l'Antichrist | Amelie51 a écrit :
Bonjour j'ai un devoir de philosophie à faire et j'y arrive pas si quelqu'un avait des idées je suis preneuse.
Je n'arrive même pas à tirer les idées clés de ce texte, de quoi je pourais parler pendant 6 pages..., quel plan faire? La mimique de la colère ou celle de l'amour n'est pas la même chez un Japonais et un Occidental. Plus précisement, la différence des mimiques recouvre une différence des émotions elles-mêmes. Ce n'est pas seulement le geste qui est contingent à l'égart de l'organisation corporelle, c'est la manière même d'accueillir la situation et de la vivre. Le Japonais en colère sourit, l'occidental rougit et frappe du pied ou bien palit et parle d'une voix sifflante. Il ne suffit pas que deux sujets conscients aient les mêmes organes et le même système nerveux pour que les mêmes émotions se donnent chez tous deux les mêmes signes. Ce qui importe c'est la manière dont ils font usage de leur corps, c'est la mise en forme simultanéee de leur corps et de leur monde dans l'émotion. L'équipement psychophyisiologique laisse ouvertes quantité de possibilités et il n'y a pas plus ici que dans le domaine des instincts une nature humaine donnée une fois pour toutes. L'usage qu'un homme fera de son corps est transcendant à l'égard de ce corps comme etre simplement biologique. Il n'est pas plus naturel ou pas moins conventionnel de crier dans la colère ou d'embrasser dans l'amour que d'appeler table une table. Les sentiments et les conduites passionnelles sont inventés comme les mots. Même ceux qui, comme la paternité, paraissent inscrit dans le corps humain sont en réalité des institutions. il est impossible de superposer chez l'homme une première couche de comportements que l'on appelerait "naturels" et un monde culturel ou spirituel fabriqué. Tout est fabriqué et tout est naturel chez l'homme, comme on voudra dire, en ce sens qu'il n'est pas un mot, pas une conduite qui ne doive quelque chose à l'etre simplment biologique et qui en même temps ne se dérobe à la simplicité de la vie animale, ne détourne de leur sens les conduites vitales, par une sorte d'échappement et par un génie de l'équivoque qui pourrait servir à définir l'homme.
Merci d'avance !!!
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L'objectif de Merleau-Ponty dans ce texte est de nous faire comprendre l'uni-dualité de l'homme dans la nature : la Nature est toujours déjà perdue mais en même temps le discours culturel est surdéterminé par la présence absolue de l’être.
En effet, le "travail de la négativité" dont nous parle Hegel est d’abord fondamentalement celui de la conscience. Quand nous disons "La Nature" nous évoquons un vaste ensemble d’êtres et de choses dont nous faisons nous-mêmes partie, mais qui pourrait exister sans nous, qui précéderait notre naissance et subsistera après notre mort. A un niveau élémentaire, la Nature révèle la présence d’un monde pré-humain : elle désigne ce qui existe indépendamment de toute intervention humaine, comme un ensemble de choses produit de manière autonome, et organisé selon un ordre précis. Dans cette Nature, nous ne sommes qu’une poussière fugitive. Et pourtant, cette Nature ne serait rien si nous ne pouvions la percevoir. Elle est un spectacle déployé devant moi dont j’occupe le centre et que je crée en ouvrant les yeux, que j’abolis en les fermant et que je bouleverse dès que je fais un pas. Elle entre dans une perspective qui n’existe que pour moi seul ; elle m’offre une variété innombrable de qualités sensibles, de contacts, de couleurs, de sons, d’odeurs et de saveurs qui me permettent de discerner les choses les unes des autres, de choisir entre elles pour régler mon action, de reconnaître en elles le double caractère d’utilité et de beauté qui leur donne avec moi une certaine affinité. Ainsi, pour l’enfant qui vient à la conscience, cette Nature que chacun touche et sent est le monde qui s’étale sous ses yeux et qui lui semble extérieur et indépendant de lui. Le premier réveil de la conscience face à la Nature qui semble extérieure est un réveil conquérant : il est si bien convaincu de l’extériorité des choses qu’il cherche à les