La chambre syndicale des sociétés de services, Syntec Informatique, émet sept propositions en faveur d'une plus grande flexibilité de l'emploi. Les syndicats redoutent une assimilation entre SSII et sociétés d'intérim.
Le navire où sont embarquées les sociétés de services tangue dangereusement : lors de sa réunion semestrielle de cette semaine, Syntec Informatique, la chambre syndicale des SSII, a confirmé une décroissance de 3 à 5 % pour cette année. Il s'agit de la deuxième année de récession consécutive pour la profession. Plus de doute, donc : la crise qui touche le secteur des services informatiques est désormais profonde. Et les causes vont bien au-delà du simple ajustement conjoncturel.
Plusieurs éléments entrent en jeu. Un manque de visibilité économique général a d'abord provoqué, depuis la mi-2001, le report de nombreux projets chez les donneurs d'ordres. Cela a eu pour effet d'inverser le rapport de forces entre l'offre et la demande.
Mais, ces deux dernières années, les SSII ont aussi été entraînées dans une spirale de baisse des prix de leurs prestations. Cette baisse est liée au changement des pratiques d'achat de leurs clients : délais de décision rallongés, grille de référencement et mise en concurrence plus forte des prestataires, adoption des enchères inversées... Les pertes de revenu se sont accentuées en 2003. Les grandes SSII ont quasiment toutes annoncé une baisse de leur chiffre d'affaires à périmètre constant au premier semestre. Et Syntec Informatique s'attend à une réduction d'effectif du secteur de 3 à 4 % cette année. Après avoir longtemps procédé à des licenciements individuels souvent abusifs, un nombre croissant de SSII s'est résolu à recourir à des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE). A l'image de Cap Gemini Ernst & Young, EDS, LogicaCMG, SQLI, ESR, Fi System ou T-System Soleri.
Fort de ce constat, Syntec Informatique s'est décidé à prendre le taureau par les cornes en choisissant la carte de la flexibilité accrue. Arguant des spécificités de la profession qu'elle représente, l'organisation milite pour un « assouplissement des dispositifs légaux et conventionnels ». Elle a ainsi mis à profit la période estivale pour élaborer un « document de position », où sont décrites les principales mesures préconisées.
Il ne s'agit toutefois que d' « une base de réflexion appelée à être enrichie » , tempère Jean Mounet, président de Syntec Informatique. Ce mois-ci, l'organisation professionnelle organise des réunions bilatérales avec les syndicats avant la tenue d'une commission paritaire en novembre. D'ores et déjà, la CGT, qui diffuse ce document en ligne(*), FO et la CFTC ont annoncé leur refus catégorique de négocier ce texte. Le Mouvement pour une union nationale des consultants en informatique (Munci) plaide, lui, pour une refonte de la convention collective, qui remonte à 1987. En attendant d'éventuelles négociations syndicales, le Syntec a rendu public ses sept propositions destinées à donner une plus grande marge de manoeuvre aux SSII dans la gestion de leurs ressources humaines.
Aucune leçon n'a été tirée de la crise de 1993
Si elles sont adoptées, les mesures préconisées vont, à n'en pas douter, entraîner une plus grande précarité de l'emploi dans les SSII. Face au problème des intercontrats, la chambre syndicale a clairement choisi la carte de la flexibilité accrue de l'emploi. Quitte à assimiler les SSII à des sociétés d'intérim.
« La dégradation du marché ou la percée de l'offshore sont des réalités. Mais elles ne doivent pas masquer les lacunes du management » , tranche Françoise Dupuich-Rabasse. Pour ce professeur à l'ESC de Rouen, « aucune leçon n'a été tirée de la crise de 1993. Alors qu'elles n'ont que de la matière grise à gérer, les SSII n'entreprennent toujours pas d'actions de valorisation ni même de reconnaissance des compétences. Ce qui conduit à un turnover élevé, à une démotivation généralisée et à la fuite des hauts potentiels. Une gestion prévisionnelle des compétences reste pourtant le plus sûr moyen de réduire les intercontrats. Ce qui entraînerait, par ailleurs, un surcroît de rentabilité à court terme. » Un dernier argument qui devrait faire mouche chez les dirigeants de SSII.
En fait, les propositions de Syntec Informatique reflètent l'état d'esprit actuel des dirigeants de SSII. Confrontées à la baisse des prix, les sociétés de services informatiques, voyant leurs marges s'effriter - notamment dans l'assistance technique - se sentent acculées. Elles ont pourtant deux solutions. Soit prouver leurs compétences par l'enrichissement de leurs prestations en prenant plus de risques et en s'engageant davantage, soit réduire le coût de leurs ingénieurs à la journée facturée.
La seconde étant plus facile et plus rapide à mettre en oeuvre, l'ensemble des SSII a pris des dispositions pour jouer sur les deux leviers que sont le coût moyen à la journée - via la délocalisation en région ou à l'étranger (offshore) - et la chasse aux salariés en intercontrat. Syntec Informatique semble leur emboîter le pas. En définitive, les mesures proposées reflètent les difficultés d'évolution d'un marché français dominé par l'assistance technique. En dépit du discours ambiant, qui constate une logique d'industrialisation des services.
