1946 - Philippines. La question de l'ingérence américaine est complexe et difficilement datable. L'histoire de cet archipel du Pacifique au xxe siècle est intrinsèquement liée à celle des États-Unis. Colonie américaine de 1898 à l'occupation japonaise, l'indépendance lui est accordée en 1946, après que le Bell Trade Act eut donné aux États-Unis le droit d'exploiter sans restriction les ressources naturelles du pays au titre des dommages de guerre. Les ÉtatsUnis y ont conservé 23 bases militaires jusqu'en 1992, participant à la répression des opposants communistes ou musulmans. La sujétion est si forte que les Philippins ont envoyé des combattants aussi bien en Corée qu'au Vietnam.
1947 - Grèce. Les Britanniques, incapables de contrôler la situation en Grèce où une guérilla de gauche se développe rapidement contre la dictature de droite qu'ils y ont instaurée, passent la main aux États-Unis. Dans les derniers mois de 1947, ceux ci livrent 74 000 tonnes de matériel militaire au gouvernement grec et envoient quelque 250 conseillers militaires sur le terrain, assurant ainsi la victoire des forces de droite en 1949.
1950 - Porto Rico. Cédé par l'Espagne aux États-Unis en 1898, Porto Rico s'est vu accorder en 1952 le délicieux statut d'« État libre associé aux États-Unis ». Deux ans plus tôt, cependant, les troupes américaines y stationnant en permanence avaient écrasé un mouvement d'indépendance. Très étroite association, donc. Régulièrement, un référendum est organisé pour tenter de transformer 1'« État libre » en État tout court. La population en a chaque fois rejeté l'idée.
1950 - Corée. Les armées de la Corée du Nord franchissent le 38ème parallèle et pénètrent sur le territoire de la Corée du Sud. À la demande des Nations unies, qu'ils dominent très largement, les États-Unis « acceptent » d'aider à « repousser l'agression armée ». Tant au Nord qu'au Sud, deux millions de Coréens trouveront la mort au cours de cette guerre.
1953 - Iran. En 1951, après que le gouvernement iranien a décidé la nationalisation du pétrole et renouvelé sa confiance au Premier ministre, Mossadegh, les Britanniques mettent en place un blocus et organisent le boycott des compagnies pétrolières iraniennes. En conséquence, une partie de l'armée et les grands propriétaires fonciers participent en 1953 à un coup d'État orchestré par la ClA. Soutenu pendant les vingt-cinq ans qui suivirent par les Américains, le Chah d'Iran dut cependant s'enfuir en 1978 devant le raz-de-marée de la révolution islamique. Deux ans plus tard, la guerre Iran-Irak (1980-1988) fut une aubaine pour les industries d'armement à travers le monde et en particulier aux États-Unis.
1954 - Guatemala. Des mercenaires entraînés par la ClA au Honduras et au Nicaragua renversent, avec l'aide de l'aviation américaine, le gouvernement le plus démocratique que le Guatemala ait jamais connu.
1958 - Liban. Des milliers de marines sont envoyés au Liban pour empêcher le renversement du gouvernement pro-américain et protéger ses intérêts dans cette région riche en ressources pétrolières.
1961 - Cuba. Armés et entraînés par la ClA, plus de mille exilés cubains débarquent dans la Baie des Cochons avec l'espoir de provoquer une rébellion contre le gouvernement castriste. Ce gouvernement est alors très populaire, le soulèvement n'a pas lieu et les mercenaires sont rejetés à la mer. L'embargo américain qui frappe Cuba depuis le début des années 1960 dure encore.
1961-1972 - Vietnam. Si les « activités » américaines dans cette région datent du début des années 1950, la nation la plus puissante et la plus riche du monde usa entre ces deux dates de tout son arsenal militaire (excepté la bombe atomique) pour venir à bout d'un mouvement révolutionnaire nationaliste qui s'est développé dans un petit pays à population majoritairement rurale. La guerre la plus longue dans laquelle les États-Unis se sont embarqués fit des millions de morts vietnamiens et américains. Le caractère cinglant de la défaite américaine est à l'origine d'une crise morale sans précédent dans tout le pays.
