Biodiversité : Jacques Chirac tire la sonnette d'alarme
LEMONDE.FR | 24.01.05 | 16h42
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La conférence internationale de l'Unesco sur la biodiversité s'est ouverte, lundi à Paris, sur fond de la catastrophe liée au tsunami. Le président Jacques Chirac tire la sonnette d'alarme alors que les ONG dénoncent un double discours. Un "appel de Paris" est attendu pour la fin de la semaine.
La conférence internationale sur la biodiversité s'est ouverte, lundi 24 janvier, à l'Unesco sur un discours de Jacques Chirac, qui avait pris l'initiative d'organiser ce sommet. Le président français a tiré lundi la sonnette d'alarme sur la disparition accélérée des espèces et a annoncé que la France s'engageait sur une série de mesures comme la création d'un parc national en Guyane ou la protection de la barrière de corail en Nouvelle-Calédonie.
"APPEL DE PARIS"
Il a aussi appelé la communauté internationale à créer "un groupe international sur l'évolution de la biodiversité" pour permettre aux scientifiques d'avoir une meilleure connaissance de ce phénomène et d'alerter les dirigeants politiques et l'opinion, à l'image de ce qui existe sur le climat. La conférence internationale sur la biodiversité planchera jusqu'à vendredi sur un "appel de Paris" en direction des gouvernements et décideurs politiques, selon un projet de texte rendu public par le directeur de son comité scientifique, Michel Loreau.
"Les espèces s'éteignent actuellement dans le monde à un rythme environ cent fois supérieur au taux moyen observé dans l'histoire de la Terre et des millions d'autres espèces sont d'ores et déjà condamnées à une extinction future", constate le comité de scientifiques. "Si des actions fortes ne sont pas prises aujourd'hui pour comprendre et protéger la biodiversité, nous perdrons à jamais l'opportunité de récolter l'ensemble des bénéfices potentiels pour l'humanité", mettent en garde les scientifiques. Selon l'Union mondiale pour la nature, 15 589 espèces sont menacées d'extinction, soit un mammifère sur quatre, un oiseau sur huit, une espèce d'amphibien sur trois, du fait de la modification de leurs milieux par l'homme et du changement climatique.
Au titre de la protection de la forêt tropicale, M. Chirac a ainsi assuré que, dès cette année, "l'Etat n'utilisera, pour ses grands travaux immobiliers, que du bois écocertifié, une mesure étendue d'ici à 2010 à tous les achats publics. Chaque pays doit prendre des mesures concrètes. Au premier rang, ceux qui abritent une biodiversité exceptionnelle. Comme la France, qui s'y engage résolument", a-t-il dit, alors que de nombreux experts accusent la France d'être en retard pour la protection de ses richesses naturelles. La France, grâce à ses territoires d'outre-mer, abrite 10 % des récifs coralliens mondiaux, 20 % des atolls et plus de 7 millions d'hectares de forêt amazonienne en Guyane.
M. Chirac a annoncé une série de mesures, notamment "la création d'ici à 2006" des parcs nationaux de la Réunion et de Guyane qui sont depuis des années en gestation, celle de nouveaux parcs naturels marins, ainsi que de réserves naturelles dans les terres australes et antarctiques françaises. En Nouvelle-Calédonie, la France "renforcera aussi la protection et la gestion de la barrière de corail, en vue de son classement au patrimoine mondial de l'Unesco", a-t-il assuré. Le chef de l'Etat s'est également engagé à ce que la France complète "d'ici la fin 2006 le réseau de ses sites Natura 2000", un réseau de sites naturels européens pour lequel la France est en retard. "Grâce à cet ensemble de mesures, la France entend tenir l'engagement européen d'enrayer l'érosion de sa biodiversité d'ici 2010".
"DOUBLE DISCOURS"
Des organisations écologiques organisent un contre-sommet en marge de la conférence de Paris sur la biodioversité pour dénoncer les "contradictions" de la France et l'appeler à passer aux actes. Greenpeace et les Amis de la Terre ont décidé de participer d'une façon parallèle à cette grand-messe voulue par Jacques Chirac pour "tenter de convaincre les responsables politiques de l'urgence d'agir". "Nous craignons qu'une nouvelle fois les discours succèdent aux discours", expliquent les deux ONG dans un communiqué commun.
Plusieurs d'entre elles ont ainsi dénoncé le "décalage entre les déclarations et les réalités du terrain", selon les termes de France Nature Environnement, "alors que la biodiversité demande une stratégie ambitieuse et urgente". Greenpeace et les Amis de la Terre ne voudraient pas que les responsabilités de Paris, qui figure parmi les pays du Nord les plus riches en biodiversité, soient éludées lors de la conférence organisée pour contribuer au travail de la Convention sur la diversité biologique (CDB). "Depuis sa signature en 1992, force est de constater que la Convention sur la diversité biologique n'a pas permis d'enrayer l'érosion de la biodiversité mondiale", écrivent les deux associations, prenant pour exemple la dégradation des forêts tropicales. "Toutes les six heures, c'est une surface forestière équivalente à Paris, ville d'accueil de ce nouveau sommet, qui disparaît, entraînant l'extinction de nombreuses espèces végétales et animales parfois inconnues", affirment-elles.
"Dans les forêts, l'opacité, l'absence de gouvernance et l'impunité règnent en maîtres [...]. Mais c'est toute l'humanité qui est concernée par le pillage de son patrimoine." Pour mettre le gouvernement français face à ses responsabilités et lui présenter "réflexions et recommandations" à la veille du sommet de Brazzaville sur les forêts du bassin du Congo, les 4 et 5 février, auquel participera Jacques Chirac, les Amis de la Terre et Greenpeace organisent une semaine de débats parallèles.
Les organisations ont également prévu des actions, comme la mise en scène interactive, dans la rue, du procès public de l'exploitation forestière, dans le 1er arrondissement de Paris.
Avec AFP et Reuters