Bonsoir Guillaume (je me permets)
je vais tenter de te donner une réponse. D'abord je suis juriste et doctorant en droit. J'ai préalablement travaillé dans un gros cabinet d'avocats international. Je pense connaître suffisamment cet univers pour pouvoir t'apporter quelques réponses.
Tout d'abord, c'est possible de devenir avocat après avoir été ingénieur. Je connais quelqu'un qui a fait ça ; cette personne s'ennuyait dans son boulot d'ingénieur, et a fait ce choix. L'expérience a été concluante, du moins pour la réussite au concours. Par contre pas de passerelle, il faut reprendre à zéro. Mais c'est possible de suivre des études de droit tout en travaillant.
Sur les conditions d'accès à la profession :
Il est possible de ne présenter le concours d'avocats que si tu as auparavant obtenu certains diplômes dont la liste est limitative : master 1 d'une faculté de droit ou les diplômes de droit économique ou carrières judiciaires de l'IEP de Paris. Hors de ces sésames, point de salut. C'est pour cela qu'il faut soigneusement éviter les diplômes d'école de commerce pour passer le concours à moins d'avoir au moins un M1 de droit avant.
Il faut être de "bonne moralité" (en gros ne pas avoir eu à faire à la police pour des infractions trop graves, une enquête est menée avant la prestation de serment) et avoir un casier judiciaire vierge.
sur les conditions de travail
Comme partout, il y a à boire et à manger. Il est possible d'exercer dans des grosses structures, et des moins grosses. La nature des dossiers, des conditions de travail comme la rémunération varient fortement en fonction de la taille du cabinet dans lequel tu évolues, même si naturellement rien n'est absolu.
dans les grands cabinets
Premier point, les horaires sont parfois délirants. Leurs jolis comptes de résultat sont directement causés par l'abnégation des collaborateurs qui, pour le coup, donnent leur âme au cabinet. Le traitement des dossiers est parcellaire, je veux dire par là qu'il est rare de traiter le dossier dans son ensemble.
En contrepartie, les clients sont souvent de grandes entreprises qui sollicitent tant une expertise pointue, qu'une capacité du cabinet à solutionner très vite les problématiques soumises. C'est un exemple qui en vaut un autre, une augmentation de capital en bourse se décide et se fait très vite puisque les marchés financiers offrent des fenêtres de tir assez restreintes. Dans une telle hypothèse, l'avocat (enfin le cabinet) rend l'opération possible en solutionnant à toute vapeur les obstacles qui pourraient affecter l'opération, et une fois que c'est bon, cette dernière est lancée. Ce sont des dossiers chronophages, c'est un peu la panique à bord au cabinet. Et il faut vraiment, vraiment beaucoup travailler.
Leurs domaines d'activité sont le droit des sociétés (cotées ou pas), le droit des marchés financiers, le droit de la concurrence, le droit fiscal... et ils valorisent une expérience certaine pour certaines opérations qui demandent beaucoup de staff : introductions en bourse, gestion fiscale, fusion/acquisitions, contrôle des concentrations, candidatures à des marchés publics…
Autre point important, le gros de l'activité des grands cabinets n'est pas de plaider : le gros de l'activité consiste à conseiller des opérations en les sécurisant tant d'un point de vue juridique (éviter qu'une partie ultérieurement lésée ne vienne demander au juge d'annuler l'opération, c'est le cauchemar absolu) que fiscal (bien tout verrouiller pour que les contrôles fiscaux ultérieurs se passent bien).
Dernier point : si la rémunération est confortable voire très confortable, les avocats de ces cabinets sont des avocats collaborateurs, juridiquement indépendants et sans la protection du salariat (congés payés, protection sociale). Ils sont donc lourdables du jour au lendemain. Matériellement, ils n’ont aucune indépendance, le lien de subordination et la hiérarchie font vraiment partie des contraintes de ces structures.
Mais il y en a qui aiment, les dossiers permettent de solutionner des cas vraiment intéressants, il y a une émulation certaine. Ces cabinets sont généralement très bien situés (ils sont quasiment tous dans le 8eme), avec des jolis locaux.
Ces grands cabinets sont (liste non limtative) : cleary gottlieb, clifford chance, shearman et sterling, allen et overy, gide loyrette nouel, Bredin Prat, Darrois, de Pardieu Brocas Maffei...
dans les petits cabinets
On change d'ambiance! Premier point et non des moindres, on passe de structures de 300 personnes à des petites PME. L'immense majorité des cabinets français compte au maximum 4 ou 5 associés, pour lesquels travaillent un ou deux collaborateurs.
