Alors here we go, on recommence tout depuis le début.
Tout d'abord, expliquons ce que c'est qu'un "profil", ou "espace colorimétrique", et commençons par tordre le cou à une idée reçue à l'école.
Mélanger les trois couleurs primaires ne permet pas de reproduire toutes les couleurs qui existent ! Cela dépend de la pureté des primaires, et même avec des primaires totalement pures, il existe des couleurs qu'on ne peut pas reproduire. Certaines couleurs fluorescentes, notamment.
Grâce au programme proposé sur http://www.efg2.com/Lab/Graphics/C [...] ticity.htm, on peut représenter dans un diagramme l'ensemble des couleurs qui existent :
Les couleurs de l'image ne correspondent pas vraiment aux teintes désignées par les coordonnées où elles se trouve, c'est juste colorié à titre indicatif.
Et voici à présent, sur le même digramme, toutes les couleurs qu'on peut obtenir en mélangeant le rouge, le vert, et le bleu primaire, sur un écran d'ordinateur :
On voit qu'il y en a beaucoup moins. Ces couleurs, dont on ne représente sur ces diagrammes que la teinte, forment, avec la données supplémentaire de leur luminosité possible, un "gamut", ou "espace colorimétrique", ou encore un "profil", qu'on peut représenter en trois dimensions.
Chaque appareil destiné à capturer ou afficher des images possède un gamut qui lui est propre. C'est le "profil", qui est décrit dans un fichier ICM ou ICC. Il s'agit d'un tableau de correspondance entre les valeurs numériques, rouge vert et bleu par exemple, et la couleur que cela représente.
Par exemple, dans le profil sRGB, il est indiqué :
sRGB CIE XYZ
Rouge Vert Bleu X Y Z
255 0 0 0.6400 0.3300 0.0300
0 255 0 0.3000 0.6000 0.1000
0 0 255 0.1500 0.0600 0.7900
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Entre autres indications.
Il s'agit de la couleur exacte du rouge (première ligne) du vert (seconde ligne), et du bleu (troisième ligne) sRGB dans les coordonnées CIE XYZ. Ils sont aux sommets du triangle visible dans l'image précédente. Le gamut Adobe RGB comporte d'autres indications. Le rouge, le vert, et le bleu y sont différents., de même que l'ensemble des couleurs reproductibles.
Le profil sRGB est celui utilisé par défaut dans Windows, lorsqu'une couleur est représentée sur 24 bits. Les appareils photo numériques, et les écrans d'ordinateur sont également basés sur le gamut sRGB, et utilisent le rouge, le vert, et le bleu sRGB comme couleurs primaires. Par contre, ce n'est pas le cas des imprimantes, ni du papier photo utilisé pour faire des tirages argentiques.
Si on prend l'exemple de l'imprimerie, le bleu primaire sRGB que vous voyez ici, en haut à gauche, n'est pas imprimable.
Aucun mélange d'encre magenta, cyan, jaune, et noire, ne permet d'obtenir cette teinte. Elle est trop vive.
La conversion d'une image dans un profil consiste à prendre les valeurs de chaque pixel, à consulter le profil de cette image (généralement sRGB, ou Adobe RGB) pour calculer la couleur CIE que cela représente, puis, à l'aide du profil de destination, par exemple le profil Photoweb, faire l'opération inverse, c'est à dire restutuer de nouvelles valeurs pour chaque pixel, à partir des couleurs CIE calculées précédemment. On spécifie donc nécessairement le profil initial et le profil final.
Lorsqu'on affiche une image comme celles que vous voyez sur votre écran, il n'y a pas de conversion. Tout est en sRGB. Mais quand vous travaillez dans un logiciel de traitement d'image, plusieurs profils interviennent.
1-Le profil de l'image. C'est celui que vous spécifiez sur votre appareil photo. sRGB ou Adobe RGB. Vous pouvez le spécifier lors de l'importation RAW sur vous faites les photos en RAW. C'est la correspondance entre les couleurs réelles du sujet et les valeurs RVB contenues dans la photo. Par défaut, c'est le sRGB.
2-L'espace de travail. C'est le profil que le programme attribue aux images pendant le travail. Il est utilisé pour l'affichage et l'impression. Les images ouvertes dans le programme sont converties dans ce profil si le programme est informé d'une façon ou d'une autre de leur profil d'origine.
