Il est clair qu'Éric et Ramzy étaient géniaux dans H et dans la Tour, et encore plus au théâtre, aujourd'hui encore. Double Zéro et les Daltons ont prouvé que quand ils n'ont pas le contrôle, des réalisateurs nuls sont capables de faire de la merde malgré leur talent.
La Tour a été réalisé par le réa de H, et le scénario a été écrit par Éric et Ramzy eux-mêmes, et le producteur leur avait non seulement donné carte blanche après les avoir vus au théâtre bien qu'il n'ait pas ri, mais devant l'hilarité de la salle il était sorti convaincu qu'il pourrait faire plein de fric avec eux et leur avait quémandé de faire un film avec son fric. Conditions idéales et très rares dans le business du cinéma. Si vous faires attention à ce que révèlent les réalisateurs de temps en temps, vous aurez noté que c'est souvent l'enfer de monter un film, qu'il faut des années de négociations avec des cons pleins de fric qui ne comprennent rien à l'art. N'oublions jamais qu'Orson Welles a été totalement lâché par les producteurs! Ça veut tout dire. Et c'est ce qui s'est passé après le succès de la Tour: tous leurs projets sont tombés à l'eau, comme Moyen Man, le projet de super héros super moyens. Le producteur de la Tour avait gagné de l'argent, mais il devait penser qu'il avait fait un bon coup avec eux et ne voulait pas miser sur leurs projets plus délirants, qui n'ont pas convaincu les autres producteurs non plus. Ils se sont donc rabattus sur un projet qu'on leur a livré déjà prêt: 00, en espérant qu'un nouveau succès permettrait de financer leurs coûteux projets très personnels.
Pour Double Zéro donc, le scénario n'était pas d'eux et les nombreuses modifications qu'ils avaient demandées n'ont jamais été appliquées par les auteurs du scénar, le réa ou la prod. Ils ont donc dû essayer de sauver le film sur le tournage en improvisant beaucoup de scènes pour les améliorer. Résultat: ils ont sauvé un tiers des scènes, mais pas tout le film. Le réa n'était pas un réalisateur de comédies mais plutôt de films d'action, il n'avait pas la sensibilité qu'il fallait pour réussir une comédie malgré la présence en plus d'Édouard Baer. Ça veut tout dire. Bref, Éric et Ramzy n'y sont pour rien et s'ils s'étaient conformés au scénario le film aurait été aussi nul que les Daltons.
Les Daltons, encore une autre configuration: le scénario est d'eux, mais jamais ils n'ont réussi à convaincre les producteurs d'embaucher un vrai réalisateur de comédies. Ils se sont donc retrouvés avec un type pas drôle qui n'avait jamais réalisé de comédie de sa vie, mais dont les relations privilégiées avec la production lui ont permis d'obtenir ce job. Résultat, à peine croyable, chaque scène a été tournée deux fois: la version drôle d'Éric et Ramzy, puis la version du réa pas drôle. C'est ce dernier qui a fait le montage. Comme certaines célèbres leçons de cinéma l'ont démontré, deux montages différents peuvent totalement modifier le sens d'une scène, comme d'un film, et totalement foutre en l'air un film. C'est ce qui s'est passé avec les Daltons. Pour comprendre ce qui s'est passé, imaginez que le film a été réalisé par la personne la plus lourde et la moins drôle que vous connaissez. Le cinéma est un monde de dingues, mais le politiquement correct et la peur font que les acteurs et les réalisateurs ne le disent quasiment jamais pendant la promo, et pourtant la folie et l'incompétence des producteurs expliquent énormément de ratages.
Pour ce nouveau film, Éric et Ramzy n'y sont pour rien si vous aimez ou pas, c'est au réalisateur qu'il faut s'en prendre ou qu'il faut encenser. Il est responsable de tout. En tout cas ce n'est pas une pure comédie, c'est un vrai OVNI, qu'on adorera ou détestera, mais au moins ce n'est pas un film banal de plus.
