La règle pour les dissertations littéraires est de ne jamais mettre de titre au début des parties ni entre les sous-parties. Le texte doit présenter une fluidité (aussi bien dans la lecture que dans sa structure intime) qu'une succession de titres viendrait immanquablement rompre. En revanche, il faut aérer la présentation, soit en sautant une ligne entre chaque paragraphe, soit en revenant à la ligne avec alinéa. Mais le plus important concerne l'introduction : son rôle unique est de problématiser le sujet tel qu'il se présente (souvent sous la forme d'une question). Il faut donc toujours articuler deux paragraphes de telle sorte que le correcteur soit amené à comprendre pourquoi la question méritait d'être posée, les raisons qui la rendait nécessaire. Le troisième paragraphe constitue la position du problème formulé en plusieurs questions. Si elles sont bien rédigées, elles valent comme annonce de plan et donc se substitue à lui ! Pas besoin de perdre son temps avec un plan ! Exemples sur deux sujets de philo :
Sujet : l'illusion n'est-elle qu'une erreur ?
L’illusion témoigne du pouvoir qu’a l’homme de se tromper. Emma Bovary rêve d’un amour absolu et se trompe en imaginant que le réel pourrait satisfaire sa soif d’idéal. Son illusion semble être une simple erreur d’appréciation quant à ce que le réel pourrait lui fournir. L’erreur, qui relève de la fausseté, pourrait être alors considérée comme une juste définition de l’illusion.
Or, l’illusion n’est-elle qu’un jugement faux ? L’illusion possède une originalité et une complexité qui, en raison de sa dépendance à des facultés humaines aussi différentes que la perception, l’imagination ou encore la raison, ne peut pas toujours être assimilée à une simple erreur de jugement ou à une faute logique de l’intelligence. L’illusion d’Emma Bovary répondrait plutôt à un besoin tellement vital que, lorsqu’elle comprend que la réalité ne pourra jamais lui offrir un amour absolu, elle finit par se suicider.
Plus tenace, plus intense et parfois plus tragique que l’erreur, l’illusion ne s’en distingue-t-elle que par degré ou bien assure-t-elle en l’homme une fonction vitale tout à fait particulière dont l’originalité la rendrait irréductible à l’erreur ? Les concepts d’erreur et d’illusion relèvent-ils du même domaine au sein duquel ils ne feraient que varier (différence de degré seulement) ou bien relèvent-ils de deux domaines distincts (différence de nature) ?
Sujet : peut-on vivre sans désirer ?
Sur un plan strictement biologique, la vie humaine ne se distingue pas de celle de l’animal. Parce qu’il est un être animé, l’homme « vit » dans le sens ou son mouvement est organisé selon un principe de finalité interne : le préserver de la mort. La vie humaine est d’abord commandée par le besoin. Satisfaire ses besoins est une nécessité vitale puisqu’en son absence la vie de l’individu est menacée. Ainsi, il est impossible de vivre sans désirer car à l’état statique du besoin correspond le mouvement dynamique du désir vers l’objet susceptible de satisfaire le besoin. Lorsque nos contemporains valorisent la société de consommation, ils rêvent naïvement d’un monde meilleur où tous les besoins seraient satisfaits par des objets donnés à tous.
Mais, s’il y a là sans doute l’expression sophistiquée de la peur, biologiquement ancrée dans la conscience, de manquer des objets nécessaires « pour persévérer dans son être » (cf. Spinoza, Ethique, III, 16), n’est-ce pas ici rêver d’un retour à la condition d’un animal qui se résignerait à recevoir ce qu’on lui donne dans un parc bien enclos par sa paresse et sa lâcheté ? La vie constituée par le besoin, qui se contente du donné, n’est pas une vie proprement humaine : au désir causé par le besoin, nous devons opposer l’acte volontaire et libre par lequel l’homme choisit de poursuivre telle fin. Vivre une vie humaine, c’est reprendre à notre compte notre nature d’être désirant, c’est-à-dire orienter nos désirs dans les directions fixées par la conscience : que désire fondamentalement l’homme sinon la présence d’une absence : l’Autre, Dieu, etc...
Comment, dans ces conditions, est-il possible de renoncer librement aux projets que le désir fait se lever et en même temps de mener une existence pleinement humaine en se choisissant librement, en choisissant et en se choisissant ? N’est-ce pas le propre de l’homme de s’imposer au donné, de le dépasser dans des projets qui donnent un sens à sa vie ?
Message édité par l'Antichrist le 23-03-2008 à 07:58:38