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Les Falashas ou les juifs noirs
Il est une catégorie de Noirs de la diaspora dont l'historiographe moderne ne parle que très rarement : ce sont les Falashas, ou les juifs noirs de l'oubli. Plusieurs auteurs portugais et espagnols des XVIème et XVIIème siècles, ainsi que les voyageurs anglais Bruce et Henri Salt, ont parlé, dans leurs écrits sur l'Abyssinie, d'une peuplade juive établie là depuis des temps immémoriaux. Ces juifs sont appelés Falashas ou les "exilés", par les autres habitants de l'Abysinie (6).
Notre principal informateur sur l'histoire des Falashas est sans nul doute l'orientaliste Joseph Halévy. Chef d'une expédition éthiopienne, ce savant a pénétré par hasard dans un village primitif, aussi pauvre que les autres, mais qui exhibait fièrement une majestueuse étoile de David sur le toit d'une case en terre battue. Halévy s'est donc trouvé en présence d'une branche du peuple du Livre. Ces Falashas, coupés depuis de longs siècles du reste du monde, observent scrupuleusement tous les rites du temps de Moïse.
Au premier abord, écrit Halévy (7), rien ne distingue les Falashas des Abyssins chrétiens. Ils s'habillent comme eux, leurs prêtres portent des turbans comme les prêtres chrétiens, ils bâtissent leurs maisons de la même manière ; mais un examen attentif nous persuade qu'ils diffèrent beaucoup entre eux. Les Falashas sont en général plus corpulents et plus foncés que les Amharas ; leurs cheveux sont plus courts et souvent crépus. "Le mosaïsme que professent les Falashas est le mosaïsme pur...". En effet, les Falashas mangent suivant les règles de la Kashrout, emploient de nombreux mots hébreux dans leurs prières, cessent de travailler le samedi et, dans leurs synagogues, où les hommes sont séparés des femmes, ils prient dans une vieille Bible écrite en guèze.
Parmi les question que soulève aujourd'hui la présence d'une communauté noire juive, se pose tout d'abord celle de leur origine. Ici, les réponses des historiens sont évidemment très variées. Les Falashas pourraient être, dit-on, des juifs yéménites qui auraient traversé le bras de mer qui sépare le Yémen de l'Ethiopie ; par ailleurs, il est possible qu'ils soient les descendants de la tribu de Dan (8) qui seraient passé en Ethiopie à l'époque de la dispersion. Pour les falashas eux-mêmes, la réponse est claire : ils sont issus de l'escorte juive que le roi Salomon donna à la reine de Saba lorsqu'elle repartit pour l'Ethiopie [...].
Cette version de l'origine des Falashas ne résiste pas, selon Halévy, à l'analyse. Un rite particulier aux Falashas, écrit-il au sujet de la circoncision, me paraît jeter une vive lumière sur leur origine. Les Falashas, à la différence des autres juifs, pratiquant cette opération au septième jour au lieu du huitième, et sur les deux sexes. Or la première circonstance s'explique par une variante du texte guèze, mais comment expliquer la seconde, qui n'est pas recommandée dans le Pentateuque, si ce n'est que cet usage existait déjà chez les Falashas avant qu'ils eussent adoptés le judaïsme, ce qui amène à supposer qu'ils sont indigènes de race Agaou, convertis à la loi de Moïse à une époque et par des personnes inconnues (7).
Selon le même Halévy, le judaïsme se serait introduit en Ethiopie par les Himyarites du Yémen. Depuis quelques années, ces juifs noirs cherchent à aller s'installer en Israël [...]. Que sait des juifs noirs l'homme de la rue israélien ? Les seuls qu'il a vus de près sont les quelques trois cents Noirs de Chicago qui, arrivés en 1971, ont proclamé : "Nous sommes les seuls vrais juifs et nous avons l'intention de renverser votre gouvernement blanc !". Si personne ne les prenait au sérieux, il n'en demeure pas moins que le gouvernement israélien se trouve confronté à un choix difficile : ou il met en question la loi du Retour ou il l'applique à tous les juifs (blancs ou noirs). Les Noirs américains, comme ceux qui vivent dans les pays musulmans, ont, pour la plupart, une ascendance servile. Mais, parmi les Noirs de la diaspora, il existe une catégorie dont la date d'expatriation est récente. Il s'agit des Noirs qui quittent volontairement l'Afrique pour aller soit en Europe, soit, paradoxalement, en Amérique.
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