expliquer en les assimilant ; le bébé veut tout ingurgiter pour que rien ne reste à l’extérieur. A cette boulimie digestive, succède une boulimie de l’intelligence qui veut comprendre pourquoi chaque chose est ce qu’elle est, et pas autre. Nous retrouvons ici le questionnement de nature philosophique. Tout philosophe, en effet, adresse au monde un questionnement logique. Ou plutôt, il le lui impose, puisque son entreprise n’a d’autre but que de trouver du sens à ce qui, de prime abord, n’en a pas. Face à ce qui ne se donne pas à penser, le philosophe s’étonne donc : pourquoi de l’existence partout, "cette profusion d’êtres sans origine" ? (cf. Sartre, La nausée) : "La nature dans l’univers entier ne montrait qu’un même visage informe, que les Grecs appelaient chaos, masse brute et confuse" (cf. Ovide, Métamorphoses, I, V.). Cet état de "non-sens", nous l’éprouvons comme une affliction intolérable, une sorte de crime perpétré contre la dignité morale de notre raison. Il faut donc que cette apparente impensable réalité dépende d’un "logos" essentiel, d’une raison universelle dont l’intention cachée pourra se dire dans une "parole fondamentale de la métaphysique" (Heidegger). C’est en ce sens qu’Heidegger montrera que le destin de la métaphysique tient à un coup de force de la pensée humaine, à une décision qui pose en même temps une pensée (logos), une nature (physis), et un cosmos, c’est-à-dire une nature comme ordre. Autrement dit, la philosophie s’impose un dire qui fait écran sur le chaos, sur l’absolu désordre, impensé et impensable. Or, ce logos s’identifie à la puissance ordonnatrice du réel. Le Dieu de la métaphysique, l’entendement divin, est le modèle de l’entendement humain, véritable "créateur" du discours ordonnateur. Et c’est pourquoi le philosophe, en mobilisant sa force conceptuelle voulue sur le modèle de la raison divine, se révèle capable de saisir l’intelligence des choses.
Ainsi, ce qui est en cause dans cette interrogation d’une frange du réel (le sujet) sur le réel dans son entier (la Nature), c’est qu’elle s’effectue au nom d’une structure dont le statut paraît "naturellement" ambigu et paradoxal : notre mode d’appréhension "des choses", c’est-à-dire la conscience, s’offre à la fois comme signe tangible de notre appartenance au monde et aptitude symbolique à distancier ce dernier pour s’en abstraire. La conscience, c’est la volonté d’accueillir la Nature sans jamais l’intégrer. Ce que l’esprit constate, en effet, il s’en détache puisqu’il pourrait le concevoir autrement et qu’il y a en lui plus de possibilités que celles offertes par le réel. Le fait de la conscience est de s’affirmer par-delà toute présence manifeste, bref d’imposer sa culture. La conscience, qui veut rendre compte (ou conte ?) du réel en attestant en nous de la présence du surnaturel, qui cherche à récupérer puis intérioriser quelques bribes de ce réel qui est le non-moi par excellence, peut-elle vraiment prétendre atteindre quelque chose d’effectif en dehors d’elle ? Quel rapport y-a-t-il entre la Nature où je vis et qui me contient, et ce sensible que je vois, que je touche mais que je ne connais que parce que ma conscience l’enveloppe ? D’un côté, la Nature "existe" partout sans nous, mais de l’autre elle n’est (et ne naît) qu’en qualité d’objet fantasmatique (la "loi physique" est d’abord un modèle produit par l’entendement scientifique, de même que le "beau" est le produit de notre sensibilité et imagination dans le domaine artistique…) ; comme une sorte de possible narratif émanant de notre intelligence symbolique, de notre personne métaphysique ou de notre sensibilité métaphorique. Ce langage de la nature, que le philosophe, le scientifique ou le rêveur cherchent à dévoiler partout, n’est-il pas autre chose qu’une illusion fondamentale qu’élabore le discours humain pour résister à l’entropie du monde (la précarité de l’ordre toujours menacé par son retour au désordre initial) ? D’emblée, la force du concept essentialise l’inconnaissable en un tout finalisé, où la recherche implique "la croyance en un objet de nature, c’est-à-dire un objet éternel et divin" (cf. Clément Rosset, L’anti-nature).