Ces structures n'ont ni la taille, ni le staff, ni le réseau pour conseiller des grandes entreprises et des grosses opérations. S'ils interviennent ponctuellement sur des activités de conseil (cessions de fonds de commerce, cessions et transmissions d'entreprises ou de parts et actions, constitution de sociétés...), le gros de leur activité est contentieuse : ils plaident, pour des clients locaux, rarement internationaux. Dans tous les cas, ce sont des clients de petite taille pour les entreprises (je dis pas PME parce qu'au sens du droit communautaire, une PME c'est 250 salariés, CA 50 millions d'euros et 37 millions d'euros de total de bilan) ou des personnes physiques.
N’importe quel jeune avocat dans ces structures fait du droit pénal : là c’est vraiment l’image d’Epinal de la profession, en robe, au tribunal correctionnel ou à la cour d’assises (avec un peu de bouteille quand même), en prison (les audiences disciplinaires de détenus à l’intérieur de la prison pour infractions au règlement de l’établissement nécessitent la présence d’un avocat), assistance aux gardés à vue, devant le juge d’instruction ou des libertés et de la détention. Humainement c’est intéressant, mais difficile, peu lucratif, ça prend beaucoup de temps, les dossiers sont parfois pourris (les flics ont tout pour confondre le client qui a avoué, le procureur hargneux, le président mal luné, le prévenu dit finalement que c’est pas lui au tribunal et envoie la victime se faire dorer… je carricature à peine), en même temps c’est enrichissant du point de vue personnel, l’extraordinaire fait partie de ton métier, il y a une confraternité qui est appréciable, de temps en temps ça se passe bien voire très bien… Bref certains aiment, d’autres détestent… comme tout. Il faut avouer que la procédure pénale est un instrument passionnant à manier.
A côté du pénal, il y a naturellement un contentieux civil (droit de la famille : divorce, successions, filiation), du droit immobilier (baux, loyers), du recouvrement de créance, du droit de la faillite (on dit du droit des procédures collectives), du droit de la consommation… c’est très varié, l’ennui est vraiment rare même s’il y a parfois des harpies en procédure de divorce franchement enquiquinantes, des dossiers correctionnels où le client est fait aux pattes…
Si tu souhaites avoir un aperçu de cette profession, tu peux visiter les blogs de Me Eolas ou de M e Mô, ça t’en dira plus sur l’activité d’un avocat pénaliste. Tape ça dans google et ça apparaît !
Dernier point : beaucoup de pénal se fait à l'aide juridictionnelle. Généralement, avocat indépendant dans un petit cabinet ça paie assez mal au début voire très mal, mais ça finit par être confortable.
Et les horaires sont lourdes, il y a beaucoup de temps perdu à attendre au tribunal pour plaider, à faire la compta, courir après les honoraires..
sur a possibilité de valoriser ton bagage technique
Fatalement, le droit s’éloigne de l’ingéniérie. Cependant, sache que de nombreux contentieux font fatalement appel à des experts pour éclairer une situation à laquelle ni le juge, ni les avocats ne risquent de comprendre quoi que ce soit. J’ai eu entre les mains des dossiers de droit de la construction ou de réparation du dommage corporel, la technicité est très présente. Mais j’ignore dans quelle mesure il est possible d’y valoriser concrètement ta compétence d’ingénieur.
Sûrement dans le domaine des brevets (pour déposer un brevet, il faut décrire l'invention, et c'est une affaire de spécialiste. Mais dans ce cas là, tu travailles pour un conseil en propriété industrielle qui n'est pas avocat), ou dans le contentieux de la propriété industrielle mais ce dernier est rare.
Et pour répondre à ta dernière question, pour défendre les faibles il faut aller dans les petites structures, les gros cabinets internationaux font rarement dans la philantropie. Et fais gaffe de ne pas attendre trop de reconnaissance dans les yeux de tes clients, ils voient plus l'avocat (le baveux est le surnom chez les voyous) comme un riche parasite que comme un efficace auxiliaire.
Mais à titre personnel, je n'ai AUCUNE envie de faire autre chose!
Naturellement si tu veux plus d'infos ou si tu as des questions spécifiques hésite pas à me contacter