Attendu par une pléthore de fans déchaînés, le fameux Racing Evoluzione nous parvient enfin sous sa forme définitive. Grâce à sa réalisation spectaculaire exploitant la Xbox comme peu l'ont fait jusque là, le titre de Milestone est sans aucun doute d'ores et déjà promis à un grand avenir auprès du public. Malgré tout, la courte preview précédemment disséquée laissait transparaître pas mal d'incertitudes quant à la qualité finale du gameplay, voici donc l'occasion de tout vous dévoiler.
Par Nanark & Boone
Annoncé depuis à peine quelques mois, Racing Evoluzione a déjà une belle réputation forgée à coup de captures d'écran ahurissantes et de douces promesses qui fleuraient bon l'intox marketing. Il est vrai qu'à l'arrivée le titre de Milestone n'a rien d'un GT3-killer ni même d'un jeu doté d'une mécanique poussée, mais une chose est désormais sûre et irréfutable : Racing Evoluzione est graphiquement spectaculaire, presque un ovni. Autant dire qu'après un Sega GT 2002 badiné de teintes ternes et de flous à donner des migraines, la Xbox se rattrape mille fois et entame avec panache l'année 2003. En un mot comme en cent, ça arrache la gueule.
Vous en avez rêvé...
Pour autant, le reste ne semble pas avoir été négligé et Milestone a souhaité offrir aux joueurs une expérience nouvelle à travers un mode carrière pour le moins innovant intitulé Dream Mode. Catapulté à la tête d'un garage modeste d'une bourgade américaine, votre ambition de conquérir le marché des véhicules sportifs de luxe devra être concrétisée à force de persévérance, mais surtout grâce à vos talents de pilote hors norme. Quelques croquis de design en main et un budget plutôt mince en poche, vous réalisez votre premier modèle concept car pour participer à des courses dédiées aux prototypes : votre marque est née. Tout au long de l'aventure il faudra se faire remarquer du grand public à travers les 49 championnats et ainsi vendre ses modèles de séries aux gens fortunés, chaque victoire sur le bitume déclenchant des ventes immédiates. Malgré tout, cela ne suffira pas forcément à progresser rapidement et ponctuellement quelques défis vous seront imposés histoire d'égayer la
monotonie des compétitions. Tantôt ce sera la police qui projettera de renouveler son parc automobile, tantôt il s'agira d'un réalisateur à la recherche d'un véhicule classe et puissant pour un nouveau film d'action, mais dans tous les cas le challenge serra plus serré qu'à l'accoutumée car seule la première place y est récompensée. Dans le même ordre d'idée, il y a également le mystérieux pilote noir qui viendra de temps à autre vous gifler de sa mitaine pour vous démontrer sa supériorité sur circuit, mais contrairement aux autres événements annexes, ce dernier se révèle en fait être le pilier du scénario et le vaincre prématurément entraînera le bouclage permanent de votre partie en cours. En d'autres termes, une fois le dernier championnat bouclé il ne sera pas possible d'améliorer ses classements, ni même de débloquer d'autres véhicules, et l'on sera contraint d'évoluer dans un mode arcade des plus simplistes. Vraiment dommage.
Un style très linéaire
Côté évolution, puisque c'est de ça que traite le jeu finalement, on découvre ici quatre grandes catégories d'engins, elles-mêmes divisés en sous catégories. Au départ équipé d'un modeste Roadster, on développera dès que les budgets le permettront une Sportcar, puis une Supercar et pour finir une splendide Dreamcar, l'aboutissement de votre épopée dans le monde automobile. Votre personnel fraîchement embauché vous tiendra au courant de l'avancement de vos ventes et vous proposera quand ce sera financièrement possible de choisir votre prochain modèle, toujours à partir de quelques croquis prédéfinis. C'est d'ailleurs là la seule marge de liberté offerte dans ce qui s'avère être un mode dirigiste et monotone sur la longueur. Le reste du temps, il s'agira de remporter les divers championnats sans grande interactivité. Le concept était intéressant mais comparé au feuilleton de l'été de TOCA Race Driver (prévu sur Xbox pour mars), on reste sur sa faim.
D'autant que le fameux Dream Mode ne permet pas de s'essayer aux nombreux véhicules licenciés pour l'occasion. Pour caresser le baquet d'une Chevrolet Camaro SS ou d'une Lotus GT1, il faudra préalablement progresser suffisamment dans la carrière, puis s'orienter de ce pas vers le mode Arcade pour piloter à sa guise l'un des engins préalablement débloqués. Pas franchement révolutionnaire, ce mode ne propose que des courses contre l'ordinateur, un mode contre la montre et enfin un versus à deux en écran splitté. Au vu du mode solo plutôt restrictif, on aurait bien apprécié trouver de quoi varier les plaisirs avec des classements des meilleurs tours à battre récapitulés dans des menus, des challenges d'adresse dans des conditions extrêmes, mais Racing Evoluzione n'offre rien de cela et l'ergonomie rudimentaire du mode respire l'adjonction à la va-vite.
