Polémique autour de la formation à la française des ingénieurs
Trop de maths, trop peu de sciences de l'ingénieur, le coeur du cursus des grandes écoles fait débat  
Gros temps pour les écoles d'ingénieurs. Le " modèle français " qui enchaîne deux ans de classe préparatoire puis trois ans d'école subit, depuis quelques semaines, des attaques de toutes parts. Ces derniers jours, ce sont Richard Descoings, le directeur de Sciences Po Paris, Jean-Charles Pomerol, le président de l'université Pierre-et-Marie-Curie (UPMC, Paris-VI), et l'Institut Montaigne qui ont tiré leur salve.
 
Que reproche-t-on aux écoles d'ingénieurs ? Le premier angle d'attaque concerne la formation même. C'est un rapport de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Aeres), fin 2010, qui a mis le feu aux poudres. L'agence considère que ce modèle, " souvent critiqué et pas toujours compris à l'étranger ", qui repose sur " une formation par le stress ", accorde trop d'importance aux mathématiques et à la physique au détriment du " coeur de la formation en ingénierie " et de la spécialité, " quelquefois réduite au statut d'option ".
 
Ce modèle pour " forts en maths ", certes " adapté à la formation de certaines catégories d'ingénieurs de haut niveau ", " ne couvre pas tous les besoins ", précise le rapport. L'Aeres propose donc de le conserver, mais aussi de créer, à côté, un autre modèle, un " master en ingénierie ", qui offrirait un cadre commun aux formations déjà proposées à l'université.
 
Les représentants des 200 écoles - qui diplôment 30 000 ingénieurs par an - ont mal pris la chose, considérant en substance que l'Aeres se mêle de ce qui ne la regarde pas. Et la ministre de l'enseignement supérieur, Valérie Pécresse, leur a donné raison peu après en rejetant la création de ce " master en ingénierie ".
 
Las, Jean-Charles Pomerol et Richard Descoings viennent d'entrer dans la polémique en dénonçant l'immobilisme de ces écoles, majoritairement publiques, qui selon eux protègent leur modèle contre vents et marées.
 
Le président de l'UPMC évoque la " crispation identitaire " d'écoles accusées d'avoir abandonné le terrain au privé. " On ne comprend pas bien pourquoi la Commission du titre d'ingénieurs - CTI, qui détient le monopole de reconnaissance du titre d'ingénieur - mène campagne contre la diversification des formations d'ingénieurs et garde un si fort tropisme pour le modèle des grandes écoles ", s'interroge M. Pomerol.
 
Quant au directeur de Science Po Paris, il estime dans une tribune publiée le 27 janvier par Challenges que " si le nombre des élèves ingénieurs est passé de près de 58 000 en 1990 à plus de 110 000 en 2010, c'est essentiellement en raison des formations universitaires ". Lui aussi dénonce la suprématie des maths et des sciences fondamentales. Relevant la proposition de créer un " master en ingénierie ", M. Descoings conclut : " La diversité a décidément bien du mal à être reconnue dans notre pays, même et peut-être surtout au sein des toutes meilleures formations. "
 
La situation est d'autant plus préoccupante, soulignent les deux hommes, que " la France manque d'ingénieurs ". " Faux, faux, faux !, s'étrangle Bernard Remaud, président de la CTI. Par rapport à sa population, la France forme beaucoup plus d'ingénieurs au niveau master que les Etats-Unis... "
 
Quant à la sélection par les maths, riposte Paul Jacquet, président de la Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs, la critique " concerne moins de la moitié des diplômés ", puisque seuls 40 % d'entre eux ont fait une " prépa ", les autres intégrant ces formations par reconnaissance de diplôme. Et puis, s'agace M. Jacquet, " si on veut une industrie en France, il faut des ingénieurs. Si on veut des avions qui volent ou des centrales qui ne divergent pas, il faut des ingénieurs capables de manier des données abstraites et complexes. Or, les maths sont un très bon outil pour ça ! "
 
Mais, précisément, " la formation de nos ingénieurs est-elle adaptée pour faire face aux enjeux de la compétition mondiale ? ", s'interroge l'Institut Montaigne. Dans une récente étude, le club de réflexion se montre critique quant au manque d'appétit des ingénieurs français pour l'innovation : ils créent trop peu d'entreprises, ne déposent pas assez de brevets, ne font pas assez de thèses...
 
Bref, note l'Institut, " le confort des grandes écoles, une certaine aversion au risque ou encore l'existence de freins administratifs, culturels et financiers dans le processus de mise en oeuvre d'idées sont autant de facteurs expliquant la frilosité de nos ingénieurs face à l'entrepreneuriat ". Alors ? " Leurs préconisations sont pour la plupart déjà mises en place dans beaucoup d'écoles ", assure M. Jacquet. La tempête ne paraît pas sur le point de se calmer.
 
Benoît Floc'h

Chapitre 1 : Généralités sur les poutres
Chapitre 2 : Caractéristiques géométriques des sections
Chapitre 3 : Traction - Compression
[...]
Chapitre 11 : !oscillations des structures élastiques