3-Le profil d'affichage. C'est celui de votre écran. On peut sans problème utiliser le sRGB, qui est proche du profil réel des écrans d'ordinateur. Mais on peut aussi calibrer son écran. On utilisera alors le profil donné par le logiciel de calibration à la place, qui pourra être légèrement différent du sRGB théorique. Lorsqu'il affiche les images à l'écran, le programme effectue une conversion depuis son "espace de travail" vers le "profil d'affichage". Ainsi, l'écran reproduit les couleurs réelles de l'image. Si l'espace de travail et le profil d'affichage sont tous les deux sRGB, alors la conversion est sans effet.C'est le cas dans Internet Explorer, par exemple.
4-Le profil d'impression. Pour pouvoir l'utiliser, vous devez spécifier que vous utilisez un programme compatible ICM dans vos propriétés d'impression. L'imprimante désactive alors toutes les options d'impression et s'en remet entièrement à l'application qui imprime. Le programme de traitement d'image effectuera alors une conversion depuis son espace de travail vers le profil d'impression lorsque vous imprimerez. Ici, on part des valeurs RVB de l'espace de travail, on passe en CIE, mais on ne revient pas à des valeurs RVB. Le profil d'impression contient la correspondance entre les couleurs CIE et les valeurs correspondant à toutes les cartouches de l'imprimante. Cyan-Magenta-Jaune-Noir pour les imprimantes quadrichromiques.
Le profil d'impression sert également à prévisualiser l'impression à l'écran, ce que Photoshop appelle le "soft proofing" (sans cocher "conserver les valeurs" ). L'opération consiste à faire deux conversions. De l'espace de travail vers le profil d'impression d'abord. Ce qui permet d'éliminer toutes les couleurs non imprimables, puis du profil d'impression vers le profil d'affichage, afin de représenter à l'écran ce qui sortira sur l'imprimante, et accessoirement retrouver des triplets RVB interpretables sous Windows, parce que si on envoie des sextuplets Cyan/Cyan photo/Magenta/Magenta photo/jaune/noir à la carte vidéo, elle ne va pas trop apprécier.
Il peut exister d'autres profils spécifier dans votre programme de traitement d'image. Notamment le profil du scanner. il peut y avoir un profil différent par type de papier pour l'imprimante, etc.
A présent revenons à la problématique de la "conversion dans le profil Photoweb". Et pour commencer, jetons un coup d'oeil à ce profil.
Le site http://www.drycreekphoto.com/tools [...] model.html permet de comparer différents gamuts, mais le gamut Photoweb n'y figure pas. On peut utiliser le "Fuji Frontiers 370 / Fuji Crystal Archive T1 glossy" qui doit en être très proche, puisque Photoweb utilise des minilabs Fuji et du papier Fuji. Une rapide comparaison avec d'autres papiers et avec les profils Agfa montre que les profils argentiques ont grosso modo la même forme.
En gris, les couleurs de l'Adobe RGB. En rouge celles du sRGB. En clair, le profil Fuji argentique (quasi-Photoweb).
En haut les rouges, à gauche les verts, à droite les bleus.
Dans le premier post de ce sujet de discussion, vous trouverez des comparaisons entre le profil sRGB et le profil générique Fuji sous tous les angles. En manipulant la représentation 3D proposée sur le site drycreekphoto, on constate que le profil argentique (Fuji-Photoweb) est basé sur trois couleurs primaires, et trois secondaires, comme le sRGB. Ce sont également du rouge, du vert, du bleu, du magenta, du cyan, et du jaune. Ils sont situés, avec le noir et le blanc, aux 8 sommets d'un cuboïde aplati, qui représente le gamut total, couleur et luminosité comprises.
Ce qui est important de voir, c'est que le bleu, le rouge, le vert, et le magenta sont tous à l'intérieur du gamut sRGB. Le jaune et le cyan sont légèrement en dehors. Notons que le jaune est même en dehors du gamut Adobe RGB.
Nous pouvons donc représenter parfaitement le rouge, le vert, le bleu, et le magenta du papier photo à l'écran. Les voici :
Le cyan et le jaune sont assez proches de la réalité, mais comme ils sont en dehors du gamut sRGB, on ne peut pas les représenter fidèlement sur un écran.
Gardons à l'esprit que ces écarts sont minimes, et qu'on peut obtenir des résultats légèrement différents en choisissant d'autres profils argentiques, comme le Photoweb, par exemple, et que cela dépend aussi de la calibration de votre écran.