Ce qui est dommage dans ce système c'est qu'on met presque toujours en avant les acteurs pendant la promo, alors que la plupart du temps la qualité ou la nullité d'un film dépendent très peu d'eux. Là on annonce ce film comme le nouveau Éric et Ramzy, comme à chaque foix, alors qu'ils n'ont jamais réalisé le moindre film! On devrait surtout parler pour chaque film de l'auteur du scénario et du réa...mais la France traite les auteurs de scénarios comme la dernière roue du carosse, contrairement aux USA où ils gagnent beaucoup d'argent, et où un scénario est en moyenne réécrit 7 fois par 7 scénaristes différents. C'est à se demander comment le cinéma français a fait pour résister infiniment mieux que les autres cinémas nationaux en Europe, face à la déferlante hyper pro des zaméricains. Je me dis qu'avec plus de professionalisme le cinéma français pourrait être encore beaucoup plus fort à l'international.
La critique de Libé en entier:
A une époque et dans un pays indéterminé, deux amis, Georges et Blaise, se retrouvent après sept ans de séparation. Les codes depuis leurs dernières entrevues ont changé. On ne dit plus bonjour mais «bottine», et tout le monde se fait refaire le visage, surtout les jeunes gens du lycée. Une bande de minets à blouson rouge, les Shivers, forme l'aristocratie de ce nouveau dandysme lifté. Georges décide lui aussi d'en passer par la chirurgie esthétique afin de devenir un vrai Shiver. Blaise, lui, se sent délaissé dans cette époque qu'il ne comprend plus.
Sur le forum du site Allociné, au film Steak , quelques internautes échangent des considérations critiques : «J'avais trop envie de voir ce film. Je l'ai vu. Au début ça m'a fait rire, quelques bonnes répliques par-ci par-là . Les plans séquences souvent fixes sont intéressants. Puis, après, le film s'essouffle et part dans un humour ringard.» (Jojo32Tyler), «Non mais tu t'attendais à quoi en voyant un film avec Eric et Ramzi ? A un film qui allait te faire mal aux abdos tellement tu allais rire ? Chaque fois qu'ils nous font un film, c'est de la merde, tu peux rien y faire...» (espuma). Echaudé par l'accueil méprisant réservé à leurs deux dernières incursions cinéma ( Double Zéro et les Dalton ), le duo comique Eric et Ramzy et leur distributeur Studio Canal ont préféré ne pas montrer ce nouveau film au-delà d'une certaine presse magazine ciblée. Le film bénéficie d'une large sortie (450 copies) et veut capitaliser sur une habile campagne de pub, avec un affichage massif et de nombreux extraits sur Internet. A Libé, nous n'avions d'ailleurs reçu qu'un dossier de presse, mais une main généreuse, passant outre ce filtrage marketing, a déposé opportunément un DVD du film sur notre bureau.
Inconnu underground. On pouvait craindre une daube sans nom, et on se retrouve avec un film profondément atypique. On ne se tord pas de rire, on n'a pas mal aux abdos pour reprendre l'expression de notre nouvel ami espuma, mais on est constamment éberlué par ce croisement aberrant entre David Cronenberg et les Monty Python, art contemporain et vidéo gag... La curiosité suscitée par Steak tient en priorité à celui qui le signe, Quentin Dupieux, qui fut, sous le pseudonyme de Mr Oizo à la fin des années 90, le créateur de la marionnette Flat Eric, devenue culte via une série de pubs Levi's. A l'époque, alors qu'il n'avait que 24 ans, Dupieux avait écoulé dans le monde entier quelque 3 millions de singles de la musique Dirty Flat, qu'il avait composée en deux heures de temps pour le spot. Du jour au lendemain, ce jeune inconnu underground, évoluant dans le petit cénacle branché de la French touch, réalisateur de quelques clips pour Laurent Garnier et auteur de deux ou trois maxi confidentiels sur le label F Communications, est devenu un phénomène. La créature en pilou jaune, nouveau Kermit désinvolte de l'ère électronique, déchaîne un enthousiasme à faire peur, et les propositions de déclinaison en tout genre, clips, émissions de télé sur MTV, films, dessins animés, tee-shirts, sacs à dos, affluent de toutes parts.
De manière assez surprenante, alors qu'il aurait pu tirer d'imposants bénéfices de la franchise Flat Eric et surfer sur l'hystérie générale, Dupieux refuse tout et tue la bestiole. Il se met à l'élaboration d'un album radicalement anticommercial ( Analog Worms Attack, 1999), puis décide d'autofinancer son premier long métrage, Nonfilm (2001), qu'il tourne avec une poignée d'amis en Espagne, sans scénario, «une manière rigolote de dépenser mon fric, explique-t-il aujourd'hui. Je me suis payé un caprice de gosse, personne n'en a voulu, les distributeurs me prenaient pour un taré...» Le Nonfilm , comédie expérimentale avec le musicien Sébastien Tellier, reste dans les tiroirs. Arte vient juste d'en acheter, il y a quelques jours, une version rétrécie que la chaîne culturelle pourrait diffuser à la rentrée.