En attendant les négociations avec les syndicats, la chambre syndicale des sociétés de services a rendu public sept propositions visant à assouplir la gestion de ses salariés.
http://www.01net.com/article/221285_a.html
1. Individualisation du chômage partiel
Proposition : les cadres employés sous convention de forfait en heures ou en jours sur l'année ne peuvent prétendre à une allocation spécifique lorsqu'une réduction d'horaire est pratiquée (article L.212- 15-31 II et III). Syntec Informatique demande l'application de ce principe « par collaborateur, et non par service ou unité de travail ».
Réactions : pour la CGT, mettre au chômage partiel les salariés en intercontrat c'est « faire payer ces périodes par les Assedic. Les pouvoirs publics sont-ils prêts à individualiser le chômage partiel, quitte à aggraver le déficit de l'Etat ? ». Le cas des intermittents du spectacle laisse à penser que non.
« Il s'agit de faire supporter à la collectivité la sous-activité structurelle du secteur , renchérit Ivan Béraud, secrétaire général du Betor-Pub (CFDT). A la différence des ouvriers agricoles, le secteur n'est pourtant pas soumis à un phénomène de saisonnalité. » Le Munci défend, lui, une position plus réservée : « Le chômage partiel peut être acceptable seulement après une période d'intercontrat excessive. »
Rappelons, en effet, que la philosophie du dispositif du chômage partiel est le maintien de l'emploi des salariés lorsque l'entreprise connaît des difficultés passagères et exceptionnelles. En outre, « il peut sembler inégalitaire que toute une catégorie d'entreprises - les SSII - soit exclue du dispositif, alors qu'elles en ont véritablement besoin, puisqu'elles emploient des salariés à temps plein quand leur activité est par nature cyclique » , note Aurore Guido-Deaïbes, avocat à la cour au cabinet Bersay & Associés.
2. Utilisation des congés payés, des RTT et du CET
Proposition : les dates individuelles des congés payés sont fixées par l'employeur après consultation des intéressés selon un délai de prévenance de deux mois (article 26 de la convention collective). Syntec Informatique propose de réduire ce délai pour les salariés en intercontrat. De la même manière, « le compte épargne temps pourrait être utilisé par l'employeur afin de gérer une période d'intercontrat » .
Réactions : la CGT et le Betor-Pub s'opposent à cette mesure. Certaines SSII incitent déjà fortement les salariés à prendre leurs jours de congés en fin de contrat si celui-ci n'est suivi d'aucune mission. Sans respecter en cela le délai de prévenance. Le Munci est, lui, « favorable à un aménagement de l'intercontrat par le plan épargne temps » . Ce qui permettrait d'éviter des licenciements secs. Cette proposition révèle toutefois les lacunes actuelles des SSII dans la gestion des emplois du temps de l'ensemble de leurs salariés.
3. La mobilité, un « impératif professionnel »
Proposition : généralisée à toute la profession, la clause de mobilité reste toutefois négociable à titre individuel. Syntec Informatique veut « poser la mobilité comme un impératif professionnel » . L'obligation, pour le salarié, relèverait donc « du statut collectif, et non individuel » .
Réactions : le rejet est unanime. Tout au contraire, la CGT, le Betor-Pub ou le Munci souhaitent encadrer la mobilité pour prévenir les licenciements abusifs. Confier une mission à un ingénieur le plus loin de son domicile dans le seul but de le voir refuser, puis de le licencier pour faute semble, en effet, être une pratique courante. Pour le Munci, la mobilité doit être limitée à la fois dans le temps et géographiquement. Elle doit aussi être, selon Ivan Béraud, assortie d'une contrepartie financière et d'un accompagnement. « La profession est composée à 80 % d'hommes. Que deviennent le conjoint et les enfants lors d'une mission de six mois ou plus ? »
4. Le recours au contrat de chantier
Proposition : déjà appliqué à Syntec Ingénierie, le contrat dit de « chantier » se cale sur la durée de vie du projet. Il peut notamment conduire au « licenciement de personnes dont le réemploi ne peut plus être assuré lors de l'achèvement des tâches qui leur étaient confiées » . Syntec Informatique souhaiterait l'autoriser « dans le cadre de certaines prestations techniques » . Sans plus de précisions.