Le réalisme aux oubliettes
De même, la conduite annoncée comme inpirée sur l'excellent Gran Turismo 3 n'est pas à la hauteur des espérances et ce Racing Evoluzione ne fera certainement pas l'unanimité sur cet aspect. Après quelques minutes de prise en main, on constate avec déception que la profondeur du modèle physique est par exemple bien moins réaliste qu'un Project Gotham Racing. Peu crédible, au point mort le compte tour s'agite de façon binaire (on - off) et la direction semble agir par angle de 45° jetant de droite à gauche l'engin dès qu'on effleure le stick analogique. Bref, on peine à ressentir de véritables sensations d'adhérences, d'accélération et même de freinage, Racing Evoluzione n'est pas renversant sur ce point et se contente du strict minimum : une prise en main immédiate et quelques différences perceptibles entre les catégories d'engin, pas plus. Les réglages sont tout aussi simplistes et au final on ne pourra que sélectionner le type de conduite (normal - dérapage), la boîte de vitesse (courte - normal - longue) et l'appui (fort - moyen - faible), sans grande subtilité. Toutefois, c'est peut-être un faux débat qu'on fait là au protégé de Milestone car au vu du style de conduite, on se rapproche davantage d'un jeu d'arcade pur et dur façon Screamer - un de leur précédent et mémorable titre sur PC - que d'une simulation. Certes, ça aurait
pu être l'optique de Racing Evoluzione et on ne s'en serait pas plaint, mais à cela vient se confronter l'impression de vitesse honnête, mais en deçà d'un Sega GT 2002 par exemple. Il faut au moins accéder aux Supercars pour apprécier ses premières bonnes sensations, ce qui n'arrivera pas avant une dizaine d'heures de jeu relativement décevantes. D'autant que l'intelligence artificielle fait cruellement défaut sur le bitume et les autres concurrents n'hésiteront pas à vous pousser involontairement dans le sable lorsque vous vous situez sur leur trajectoire. Pour couronner le tout, les contacts sont très mal gérés et on ne cesse d'être ralenti injustement à la moindre collision tandis que l'ordinateur - imperturbable - n'encaisse aucune pénalité si ce n'est une rayure sur son pare-choc. Après quelques échecs cuisants suite à des
carambolages dans lesquels vous semblez être la seule victime, on apprend ainsi à pratiquer la technique du virage "appuyé" (© Gamekult) : à chaque angle serré il faut inévitablement se rabattre vers l'intérieur pour glisser sur l'adversaire et ainsi faire subir plutôt que subir. Par ailleurs, cela ne concerne qu'une partie de la course, car dès qu'on arrive à se dépêtrer de leur présence pour prendre l'avantage, on peut facilement leur mettre quelques dizaines de mètres dans la vue sans trop risquer de les voir revenir à votre niveau. A l'inverse, ils vous attendront gentiment en cas de coups durs et mauvaises manoeuvres (un tête-à-queue par exemple) et c'est sans difficulté après quelques secondes d'arrêt qu'on les retrouvera trois virages plus tard. Les néophytes seront ravis de progresser sans trop de difficulté, les pros du volant apprécieront moins, cela va sans dire.
Le must du circuit
Mais ne dénigrons pas ce Racing Evoluzione sans parler des aspects positifs du gameplay, à commencer par les cinquante quatre circuits répartis sur quatre environnements distincts (ville, montagne, circuits, stades). Si ces derniers conservent de temps en temps quelques virages en commun, c'est sans aucun doute le meilleur travail réalisé sur ce point depuis belle lurette avec une grande variété d'enchaînements accentués par des reliefs impressionnants et sans pitié. A ce propos, on apprécie particulièrement les réactions des engins très satisfaisantes sur les dévers, ce qui constitue donc un réel bon point pour la conduite qui en avait bien besoin après tant de déception. Forcément, le style américain vous imposera quantité de courses urbaines aux angles droits et grandes lignes rectilignes peu passionnantes, tout comme les ovales chers aux courses de NASCAR, mais ne faisons pas la fine bouche, le reste est un véritable régal et surpasse sans mal la crème du genre, toutes plates-formes confondues. Cette quantité de circuits offre donc à Racing Evoluzione une durée de vie très honnête avec ses 49 championnats, qu'il faudra évidemment s'évertuer à remplir dans l'ordre. Le joueur pressé pourra boucler l'aventure en 13-14 heures, mais les patients pourront prolonger le "rêve" jusqu'à 25-30 heures en construisant tous les croquis un à un. Cela ne dépendra que de vous, mais il faut avouer qu'avec la meilleure volonté du monde, il est difficile de stagner à bord de Roadster lorsqu'on apprécie la vitesse.
Le plus beau jeu du monde ?
