Nauru est une île minuscule perdue dans l'océan Pacifique, à 2 500 kilomètres au nord-est de l'Australie. On en fait le tour en une demi-heure. C'est aussi la plus petite République du monde, avec ses 12 000 habitants. C'est enfin, sur 21 kilomètres carrés, un désastre écologique, économique et humain absolu.
Il y a trente ans, Nauru était le deuxième pays le plus riche du monde par habitant. Aujourd'hui, l'île est en faillite, l'électricité est coupée plusieurs heures chaque jour, et le port est laissé à l'abandon. Le reportage de Laurent Cibien et Pascal Carcanade, diffusé mercredi 20 septembre sur Arte, ressemble à un conte écologique, avec un dénouement amer.
Dans l'histoire de Nauru, il y a eu d'abord la bonne fée, puis la mauvaise. On comprend vite que c'est la même. Le phosphate, qui a fait la richesse de l'île lorsque celle-ci est devenue indépendante en 1968, a aussi causé sa perte. Les revenus des carrières de phosphate ont radicalement changé le mode de vie des Nauruans. Ils ont acheté sans compter de grosses voitures et des climatiseurs, des appareils électroménagers et des bateaux. Et puis, les gisements de phosphate se sont épuisés. Le gouvernement, mal conseillé, a effectué des placements désastreux à l'étranger.
L'exploitation du phosphate a dévasté le paysage. Le centre de l'île est devenu un paysage lunaire, parsemé de trous et de bosses. Les carcasses de voitures s'entassent dans une gigantesque décharge à ciel ouvert. Un habitant montre son vieux réfrigérateur désespérément vide et son poste de télévision en panne. "Ce n'est pas très grave, car l'émetteur de la télévision nationale est cassé, lui aussi", dit-il en riant.
Il y a pire encore. Nauru compte le plus fort taux de diabète de la planète. La faute en incombe à la nourriture trop riche des années fastes. L'espérance de vie ne cesse de diminuer. Elle n'est plus, en moyenne, que de 55 ans. Désormais, on ne trouve plus guère que de la farine et du riz dans les magasins. L'office de tourisme est désert.
Qui voudrait visiter un port en ruine, des carrières abandonnées et un cimetière de voitures ? La seule activité d'avenir est désespérante, elle aussi. L'Australie a installé dans l'île, loin de ses côtes, des camps de rétention pour ses demandeurs d'asile. Les baraquements ont abrité jusqu'à 1 200 personnes, originaires d'Irak et d'Afghanistan. Ils ont été vidés de leurs occupants, mais pourraient bien se remplir à nouveau. Les habitants de Nauru, après avoir dilapidé leur unique richesse, ont-ils pour seule vocation de devenir gardiens de prison ?