Bon comment dire... Déjà, avant tout, je tiens quand même à saluer le fait que l'on s'interroge sur la qualité de l'information à laquelle on a accès. Mais au-delà de cette intention louable, ta vision est très naïve...
"Les médias fabriquent l'opinion". Non, chacun se fabrique son opinion, à partir d'informations que l'on va puiser à différentes sources, dont les médias (mais aussi les réseaux sociaux, sa famille, ses amis...). Et on choisit ses sources d'information. On fonctionne en cherchant et en accordant plus de crédibilité à ce qui renforce notre vision du monde, nos préjugés, nos convictions, et qui se conforme à nos valeurs. Or, il se trouve que le paysage médiatique est extrêmement varié, du Figaro à l'Huma, du Monde au Canard, de Libé à Valeurs actuelles. Et je parle que de la presse là, on peut jouer au même jeu avec le JT de TF1 et celui d'Arte pour la télé, par exemple. Je vois pas comment une telle diversité d'orientations parfois totalement à l'opposé des unes des autres, pourrait manipuler le peuple dans un seul sens. Donc on en revient au point de départ: des personnes qui choisissent de s'informer à des sources préçises dans un viviers de points de vue divers et contradictoires. Et je vois pas où est la manipulation.
Et puis personne n'a jamais changé d'opinion en lisant une information contraire à ce qu'il pense. La réaction sera de se dire que cette info est forcément manipulée, puisque non conforme à ce que l'on "sait" être vrai. Tu fais lire l'Huma à un patron du CAC40, y'a zéro chance pour qu'il devienne communiste.
Contrôler quoi exactement ? Ce qu'ils ont le droit de dire ou pas ? Les sujets à traiter ? D'exprimer leur point de vue ? Je suis pas sûr que restreindre les libertés des médias permettent d'augmenter les libertés de ceux qui les lisent. En fait je pense très exactement le contraire.
Et puis ça me parait incroyablement dangereux et aberrant, parce que ce système via le vote des Français désignera "les gens qui chapeauteront ça". Donc pour éviter l'emprise des politiques sur les médias, la solution c'est de mettre en place le même système pour contrôler ces médias que celui qui met au pouvoir les politiques, qui ont une emprise sur les médias... C'est un raisonnement complètement foireux en fait.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué. La pluralité des opinions, elle existe déjà, au travers des différents médias déjà, et au sein de leurs rédactions, quoi qu'on en pense. Tous les journalistes du Figaro n'ont pas voté Fillon d'un seul bloc, tous ceux de Libé n'ont pas voté Hamon.
Et puis je comprends pas trop comment ça se passerait. Chaque journal se verrait contraint d'avoir des quotas de journalistes de chaque partis politique ? Mais un journaliste c'est pas un militant, il peut avoir une opinion sur certains sujets en accord avec une idéologie, mais pas du tout sur une autre. Le mec qui est pour l'accueil sans limite des migrants, mais anti-IVG et mariage pour tous à fond, il va dans quel case exactement ? Et il faudrait que chaque journaliste prenne une carte dans un parti, et s'engage à ne respecter que la ligne de celui ci ?
Et du coup dans ce système chaque titre de presse aura le même comité éditorial en gros. Donc pourquoi se faire chier à avoir plusieurs journaux ? Autant en garder qu'un, ce sera plus pratique. Une source unique d'information, ce serait super, et là aucun risque d'orienter les opinions du peuple dans une seule direction...
Au fond de ce débat, je pense qu'il y le problème de l'objectivité. Autant vous le dire tout de suite, c'est un fantasme, ça n'existe pas et ça ne peut pas exister. On est pas objectifs, en tant que citoyens, pourquoi les journalistes devraient être les seuls à l'être ?? L'objectivité, ça sous-entend la Vérité, une seule manière de traiter une information est vraie, et toutes les autres relèvent de la manipulation. Mais une info, elle n'existe pas par elle-même, décorrélée de toutes les autres. Et toutes ces informations et la manière dont on les interprètent tissent un écheveau complexe qui reflète notre vision du monde. Revendiquer l'objectivité de l'information, c'est militer pour que tout le monde pense la même chose.
Déjà ça me pose problème, et ensuite, comment on choisirait entre toutes les nuances ? Tu veux tester ? Dis moi quelle est l'info objective entre ces deux là: "des migrants désespérés fuient la famine et la guerre et cherchent refuge dans les pays riches" vs "les pays développés envahit par des hordes de crypto-terroristes et payés par Soros pour grand remplacer les populations autochtones".
Donc l'objectivité dans ce contexte ça n'existe pas et heureusement. Par contre ce que l'on est en droit d'attendre de ceux qui font l'info, c'est de l’honnêteté. Ne pas inventer des faits, ne pas faire dire à des personnes des choses qu'elles n'ont pas dites, etc. Et ça, c'est à ceux qui consomment l'info de faire le tri, et ça nécessite une éducation aux médias, qui ne peut pas être assurée par ces mêmes médias, mais qui doit être indépendante. Il est là le levier, avec en parallèle la pluralité des médias qui elle seule permet de refléter la complexité du monde, et certainement pas un illusoire contrôle pour définir une information soit-disant objective et de fait unique.
Pour finir ce pavé, je me dois de dire que j'ai été journaliste, pour la presse quotidienne nationale. Chaque jour, on recevait des emails, parfois très violents, nous accusant de rouler pour des partis politiques. Pour tous les partis en fait. Au moment de l'élection présidentielle, on était "démasqués" par tous les bords, on manipulait notre lectorat en faveur de Macron, et de Le Pen, et de Mélenchon, et de Fillon, et de tous les autres, absolument tous. C'est bien la preuve qu'en fonction de la personne en face de nous, tout ce qu'on publiait pouvait être interprété de toutes les manières possibles, et que non, on ne manipulait au final personne, si ce n'est les gens déjà alignés sur notre ligne éditoriale.