Article de Mieux-vivre: Empruntez aux meilleures conditions
septembre 2004
N’allez pas voir tout de suite votre banque. Faites d’abord jouer la concurrence et comparez les offres dans leur ensemble. Il n’y a pas que le taux qui compte !
Avant de se lancer dans l’acquisition de son logement, il est indispensable d’estimer son budget. Ne le limitez pas à la seule valeur du bien convoité, mais pensez à y ajouter les frais : entre 3 et 5% du prix dans le neuf, entre 7 et 9% dans l’ancien. Puis posez-vous deux questions capitales. Quel est mon apport personnel ? Quel montant puis-je emprunter ? Si la réponse à la première est facile à déterminer, il n’en va pas de même de la seconde. Le montant du crédit dépend de trois critères : son taux, sa durée et la capacité de remboursement de l’emprunteur, c’est-à-dire la part de ses revenus disponible chaque mois pour payer le crédit. Celle-ci est, en principe, plafonnée par les établissements prêteurs au tiers des revenus disponibles du ménage. Ainsi, un gain net mensuel de 2.700 euros permettrait de rembourser 900 euros par mois et d’emprunter, au taux fixe de 5%, la somme de 84.850 euros sur dix ans ou de 136.370 euros sur vingt ans. Et plus encore sur vingt-cinq ans. Avec un taux de 4% seulement, le montant de l’emprunt passe à 88.893 euros sur dix ans et 148.520 euros sur vingt ans.
On s’en doutait, mieux vaut emprunter au meilleur taux ! D’où l’intérêt de faire jouer la concurrence. La tâche est facilitée avec les sites de crédit sur Internet. On peut y obtenir très vite plusieurs offres de différents établissements. Rien n’empêche alors de consulter sa banque habituelle. Histoire de ne pas perdre un client, elle fera souvent une proposition concurrentielle…
La comparaison entre les offres doit porter sur toutes les conditions du prêt. Bien sûr, on se focalise d’abord sur le niveau du taux. Mais il faut aussi considérer sa nature : fixe ou variable. Avec le premier, la rémunération du banquier est immuable tout au long de la vie du crédit. En pratique, le taux proposé dépend du niveau des taux d’intérêt à long terme lors de la signature du prêt. Avec le second, le taux change tous les ans en fonction, en général, des fluctuations de la rémunération de l’argent à court terme. Pour faire la différence à son avantage, un taux variable doit être au moins inférieur d’un point à un taux fixe. Sinon, entre un taux variable à 3,5% et un taux fixe à 4,2%, par exemple, autant opter pour la sécurité du second.
Surtout dans la situation actuelle. Attention aussi aux taux d’appel, parfois utilisés par les prêteurs à taux variables. L’offre alléchante présentée dans leur publicité – 2,95%, par exemple –, est maintenue seulement pendant quelques mois, un an au plus. C’est donc le taux applicable à l’issue de cette période qu’il faut prendre en considération.
Hypothèque ou caution : un critère à prendre en compte
Au-delà du taux, un prêt doit aussi être choisi pour sa souplesse. La modularité des échéances et la possibilité de remboursement anticipé, le tout sans frais ni pénalité, sont des atouts importants, surtout pour un prêt à très long terme. Des crédits qui peuvent toutefois se révéler très dangereux (voir encadré). Enfin, une attention toute particulière doit être portée aux garanties demandées : hypothèque ou caution bancaire. Si l’on achète un bien ancien avec un crédit limité à dix ou douze ans, une hypothèque est généralement moins coûteuse. En revanche, en cas d’acquisition d’un logement en l’état futur d’achèvement au moyen d’un crédit sur quinze ans ou plus, mieux vaut donner la préférence à l’établissement de crédit qui propose une caution.
Si vous achetez pour louer, vous avez probablement intérêt à opter pour un crédit in fine. Avec un crédit classique, c’est-à-dire amortissable, chaque échéance mensuelle est composée d’une part d’intérêts et d’une autre de capital. Au fil des mensualités, la part de capital augmente et celle des intérêts diminue. Dans un crédit in fine, au contraire, le capital n’est pas amorti. Il est remboursé en une seule fois, à la fin. D’où son nom. Les mensualités ne comprennent que des intérêts. Aussi paraissent-elles plus légères. On a vu l’exemple d’un prêt classique de 84.850 euros à 5% sur dix ans qui exige des mensualités de 900 euros. En in fine, la mensualité tombe à moins de 355 euros. Mais cette apparente légèreté n’est qu’un leurre, pour deux raisons.