Laos & Cambodge. Durant toute la guerre du Vietnam, ces deux pays contre lesquels les ÉtatsUnis ne furent pas officiellement en guerre ont été les cibles d'incessantes attaques aériennes et d'innombrables massacres perpétrés par les troupes américaines.
1965 - Indonésie. Prétextant une tentative de coup d'État des communistes (pourtant proches du pouvoir), une opération militaire sanglante dont les dirigeants sont téléguidés par la ClA en profite pour écarter Sukarno du pouvoir. Une véritable chasse à l'opposant fait dans les années qui suivent des centaines de milliers de victimes. C'est le début de la longue et meurtrière carrière de Suharto, qui a culminé au Timor-Oriental.
République Dominicaine. Sous couvert de l'Organisation des États américains, les États-Unis interviennent militairement pour contrer une prétendue menace communiste. La bataille de Saint-Domingue fait quelque dix mille victimes.
1970 - Oman. Épaulées par les conseillers américains, les troupes iraniennes tentent d'envahir le sultanat.
Proche-Orient. Forte implication diplomatique et militaire des Américains auprès d'Israël lors les guerres qui ont lieu dans cette région du globe.
1973 - Chili. Par l'intermédiaire de la GA et de la Firme ITT, les États-Unis sont à l'origine du coup d'État militaire au cours duquel le président socialiste Salvador Allende, démocratiquement élu la même année, « trouve » la mort. Ses crimes : nationalisations et réforme agraire.
1975-1999 - Timor-Oriental. L'Indonésie envahit et annexe le Timor-Oriental en 1975, décimant un tiers de sa population. L'armée et les milices indonésiennes agissent avec un soutien sans faille des États-Unis, qui durera vingt-cinq ans. Après la chute de Suharto en 1999, un référendum est organisé au Timor-Oriental, à l'issue duquel 80 % de la population choisit l'indépendance. Téléguidées par l'armée, les milices indonésiennes font régner la terreur la plus effroyable. Le gouvernement américain n'acceptera l'idée d'une force onusienne de maintien de la paix que sous la pression de l'opinion publique internationale.
1980-1990 - Salvador. Dans les années 1970, une guérilla de gauche menée par le Front Farabundo Marti de Libération Nationale intensifie ses opérations contre les forces gouvernementales. Les ÉtatsUnis, qui ont toujours pesé sur la politique intérieure de ce pays, s'y sont alors engagés militairement. Parallèlement, l'oligarchie au pouvoir s'appuie sur les trop fameux « escadrons de la mort » qui terrorisent la population. En 1980, l'aréchevêque Romero, personnalité très populaire, est assassiné par des Salvadoriens proches de la ClA. En dix ans, la guerre civile fait 100 000 morts.
1981-1988 - Nicaragua. Arrivés au pouvoir en 1979, les sandinistes s'engagent dans une série de réformes que les États-Unis ne peuvent accepter. Ils apportent alors leur soutien financier et militaire aux contras basés au Honduras. En 1986, un scandale, l'Irangate, révèle que le produit d'une vente d'armes américaines à l'Iran a servi à financer les groupes terroristes de la Contra. En 1990, les sandinistes sont écartés du pouvoir à la suite d'élections libres.
1982-1984 - Liban. Les soldats américains assistent en spectateurs (dans le meilleur des cas) aux expulsions et aux massacres de Palestiniens par les troupes phalangistes du Liban soutenues par les États-Unis et Israël.
1983 - Grenade. Embourbés au Liban, les États-Unis font une démonstration de force en envahissant la minuscule île de la Grenade. Le prétexte invoqué : la sécurité de quelques citoyens américains. Huit ans plus tard, le Wall Street Journal qualifiait cette démonstration d'« invasion des banques » - l'île était « devenue un véritable paradis pour l'évasion fiscale et la fraude financière ».
