Citation :
Il faut donc comprendre les relations hommes-femmes en termes de théorie des systèmes. L’Histoire procède de ce système de contrôle mutuel qui est un rapport de forces, une lutte pour le pouvoir se tramant autour du phallus, symbolique ou physique et qui structure le développement des sociétés. Les hommes passent leur temps à vouloir enfermer les femmes afin de contrôler les phallus physiques auxquels elles auront accès. Par le pouvoir et la domination sociale ils cherchent à contrôler le désir sexuel féminin. Et les femmes, au moyen de la séduction exhibitionniste, passent leur temps à essayer de s’offrir un accès aux phallus physiques. Par le pouvoir et la domination sexuels, elles cherchent à contrôler le désir sexuel masculin, le phallus, pour bénéficier de sa puissance physique et de son pouvoir symbolique et social. Elles cherchent à exciter le maximum d’hommes, de phallus physiques pour s’ouvrir le plus large choix possible dans la sélection de ceux qui leur paraîtront les meilleurs, les plus virils et puissants. On lance un filet, on attend que des poissons s’y prennent, et on ne garde que les meilleurs. Au moyen des vêtements, des cosmétiques, des bijoux et autres artifices les femmes appellent la puissance érectile des hommes en essayant de les faire bander et de provoquer en eux une envie irrésistible de les pénétrer. Toutes les femmes n’ont pas le même potentiel de séduction. Cette lutte pour la conquête des mâles engendre donc entre elles rivalité et jalousie. Les plus douées, les plus belles, au milieu de tous les mâles qu’elles auront réussi à exciter ne choisiront pour s’en faire pénétrer que ceux qui leur paraissent les plus puissants sexuellement, physiquement ou socialement, c’est-à-dire les plus capables d’assumer une paternité conjugale protectrice. La puissance sexuelle est l’indice de la puissance physique. Et le mâle le plus puissant physiquement est souvent le plus puissant socialement. Quant aux femelles les moins séduisantes, elles prendront ce qui reste, resteront seules ou développeront une homosexualité de compensation. Il en va de même pour les hommes laids ou timides.
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Car en effet, aussi longtemps que les femelles éprouveront plus de désir pour les mâles dominants que pour les dominés, les mâles se battront pour être dominants. La violence des mâles, génétiquement programmée par leur taux hormonal de testostérone, est ainsi une simple réponse de la sélection naturelle au désir des femelles qui se porte prioritairement sur les plus agressifs d’entre eux, les plus forts et phalliques. Les femmes n’aiment pas les loosers. Le caractère de coq macho agressif et guerrier de nombreux hommes n’est donc en fait que le résultat d’une sélection sexuelle accomplie par les femmes elles-mêmes qui, séduites par les parades et les démonstrations de force du phallus, n’accepteront de mélanger leur génome et de donner une descendance qu’aux mâles les plus dominateurs, c’est-à-dire les plus protecteurs mais aussi, car toute médaille a son revers, les plus destructeurs. Les guerres et les violences qui jalonnent l’Histoire de l’humanité, loin d’être des phénomènes spécifiquement masculins, sont en fait des produits du système interactif de contrôle mutuel du phallus qui se joue entre hommes et femmes. Tout ce que sont et font les hommes est une réponse au désir des femmes, et tout ce que sont et font les femmes est une réponse au désir des hommes. Au moyen d’une sélection sexuelle impitoyable, chaque sexe façonne l’autre. Les femmes ont donc toujours eu le même poids que les hommes, même si moins visible, dans la construction des phénomènes sociaux et historiques. Rien ne s’est produit dans l’Histoire qui ne fût désiré par les deux sexes.
La contraception comme reformulation du rapport hommes-femmes
Ce que la nature définissait pour les individus, les individus doivent maintenant le définir par eux-mêmes. Les rôles masculin et féminin que la biologie définissait depuis l’origine des temps, les hommes et les femmes doivent dorénavant les renégocier, peut-être même les réinventer. Mais sur quelles bases ? Selon quelles valeurs ? Redéfinir les rôles c’est redéfinir les identités. Avant la contraception on savait ce qu’était une femme, la nature lui attribuait une fonction sociale spécialisée : c’était fondamentalement une mère en devenir ou réalisée. La contraception a dé-spécialisé le rôle social des femmes. En 2003, l’identité féminine est beaucoup plus floue, une femme peut être une mère mais rien ne l’y oblige, d’où la conséquence systémique du vacillement de l’identité masculine. La presse féminine fourmille de ces articles de psychologie de comptoir et de tests de personnalité bidons qui symptomatisent le désarroi contemporain de l’identité féminine. Le succès de cette presse vient justement de ce que les femmes y cherchent en urgence les moyens de se définir une identité qui, sinon, reste dans un flou invivable. Le drame de cette presse vient de ce qu’elle ne propose aux femmes qu’un modèle identitaire fictionnel normé selon des critères purement commerciaux. Et le cynisme absolu de cette presse vient de ce que tout y est faux, y compris les pseudo-récits authentiques qui sont en fait des œuvres d’imagination de pigistes rémunérés au lance-pierre. Mais tout y est calibré pour faire rêver, touchant par là un lectorat prêt à payer pour se faire mener en bateau pourvu que cela lui donne l’impression d’exister dans un monde plus valorisant narcissiquement, plus excitant, où le « moi » est défini positivement. Dommage collatéral : cette presse est en train de transformer des générations de femmes en nymphomanes. Mehdi Belhaj Kacem fait à ce sujet les remarques suivantes : « Quand vous disiez, çà et là, que la presse féminine est la pornographie des femmes, la levée de boucliers était immédiate. (…) Là où le porno masculin se braque sur un centre obsessionnel, le désir féminin, dans la presse du même adjectif, s’atomise partout, ne laisse aucun recoin à l’abri de la sonde. »[4] De fait, le sexe en reste LE sujet de prédilection parce que cela fait vendre. La lecture de Cosmopolitan dans sa version anglo-saxonne est à ce titre riche d’enseignements, abordant ce thème de façon plus directe et moins hypocrite que la version française. Bref, les femmes ne savent plus qui elles sont, ce qu’elles sont, elles sont paumées et par contrecoup les hommes aussi.
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L’hystérocratie ou le règne des images
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