Réactions : c'est la proposition la plus décriée. Le recours au contrat de chantier permettrait de « jeter légalement dehors les salariés à la fin de la mission » , s'insurge la CGT. Juridiquement, l'introduction du contrat de chantier ajouterait un motif de licenciement supplémentaire - la fin du projet - aux motifs existants (rupture de contrat pour « motif personnel » ou licenciement économique). Pour Ivan Béraud : « Lier contrat commercial et contrat de travail consiste à faire du "sous-intérim". C'est-à-dire sans les contreparties à la précarité, comme la prime de 10 % ou le 1 % logement, obtenus de longue lutte par les intérimaires. Quelles garanties financières fournirait un informaticien en contrat de chantier pour l'octroi d'un prêt bancaire ou pour la signature d'un bail ? »
Des risques de dérive sont aussi pointées du doigt. « Nous le voyons dans les sociétés de sondage où existe le contrat de vacation. Conçu à l'origine pour les enquêteurs, il est aussi utilisé pour les secrétaires ou les agents de maîtrise. » De la même manière, avance Ivan Béraud, « un éditeur pourrait créer une filière service dans le seul but de profiter du contrat de chantier. Il pourrait alors licencier ses développeurs une fois le logiciel achevé » . Pour le Munci, le recours au contrat de chantier empiète sur le terrain des indépendants. A la différence d'un salarié, « un indépendant a choisi ce mode de vie en connaissance des risques pris » . En ce sens, il déplore que Syntec Informatique vienne de refuser d'intégrer les sociétés de portage salarial à la convention collective.
5. Allongement de la durée du CDD
Proposition : « La durée maximale des contrats à durée déterminée (dix-huit mois) et les strictes limitations d'utilisation ne permettent pas à notre secteur d'y avoir recours. » Par voie conventionnelle, Syntec Informatique souhaite aller au-delà de cette période légale.
Réactions : la mise en place d'un CDD dérogatoire soulève aussi le rejet dans une profession où le CDI est roi. A l'instar du contrat de chantier, « il s'agit d'utiliser les CDD pour des emplois liés à l'activité normale de l'entreprise » , estime la CGT. Le flou entourant le cadre de son application - pour quels types de projets informatiques ? - et sa durée maximale - trente-six mois ? quarante-huit mois ? - entretient les inquiétudes. Le Munci, lui, ne voit « pas d'inconvénient à un allongement du CDD si son recours reste exceptionnel » . L'application d'une dérogation suppose néanmoins une modification législative en amont. C'est donc une mesure qui, de toute façon, a peu de chances d'aboutir.
6. L'« inadaptation aux conditions du marché »
Proposition : « Il faut reconnaître une certaine marge de souplesse aux entreprises, sans multiplier les plans de sauvegarde de l'emploi aux effets dévastateurs et amplificateurs. » Deux solutions envisagées : le licenciement « pour inadaptation aux conditions du marché » et le départ volontaire.
Réactions : avec le licenciement pour « inadaptation aux conditions du marché » , Syntec Informatique créerait un motif sur mesure pour, selon la CGT, « licencier en dehors de tout plan de sauvegarde de l'emploi » . Peu disert sur le contour de ce nouveau motif de licenciement non économique, l'organisation patronale laisse planer le doute.
Qui pourrait évaluer l'inadéquation d'un salarié aux conditions du marché, et comment ? « Arguer de l'inadaptation aux compétences du marché est risqué en raison de la difficulté à définir cette notion , tranche Aurore Guido-Deaïbes. C'est, de plus, inutile, puisque l'entreprise a déjà à sa disposition des outils suffisants avec les licenciements pour motif économique et insuffisance professionnelle. » Du reste, cette mesure serait contraire à l'esprit du droit du travail.
7. « Adapter » les procédures collectives de licenciement
Proposition : Syntec Informatique veut « adapter au niveau de la branche les délais de procédures de licenciement économique et le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi » . Ce qui passerait par une meilleure prise en compte des critères de compétences. Pour les entreprises de plus de deux cents salariés, le seuil de déclenchement d'un PSE serait calculé selon « un pourcentage de l'effectif », et non à partir de dix licenciements sur un mois. Par ailleurs, Syntec Informatique préconise la réduction de délai, voire la fusion entre les deux procédures d'information et de consultation du comité d'entreprise des livres IV et III du Code du travail.
Réactions : en voulant assouplir les procédures collectives de licenciement, Syntec Informatique s'inscrit dans le débat en cours sur l'aménagement de la loi de modernisation sociale. Le Munci est prêt à « lâcher un peu de lest » , jugeant les PSE « trop lourds, trop longs et trop risqués pour les entreprises » . D'un avis contraire, la CGT a perçu comme une déclaration de guerre cette phrase ambiguë de Syntec Informatique, située plus haut dans le document : « Transformer chaque licenciement - autre que faute grave ou lourde - en opportunité de nouveau départ pour le collaborateur. » De quel départ parle-t-on ? Tout changement des procédures actuelles reste, de toute façon, soumis aux nouvelles propositions du gouvernement et à un vote favorable du Parlement
http://www.01net.com/article/221294.html
le sujet dans son integralité...http://www.01net.com/article/221285.html avec ses reactions dans le forum de 01net : http://www.01net.com/outils/forum/ [...] 1285#17606
et du site du MUNCI : http://forums.munci.org/viewtopic.php?t=474
que penser de tout cela ? j'espere avoir des avis eclairés sur la questions