Premièrement, l’emprunteur doit économiser s’il veut disposer, au terme du prêt, des fonds nécessaires au remboursement du capital. Ceci explique qu’un prêt in fine soit toujours adossé à un contrat d’assurance vie. L’emprunteur y dépose un capital de départ puis des versements mensuels. Par sécurité, il est conseillé d’opter pour un contrat en euros et de se montrer prudent sur la rémunération escomptée : de 4 à 4,5% maximum. A 4,5%, par exemple, il faut placer 10.000 euros au départ puis 463 euros par mois (hors frais) pour reconstituer un capital de 84.850 euros en dix ans. Deuxième raison, un prêt in fine coûte environ 30% plus cher en intérêts qu’un crédit classique. Alors, pourquoi s’y intéresser ? A cause de la fiscalité.
N’oublions pas que, dans le régime d’imposition des loyers, les intérêts constituent une charge déductible. Mais jamais le remboursement du capital. Avec un crédit classique, au bout de quelques années, une part importante des loyers perçus sert à rembourser le capital. Cette part est imposable et, pour les gros contribuables, fortement taxée. Rien de tel avec le crédit in fine. Prenons l’exemple d’un investissement en Robien neuf. Le loyer couvre généralement les intérêts et les charges courantes. L’avantage fiscal – l’amortissement du prix d’achat – génère un déficit imputable sur le revenu global du contribuable, dans la limite de 10.700 euros. Il diminue donc d’autant son revenu imposable et bénéficie ainsi d’une économie d’impôt. Absurdité de la fiscalité immobilière qui oblige à donner plus à son banquier pour donner moins à son percepteur...
Le piège des prêts de très longue durée
Sur vingt-cinq ans au lieu de vingt, avec une mensualité de 900 euros et un taux de 5%, on peut emprunter environ 17.620 euros de plus. Bien utile pour boucler un plan de financement ! Bien sûr, le montant des intérêts s’en ressent : il atteint 116.000 euros sur vingt-cinq ans, contre 79.630 sur vingt ans. Mais là n’est pas le plus grave. Le vrai piège tient à la faiblesse du capital remboursé au cours des premières années. Il est particulièrement redoutable pour les acquéreurs empruntant la totalité ou presque de leur prix d’achat. S’ils sont obligés de revendre au bout de quelques années seulement et qu’ils réalisent une moins-value, le prix de vente risque de ne pas être suffisant pour rembourser la banque. Il ne s’agit pas d’une hypothèse d’école. En effet, dans l’ancien, l’état actuel du marché immobilier laisse planer une menace de retournement de conjoncture. Et dans le neuf, il est exceptionnel qu’un bien prenne de la valeur au cours des années suivant sa construction. Il accuse, au contraire, une décote qui ne se comble généralement pas avant dix ou douze ans. Il faut avoir conscience de cette réalité avant d’acheter un logement en lointaine périphérie, quand on a toujours vécu en centre-ville. Car une revente précipitée pour cause d’inadaptation au nouveau cadre de vie peut se révéler très pénalisante sur le plan financier.
Que vaut l’offre de votre banquier ?
Au 30 juillet 2004. Prêt amortissable classique. Hors assurance (ajouter environ 0,36%)
Qualité du taux
Excellente
Bonne
Moyenne
Type de taux
Fixe
Révisable
Fixe
Révisable
Fixe
Révisable
10 ans
3,75%
2,80%
3,95%
3,00%
4,10%
3,20%
15 ans
4,10%
3,05%
4,25%
3,20%
4,45%
3,35%
20 ans
4,35%
3,30%
4,50%
3,40%
4,65%
3,55%
25 ans
4,40%
-
4,80%
-
5,00%
-
Taux révisable plafonné + ou – 2 %
Christian Micheaud