Au chapitre technique, le constat est tout aussi élogieux avec - on ne le répètera jamais assez - un jeu visuellement exceptionnel. Doté d'une palette colorée dont l'optique n'est visiblement pas le réalisme, la qualité de modélisation des véhicules couplée aux décors tout aussi détaillés et associée à des effets techniques derniers cris (mais jamais vulgaires) offrent un résultat à couper le souffle qui fera des jaloux. Jamais les circuits urbains n'ont été si denses dans leur représentation et plutôt que de disposer quelques blocs texturés de fenêtres, Milestone a su représenter avec talent quelques portions de villes fictives dans un style à la fois proche d'un Time Square de New York et d'un Piccadilly Circus de Londres. Le moteur affiche sans peine des ballons s'envolant dans les gradins, des écrans géants diffusant de la publicité sans oublier les reflets sur votre carrosserie jusqu'aux jantes propres comme au premier jour. Cela vaut tout autant pour les paysages naturels et on aura rarement vu d'aussi belles montagnes enneigées dans un jeu.
Cette qualité visuelle a cependant quelques revers plus ou moins gênants, et on remarquera par exemple que le frame rate - sans jamais accuser de chute ni de soubresaut - n'est pas des
plus élevés. Ceux qui attendaient les 60 fps annoncés risquent d'être désappointés et la comparaison avec Sega GT 2002 donne sans aucun doute possible raison au titre nippon. Pour autant, aucun clipping n'est à déplorer, si ce n'est sur les reflets forcément moins fluides et lisses que le reste de l'environnement, et enfin pour chipoter jusqu'au bout et ainsi trouver une faille supplémentaire à ce spectacle estomaquant, la modélisation sous les véhicules est inexistante et ne laisse même pas apparaître les essieux. C'est dire jusqu'où il faut chercher...
Voilà pour les "lacunes" d'ordre graphiques guère traumatisantes, mais d'autres concessions plus gênantes pour le gameplay ont malheureusement du être faites, l'absence de rétroviseur en tête. Pour apprécier la progression de vos concurrents, il est nécessaire d'enclencher la vue arrière en plein écran ce qui rend l'exercice un peu difficile et périlleux sur des tracés sinueux. D'autre part, Racing Evoluzione ne propose aucune déclinaison climatique et il faudra se contenter de simples routes sèches, parfois bordées de neiges, en pleine journée sans rafales de flocons ni de pluie. La maniabilité demeure donc la même d'un environnement à l'autre, et on aurait bien aimé rouler dans le sable, la boue ou encore la poudreuse pour varier les plaisirs. Pour finir sur l'aspect visuel, il faut tout de même préciser que la représentation de votre garage, tout comme les protagonistes que sont vos employés, ne sont pas du même tonneau et l'on a droit à de drôle de pantins très remuants prodiguant des conseils idiots à la fin de chaque course.
Autre regret et pas des moindres, l'ambiance sonore bien trop anecdotique et peu convaincante. Passons sur les doublages souvent niais (il faut dire que les mimiques des personnages et le côté répétitif n'arrange pas le tout), c'est avant tout le bruit du moteur et des collisions qui pénalise le titre et la sensation de conduite. Sans grande envergure, on entend un ronronnement mou des plus classiques, et ce n'est qu'en arrivant jusqu'aux Supercars qu'on découvre enfin un rugissement à la hauteur du pognon investi dans de tels engins, sans pour autant étonner outre mesure. Quant aux bruitages lors des chocs, autant jeter un trousseau de clé par terre ou donner un coup dans sa corbeille métallique, le résultat est le même, c'est tout simplement grotesque.
Pour finir sur une bonne note, il ne reste qu'à parler de la gestion des dégâts, détail largement amplifié à travers les communiqués de presse. Après quelques petites collisions, on constate en effet des déformations de carrosserie avec un bout d'un pare-choc traînant au sol et occasionnant de jolies étincelles. Ca impressionne la première fois il faut dire, mais ces petites touches visuelles sont très scriptées et se limitent à quelques bosses ce qui s'explique facilement par l'appréhension des constructeurs qui misent avant tout sur la sécurité pour vendre leurs voitures. Bref, c'est mieux que rien et sans être renversante, cette option est à accueillir chaleureusement tant elle manque cruellement chez la concurrence.
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7
Hit!
Entre simulation et arcade, Racing Evoluzione peine à trouver son identité et offre un gameplay bien moins réaliste qu'un Project Gotham Racing, sans pour autant se rattraper sur l'impression de vitesse ou une diversité de modes de jeu. Malgré quelques originalités, le mode Dream n'apporte rien d'autres qu'une succession de course de façon quasi linéaire sans grande interactivité. Toutefois la réalisation graphique d'exception, la qualité indéniable des 54 circuits et la durée de vie somme toute honnête de l'ensemble offriront de bon moments vidéoludiques à la majorité des joueurs qui ne regretteront certainement pas leur acquisition. Quant aux fans de simulations, ils n'apprécieront guère le modèle physique très rudimentaire tout comme l'absence de difficulté au cours de la carrière. Pour ceux là, Sega GT 2002 demeure bien plus intéressant avec des possibilités de tuning et des comportements plus variés. Vous l'aurez compris, Racing Evoluzione manque cruellement de profondeur mais il n'en demeure pas moins un jeu d'arcade amusant aux prouesses techniques spectaculaires. Ceci suffira sans aucun doute à lui réserver une place dans le coeur de nombreux joueurs.
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AC : SW-5993-1459-0978 / dani / THE REAL KRYSTOPHE (Miss) / Pinacolada Hémisphère sud