'effet de l'alcool, le rassemblement s'est transformé en une chasse à l'homme sur la plage, visant tous ceux qui ressemblaient à des Arabes.
Ces violences ont ensuite donné lieu à des actions de représailles de bandes de jeunes dans les quartiers de la banlieue de Sydney. Au total, une trentaine de personnes ont été blessées et seize arrêtées ce jour-là. Le lendemain, "une seconde nuit de violences a eu lieu à Sydney, et les tensions entre bandes ethniques rivales ont été marquées par une série d'attaques contre des hommes blancs au sud et à l'ouest de la ville", note The Australian. Sept personnes ont été blessées et onze autres ont été interpellées.
"La classe politique comme les dirigeants religieux et des différentes communautés sont unis dans la condamnation de la violence qui s'est manifestée sur la plage de Cronulla à Sydney, mais divergent quant aux causes des événements : manque de moyens policiers, incitation des médias ou racisme viscéral", note le Sydney Morning Herald.
Pour l'éditorialiste Paul Sheehan, la bagarre témoigne de la triste réalité australienne, à savoir l'existence d'une culture décadente sur les plages, à l'instar des Bra Boys, un gang de voyous surfeurs "composé pour la plus grande part de jeunes Australiens blancs, mais qui comprend aussi des ressortissants originaires des îles du Pacifique ou d'ailleurs". Signe annonciateur des violences survenues sur la plage de Cronulla, l'auteur rappelle le cas d'une bagarre opposant des membres des Bra Boys à la police en 2002, "l'une des rixes les plus inacceptables impliquant la police et qui aient eu lieu à Sydney". Sauf que "la chose la plus remarquable concernant ces événements, c'est qu'ils n'ont eu qu'une faible publicité" médiatique. En définitive, estime l'auteur, le traitement par les médias des récentes violences racistes à Cronulla a donné une audience et un impact disproportionnés à "des actes commis par une minorité d'idiots".
D'un autre côté, l'éditorialiste observe qu'à Sydney il y a un ressentiment croissant à l'encontre de "bandes organisées de Libanais provocateurs" qui ont adopté une "culture de gang abjecte et agressive", responsable dans la ville et sa région d'"une douzaine de meurtres et de fusillades, d'une série de viols en réunion, de centaines d'agressions sexuelles et de milliers de provocations racistes délibérées".
De même, The Australian reconnaît que "les émeutes de dimanche ont été motivées par plusieurs événements impliquant le comportement d'autres brutes qui n'ont rien compris au mode de vie australien". Il est surtout question du comportement à l'égard des femmes. "Mais on ne peut pas permettre pour autant qu'un groupe ethnique entier soit diabolisé à cause de l'attitude de brutes non représentatives", insiste le quotidien.
"Les voyous ivres et violents qui ont fait une descente sur la plage de Cronulla nous couvrent tous de honte", s'indigne le Daily Telegraph australien dans son éditorial. "Drapés des couleurs nationales australiennes, ils ont humilié l'Australie avec leur comportement émeutier, attaquant une ambulance, cassant tout sur leur passage dans la gare locale, fracassant les vitres de voitures et prenant d'assaut la police en voulant s'en prendre à une poignée d'hommes et de femmes d'apparence moyen-orientale." D'ailleurs, le journal assure que "plusieurs groupuscules, dont l'Australia First Party, ouvertement raciste, ont cherché à manipuler l'incident et à exacerber les tensions ethniques".
Ce constat est également fait par la police, qui souligne que des néonazis figuraient parmi les émeutiers, rapporte le Sydney Morning Herald. En réaction à ces actes violents, les autorités locales envisagent de nouvelles mesures pour augmenter l'efficacité de la police, comme "la mise en place d'une nouvelle unité de police de rue et des restrictions sur la consommation d'alcool, qui a joué un grand rôle dans les émeutes". En revanche, Bruce Baird, un député libéral élu d'une circonscription touchée par les actes de représailles, met l'accent sur la dégradation des relations entre communautés anglo-saxonnes et celles issues du Moyen-Orient, surtout depuis les attentats du 11 septembre 2001 et de Bali, en octobre 2002.
"A l'image d'un volcan longtemps endormi, la violence qui a éclaté à Cronulla dimanche dernier fut d'une férocité inattendue, comme si un réservoir souterrain de haine ne pouvait plus être contenu", écrit le Daily Telegraph.
Philippe Randrianarimanana
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