Plan 9 from outer space
Que dire sur cette pièce cinématographique qui n?ai pas encore été dit, lu ou écrit ?
Pas grand chose à mon avis, c?est pourquoi l?on se contentera de brièvement résumer l??uvre maîtresse d?Ed Wood, et de citer quelques anecdotes afin de tout de même mettre l?eau à la bouche des personnes n?ayant jamais vu le film. On s?interrogera ensuite sur la notion de nanar, « Plan Nine » étant la base parfaite pour tisser une réflexion sur cette problématique aussi simple à énoncer que complexe à traiter : « pourquoi aimons-nous les nanars » ?
D?abord le film : Plan Nine, c?est du tout cuit. C?est un film mythique, le mètre étalon du nanar en quelque sorte.
Dès sa sortie, Ed Wood a immédiatement été qualifié de « plus mauvais réalisateur du monde ». Le film n?étant qu?une succession de scènes plus fauchées les unes que les autres, sans grande cohérence. On y trouve tout ce que l?amateur éclairé de nanars recherche : des acteurs très mauvais, des effets spéciaux très très cheaps même pour l?époque, un scénario des plus débiles et des incohérences à tous les niveaux?
L?histoire peut se résumer en quelques mots : des extra terrestres veulent envahir la terre et pour cela ils utilisent le plan n° 9. Réveiller les morts pour afin qu?ils tuent eux mêmes les vivants.
On a donc droit à des soucoupes volantes en carton, des scènes de poursuites hallucinantes où les plans successifs se déroulent aléatoirement la nuit et le jour, des retournements de situations téléphonés, et des bastons très mauvaises. Les extra terrestres ne sont ni plus ni moins que des hommes, parlant un très bon anglais, et leur soucoupe ressemble à s?y méprendre à une pièce vide dans laquelle on aurait posé un bureau et quelques oscilloscopes.
Pour la petite histoire, Bela Lugosi joue dans ce film. Cet acteur mythique interprétera ici son dernier rôle, au grand désespoir de Wood puisque la star décédera avant la fin du tournage. Ne pouvant décemment se priver d?un tel nom au générique, c?est tout naturellement que le réalisateur demandera au médecin de sa femme de remplacer Bela, en secret?Les deux hommes ne se ressemblent évidemment pas, ceci explique pourquoi dans certains plans le personnage se tient avec sa cape devant le visage, ne parle pas?et mesure 20 centimètres de plus.
Bref, « Plan Nine » mérite d?être vu plus peut-être que n?importe quel autre nanar tant il est dense et important dans l?histoire du cinéma. Nombre d?articles, on été écrits dans les magazines, sur le net et l?on ne saura que trop conseiller de visionner le film que le grand Tim Burton a consacré au « plus mauvais réalisateur du monde ».
Venons en maintenant à la problématique centrale de ce papier, que le film d?Ed Wood illustre à merveille. Pourquoi aimons-nous les nanars ?
D?abord, et il ne faut pas se leurrer, il y a un côté narcissique dans notre passion. Il est bon de se sentir omniscient, face aux ?uvres que nous décortiquons.
En effet, dans un nanar le spectateur maîtrise en quelque sorte la globalité du film. Il a un avis sur le cadrage, la photo, la direction des acteurs, le scénario, les effets spéciaux et le reste.
Le spectateur ne se trouve pas perdu comme il peut l?être face à un film de Lynch, il ne laisse pas ses émotions en pâture à un réalisateur qui le mène par le bout du nez sans qu?il n?ait son mot à dire, comme peuvent le faire des Fincher ou autres Aronofsky.
Cela ne veut pas dire que le nanar ne surprend pas, mais cela signifie que, quand il surprend, c?est qu?il nous montre une scène pire que celle que l?on attendait ( Là c?est que c?est du bon, du gros nanar).
Bref le nanar nous permet de nous sentir bon en cinéma en listant les scories que nous n?aurions pas commises.
Cela explique en partie pourquoi, si Ed Wood a été taxé d?être le plus mauvais réalisateur du monde, son film est devenu culte : Il est toujours bon, voir nécessaire, de s?évaluer par rapport à des gens plus mauvais que soi. Quel sentiment jouissif, en effet, de n?être qu?un simple spectateur, et pourtant de pouvoir déconstruire, sans trop se mouiller le travail d?autrui..
Mais ce n?est pas tout, loin s?en faut. Je dirais même, que ce sentiment est complètement secondaire.
Je crois que dans le fond ce qui nous fait aimer les nanars tient d?un autre sentiment que le simple narcissisme. Je crois que, si l?on y regarde de plus près, il y a également de la tendresse et, quelque part, de l?admiration.
En effet, comment ne pas avoir de sympathie pour ces gens qui s?évertuent à faire des films, envers et contre tout ?
Je pense que de tous temps, le public a connu une affection particulière pour ce qui ne rentrait pas dans les cases, pour les marginaux.
C?est la fameuse problématique des Comics américain : est-ce que ce sont les Super Héros où les Super-vilains qui engendrent l?admiration ? Que serait Batman sans la horde de méchant qui s?évertuent à le combattre ?
Et bien dans le monde du cinéma je pense qu?il en va de même ! Les grands auront toujours besoin des petits qui s?évertuent à assouvir leur passion, ne serait-ce que pour les situer : comment, sans le très mauvais, juger le très bon ?
Une tendresse donc, pour tout ce qui ne rentre pas dans les cases, tout ce qui dérange. Disons que les réalisateurs nanars sont nos « freaks » à nous. Des créatures cinématographiques rejetées par l?ensemble de la société et qui pourtant ont des choses à dire. Comment dès lors ne pas avoir d?admiration, pour ces loosers magnifiques qui finalement auront toujours une leçon à nous donner.
Comment, de fait, ne pas admirer ces gens qui, quoi qu?on en dise, on eut le courage de vivre de leur passion. Combien de personnes se retrouvent-elles coincées dans une situation, un métier qui ne leur plait pas, alors qu?elles avaient des aspirations artistiques ou autres ?
Combien d?adolescents ont-ils dû remiser leurs doux rêves au placard, car ils n?avaient pas la force de lutter contre un establishment qui leur ordonnait d?être réaliste ?
Combien d?apprentis chanteurs, acteurs, peintres, danseurs, sportifs se sont-ils vu conseiller de trouver une « vrai » profession, avant de pratiquer leur passion ?
Ed Wood a beau être parmi les plus mauvais réalisateurs, au moins, quand on parle de lui on emploie le terme « réalisateur » et cela devrait servir de leçon à beaucoup qui le critiquent, alors que finalement ils n?ont pas eu son courage.
J?ai donc de l?admiration pour ces gens qui ont vécu leur rêve envers et contre tout ( et même contre une absence totale de talent, ce qui est d?autant plus héroïque ! )?
edit: merci a Juju_Zero pour le link
Message édité par Cereal_Killer le 29-01-2003 à 13:01:30
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Yo momma so fat, a Lorentz contraction wouldn't have any effect ever!