Ce qu'il est fondamental de comprendre au sujet de Photoweb, et de certains labos utilisant des minilab Fuji, c'est que les photos données à faire tirer ne sont pas reproduites dans leurs couleurs d'origines ! Nos fichiers passent dans des filtres optimiseurs de netteté et de luminosité, sauf si on demande un tirage sans retouche. Alors ils sont envoyés directement à la machine, qui par un malencontreux concours de circonstances, est capable de les interpreter comme si ils étaient dans son profil, car elle utilise elle aussi trois couleurs primaires !
Au lieu de calculer la quantité de bleu, de vert, et de rouge (à moins que ce ne soit du cyan, du magenta, et du jaune) nécessaires pour reproduire les couleurs de nos images, elle fait comme si son bleu était du bleu sRGB, son vert du vert sRGB, et son rouge du rouge sRGB. Or on vient de voir que loin s'en faut. D'où une déformation des couleurs.
Pour elle l'univers entier est en couleurs Photoweb, le sRGB n'existe pas ! Vu que la plupart de nos photos sont en sRGB, justement, c'est assez embêtant !
Pour reproduire aussi fidèlement que possible les couleurs de nos photos, il faut effectuer une conversion depuis le profil de nos photos vers le profil Photoweb. Le programme de conversion calcule les couleurs exactes de nos photos dans le profil CIE (qui est celui de toutes les couleurs visibles), puis effectue la converison de CIE vers Photoweb. Les valeurs RVB du fichier final sont celles que doit utiliser la tireuse pour reproduire les couleurs de nos photos.
Si les couleurs sont en dehors de son gamut, alors le convertisseur indique la couleur la plus proche à utiliser à la place.
A présent, il est temps de regarder une photo. Prenons un des cas les plus épouvantables possibles.
Il s'agit d'une photo en sRGB (sinon vous ne pourriez pas voir ses couleurs réelles sur l'écran).
Lorsqu'on effectue la conversion depuis sRGB vers Photoweb, voilà le résultat :
C'est cette image qu'il faut envoyer à Photoweb à la place de celle du haut.
Comment savoir ce que cela va donner sur le papier ? Sachant que le gamut Fuji est largement à l'intérieur du gamut sRGB, on va perdre beaucoup de couleurs au tirage, d'où l'intérêt de savoir à l'avance à quoi s'attendre. A contrario, cela permet de prévisualiser presque fidèlement un tiarge papier sur notre écran, presques toutes les couleurs argentiques pouvant y être affichées fidèlement.
L'option de prévisualisation (soft proofing) nous donne ceci :
Il s'agit là je le répète, d'un cas extrême, parce que les couleurs de la photo sont complètement en dehors du gamut argentique-Fuji-Photoweb. Mais si la photo ne comporte au départ que des couleurs qui sont dans le gamut Photoweb, la conversion, comme la prévisualisation, changeront très peu les couleurs.
Enfin, un mot sur les explications de Photoweb. Ils proposent deux façons d'utilser leur profil. Nous venons d'examiner la seconde (conversion de profil à profil), qui est la seule valable si nous voulons faire un travail rigoureux. La premère méthode dont ils parlent est plus bizarre. Il ne s'agit pas d'un soft proofing véritable. En réalité, ils indiquent comment visualiser le rendu du tirage si nous leur envoyons les images sans faire de conversion, et en demandant l'option sans retouche. Photoshop permet de faire cela. Il suffit de cocher la case "conserver les valeurs", qui signifie en fait "ne pas convertir pour simuler le tirage". En principe cela sert à prévisualiser le tirage si vous avez déjà converti l'image, mais on peut voir ici qu'on peut aussi utiliser cette option pour voir ce qui se passe quand on ne convertit pas du tout.
Voilà :
Charmant, n'est-ce pas ?
L'ironie de la chose est que si les tireuses avaient été quadrichromes, hexachromes, ou plus, ils auraient été forcés d'inclure un convertisseur de profil pour traduire le RVB en quadri ou hexachrome, et on n'aurait pas à se casser la tête pour configurer Photoshop. Et surtout, on ne recevrait pas ce dernier résultat dans la boîte aux lettres en demandant bêtement un tirage de nos photos sans aller au fin fond du site web découvrir l'existence d'un profil associé à leurs machines.
Si vous avez tout compris, vous pouvez maintenant relire le tout premier post de ce sujet, où j'examine plus en détail les différences entre les profils, d'après les gamuts théoriques, en les confrontant à des tirages tests réalisés chez Photoweb avec et sans conversion.