Effet perturbant. La rencontre avec Eric et Ramzy vient donc opportunément mettre fin à une période de relégation. La notoriété du duo est telle qu'ils parviennent à boucler un budget alors qu'aucun scénario n'est encore écrit, juste quelques lignes d'un synopsis flou : «Nous avons eu plusieurs projets ensemble qui n'ont pas abouti, notamment un film d'horreur, une sorte de slasher qui a été annulé au dernier moment. Quand j'ai vu les Dalton, j'ai arrêté de croire dans notre association. J'ai trouvé ça très dur pour eux et ça m'a complètement tétanisé. Il a fallu que je les revoie sur scène à l'Olympia pour que je puisse m'y remettre et j'ai écrit le film, seul, en huit mois.»
Bousculés dans leurs habitudes, ils sont excellents parce que fragilisés par l'isolement auquel le film les pousse. D'un côté, un excentrique arty de 33 piges d'une réelle intégrité, citant parmi ses maîtres Luis Buñuel, Bertrand Blier et Blake Edwards (et pas n'importe quels films mais Elle et S.O.B., les plus rares), de l'autre, les perpétuels bateleurs de foire show-biz, infatigables et fatigants dans leur numéro de gamins turbulents en mal de gifles. Le cinéaste a compris qu'il fallait empêcher le duo de ruminer toujours les mêmes vieux gimmicks. Eric est donc interné dès le début du film en hôpital psy et se prend des claques et des jets d'eau froide pour le calmer. Les grimaces de Ramzy disparaissent, elles, sous des bandages après une opération esthétique : «J'ai détruit le duo pour pouvoir les considérer l'un et l'autre comme des comédiens à part entière.»
A l'arrivée, ils ont peu de scènes ensemble. Le parti de ne faire quasi que des plans séquences, d'éviter les champs-contrechamps et la frénésie du montage devenue la norme dans le genre comique surprend lui aussi. Dupieux est manifestement ravi de l'effet perturbant que provoque son film : «Il y a eu une version plus folle, plus radicale, où on avait mis des tonnes de musiques dramatiques partout. Mais je ne voulais pas qu'on se dise que le metteur en scène se prend pour un artiste et se fait plaisir. Il faut maintenir une certaine ambiguïté entre le ringard et le moderne, le premier degré et les références absurdes. Personne ne sait vraiment quoi penser : "Est-ce qu'il se fout de notre gueule ?" "Est-ce que c'est réussi ?" J'ai encore lu un truc dernièrement où on me compare à Max Pécas. Je trouve ça intéressant...»
«Débilité ambiante». Même si Quentin Dupieux se défend d'être un «branché», le groupe des Shivers, bande de crâneurs défigurés, obnubilés par leur apparence, buvant du lait à longueur de temps, est constitué notamment de Vincent Belorgey, alias Kavinsky, et de Sébastian Akchote, dit SebastiAn, deux musiciens qui se produisent en guest stars de la tournée en cours des Daft Punk. La musique du film sort chez Ed Banger, le label créé par Pedro Winter, le manager avisé des Daft, qui abrite le groupe Justice, nouvelle coqueluche techno avec quelque trois millions de visiteurs sur leur page MySpace. Le compositeur barbu Sébastien Tellier tient quant à lui un petit rôle de voleur de voitures en fauteuil roulant.
Entre éloge de l'idiotie fondamentale et satire de l'époque ( «Une petite pièce pour me faire refaire le visage» quémande Ramzy réduit à la mendicité), Steak (titre qui n'a bien entendu aucun rapport avec le film) traite à sa manière volontairement dérythmée, photographique, anormale, qui n'est pas sans lien avec l'humour déphasé des frères Coen d' «une espèce de débilité ambiante». «Le risque, c'était de donner l'impression de vouloir délivrer un message du genre "attention, regardez, le monde va mal", alors que je m'en fous complètement. Au contraire, j'encourage vivement les gens à faire n'importe quoi.» Bon esprit, donc.