Car cette Nature, à la fois présente partout et visible nulle part (véritable ombre de Dieu…), correspond d’emblée à une interprétation religieuse (du latin "religere" qui recueille et qui relie) du monde. Elle est la promotion d’une réalité seconde, idéelle et par là presque indicible. Avec la Nature, une sorte de quintessence du sensible vient au jour, à la fois immédiate et insaisissable, parce que toujours déjà là. Figure de la Vie (bien plus que Force naturelle), toujours silencieuse, invisible et impensable (irreprésentable) dans son accomplissement (un peu comme l’herbe qui pousse… ou la barbe), la nature s’offre, évidente et claire au ciel de nos idées. Mais, vivant paradoxe du réel, cette nature est toujours déjà perdue et c’est pourquoi nous l’aimons : elle est pour nous la quête d’une "authenticité primitive", de cette sauvage vision qui seule peut nous fait atteindre la région originale-originaire de la réalité. En fait, grâce à cette nature-miroir qui, l’espace d’un instant, efface le clivage pathétique de l’existence humaine et de l’Etre, l’homme devient ce qu’il est. Le philosophe, comme l’artiste ou le savant, le poète ou le promeneur prouvent l’absolue disponibilité de l’homme, sa capacité à s’abstraire de toute détermination objective et à affirmer sa liberté. Mais en même temps, leur activité esthétique, critique, scientifique ou contemplative, dévoilent le corps-propre de la nature. Se sont des expériences métaphysiques fondamentales, où se révèle le Même (l’artifice est le propre de l‘homme) et l’Autre (il est inscrit en lui comme une disposition naturelle) du sujet. Cette nature-miroir est un au-delà du réel ! En quelque sorte, c’est un entre-deux magique : à égale distance des hasards de la matière et des artifices de l’activité humaine. Ensemble de forces (la physis) ou principe primordial (le Cosmos, le Logos) ; efflorescence anarchique de la vie dans tous ses états ou action et conduite réfléchies de l’homme ; dynamique productrice des "choses" ou faculté d’infléchissement du réel, la Nature est tout cela en même temps pour l’éternité. En elle, pour une fois, l’acte de la pensée et son objet se confondent.
Bien qu’elle soit un "paradigme perdu", l’horizon sans rivage de notre quête spirituelle ou intellectuelle, la Nature est pourtant indéniable parce que nous nous représentons comme indéniable la nature humaine, c’est-à-dire la faculté d’agir sur la nature, y compris notre propre nature. Loin d’être cette étrange personne, étrangère à tout, et inaccessible, la Nature est inscrite en nous de manière paradoxale : par tous les "artifices naturels" qu’elle déploie pour que l’on arrive à ses fins (cf. "l'insociable sociabilité" chez Kant ou la "perfectibilité" chez Rousseau). Car l’homme est citoyen de deux mondes : issu du monde matériel, il touche au monde spirituel. Il est donc un être "composé", qui cependant forme un tout. Cette situation est l’élément moteur et primordial de sa quête du sens : ce démon (cf. le "daïmôn" des anciens Grecs) de la connaissance qui fait qu’il trouve de l’intention partout, que ce soit au nom de Dieu ou du hasard. Ainsi, nous pouvons souligner d’emblée deux des caractères essentiels de la nature d’un être "condamné au sens" : d’une part, le lien intime qui l’unit à la conscience, unité sans contenu (forme vide) susceptible de recevoir n’importe quel contenu ; d’autre part, le souci majeur d’ordonnance des choses et d’organisation de soi, qui en est comme le corollaire. Ainsi, nous pensons lois parce que nous pensons, et "l’entendement est par lui-même une législation de la nature" (cf. Kant). Face à l’état de non-sens, au manque de cohérence et de cohésion du réel, contre le sentiment de violence absurde qui en émane, ma conscience, en effet, se révolte et exulte ma liberté : penser est un cri lancé contre l’absurde de notre condition. Etant, à la différence de Dieu, une "personne" inachevée, par cet univers de fictions verbales qui habite ma pensée, je règle logiquement (selon le Logos, parole et mesure) mon appartenance au monde. Bref, la conscience, c’est l’art de poser sa différence en regard de la nature ou d’émettre au monde ses objections. L’homme est donc le seul être libéré de la nature et la culture est son mode d’être au monde. Dans son effort culturel constant, fragile, souvent chaotique, l’homme creuse sa différence radicale. Et c’est pourquoi Merleau-Ponty pourra écrire : "Tout est fabriqué et tout est naturel chez l’homme, comme on voudra dire, en ce sens qu’il n’est pas un mot, pas une conduite qui ne doive quelque chose à l’être simplement biologique - et qui en même temps ne se dérobe à la simplicité de la vie animale, ne détourne de leur sens les conduites vitales, par une sorte d’échappement et par un génie de l’équivoque qui pourraient servir à définir l’homme." (cf. Phénoménologie de la Perception). En tout cas, le vrai, le juste, le bien, le beau sont des idées dont nous éprouvons la « valeur » avec force, quand bien même nous ne parviendrions jamais à les définir. La nature humaine ou "le congé définitif que l’instinct reçoit de l’intelligence" (cf. Bergson, L’Evolution créatrice).
Tu as compris l'enjeu du texte j'espère ! Au travail maintenant... |