1986 -Libye. L'aviation américaine bombarde des villes libyennes, faisant des centaines de victimes parmi les civils et les officiels.
1989 - Philippines. L'aviation américaine prête main-forte aux forces du gouvernement pour contrecarrer un des nombreux coup d'État contre la présidente, Corazon Aquino. Cette dernière s'opposait vigoureusement aussi bien aux communistes qu'aux indépendantistes musulmans.
Panama. Inventé de toutes pièces par les États-Unis pour leur assurer le contrôle du célèbre canal (et des bénéfices énormes qu'il génère), le Panama n'a longtemps été que l'ombre d'un État. Pourtant, en 1964, les marines qui protègent les intérêts des administrateurs américains du Canal ont dû écraser une révolte panaméenne visant à nationaliser ce secteur stratégique. Après avoir utilisé et protégé durant des années la dictature de Noriega pour préparer leurs attaques contre le Nicaragua sandiniste, les États-Unis décident de s'en débarrasser. Sous prétexte de faire comparaître Noriega inculpé de trafic de drogue devant les tribunaux américains, 26 000 soldats américains envahissent le pays. Dans l'opération, des centaines de civils périssent sous les bombardements. Il semble que le dictateur sud-américain favori des États-Unis ait été sacrifié pour faire oublier leurs échecs face à Castro et aux sandinistes du Nicaragua.
1991 - Irak. Après avoir été durant de longues années un allié précieux des États-Unis (en particulier pendant la guerre Iran-Irak), Saddam Hussein commet l'erreur d'envahir et d'annexer le Koweït sans en référer à la superpuissance mondiale. Ne pouvant accepter de perdre le contrôle sur une partie des ressources pétrolières du Golfe, les États-Unis, avec l'autorisation de l'ONU et le soutien de forces internationales, volent au secours de la souveraineté du Koweït et déclarent la guerre à l'Irak en janvier 1991. Le Koweït est libéré un mois plus tard. En 1998, pour d'obscures raisons, les Américains et les Anglais reprennent les bombardements sur l'Irak, toujours sous le coup d'un embargo international.
1994 - Haïti. Après avoir occupé Haïti de 1915 à 1934 puis soutenu les deux dictatures effroyables de François et Jean-Claude Duvalier (1957-1986), les États-Unis se sont montrés favorables au coup d'État militaire qui renversa, en 1991, le père Jean-Bertrand Aristide, premier président librement élu de toute l'histoire de Haïti. Puis, en 1994, avec l'autorisation de l'oNu, les troupes américaines intervienenent militairement pour imposer son retour. Parmi les militaires impliqués dans le coup d'État, on trouve un certain colonel François, formé dans la même académie militaire américaine que plusieurs autres éminents dictateurs latino-américains (Noriega, D'Aubuisson, etc.).
1998 - Soudan. Des missiles américains détruisent des usines de production pharmaceutiques supposées servir de lieux de production d'armement chimique à des fins terroristes.
1999 - Yougoslavie. Depuis 1990, les Albanais, majoritaires au Kosovo, avaient su développer une société parallèle non violente. Mais, à partir de 1998, l'Armée de libération du Kosovo (UCK) mène des opérations de guérilla contre les forces de police serbes qui, de leur côté, prennent en otage les populations civiles. Cette situation critique ne trouvera pas de réponse dans les Accords de Rambouillet (véritable ultimatum américain adressé à Milosevic et rejeté par lui). En mars 1999, sous l'impulsion des États-Unis, l'OTAN bombarde le Kosovo et la Serbie, provoquant l'intensification des représailles serbes sur les populations civiles de la province. Le 3 juin, un accord est signé entre l'OTAN et la Serbie.
Extrait de l'ouvrage « De la guerre comme politique étrangère des Etats-Unis », de Noam Chomsky, édité par Comeau & Nadeau (Canada, ISBN 2-922494-39-9) et Agone (France, ISBN 2-910846-38-5).
Message édité par NINOH le 16-09-2004 à 09:32:32