Raminagrobis | Je ne sais pas si vous avez vu l'émission de Riposte (France 5) consacrée au handicap. C'était la semaine dernière je crois. Il y était question du handicap, et de notre regard sur le handicap. Voici la présentation du sujet sur le site de l'émission :
Citation :
Les personnes en situation de handicap sont-elles traitées comme des citoyens à part entière ? Notre solidarité républicaine est-elle sans faille ? Poser la question, c'est hélas parfois y répondre. Sur celles-là et ceux-là, au handicap s'ajoute souvent le regard des valides, des préjugés, leurs craintes, leurs fantasmes et exclusions. Peur, notre peur de tous du handicap, n'être pas comme eux, et être infiniment, pourtant, comme eux, pareils, frères en humanité et en vulnérabilité. Blocages d'une société parfois peu fraternelle et pas franchement égalitaire. Comment mieux accepter et reconnaître l'autre, le handicapé dans la réalité, dans son rapport à l'école, au travail, au chômage et à l'amour ? Comment transformer le regard du valide, qui est souvent, lui, un "handicapé du cur" ? Comment, tous, accéder à ce stade supérieur de la citoyenneté que serait ce nouveau regard ?
|
On peut voir quelques extraits de cette émission ici. Je vous recommande notamment l'extrait qui commence par une intervention d'Emmanuelle Laborit. Vous vous souvenez peut-être d'elle lorsqu'elle a reçu un Molière en 1993 pour Les enfants du silence... Petite biographie ici pour se rafraîchir la mémoire. Voici le regard qu'elle porte sur handicap, je la cite :
Citation :
Emmanuelle Laborit : Le handicap : je déteste ce mot. Moi, je pense qu'il faut parler de différence. Il faut accepter la personne telle qu'elle est. Moi, je n'ai pas envie d'entendre. Les gens disent de moi : "c'est dommage, elle est jolie, mais elle ne peut pas entendre". Mais je n'en ai rien à faire, moi ! Je suis comme ça !
|
Et Serge Moati de s'étonner en lui demandant : "Mais pourquoi ne voulez-vous pas entendre ?". Cette question de l'animateur est tellement révélatrice de nos préjugés. Comment ça se fait ? Comment est-ce possible ? Comment une personne sourde ose-t-elle dire qu'elle ne veut pas recouvrer l'audition ? Ce n'est pas "normal" ! J'ai sélectionné d'autres phrases qui me paraissent significatives, comme celle d'Hamou Bouakkaz, conseiller à la mairie de Paris :
Citation :
Hamou Bouakkaz : Moi, je voudrais voir. Mais je voudrais voir comme je voudrais monter dans une navette spatiale. Parce que je suis pauvre de cette expérience-là. Mais je voudrais aussi être dans un fauteuil, pour comprendre. J'aimerais bien être autiste, je ne sais pas comment ça se passe, ça me fascine. On fait deux blocs : les "handicapés" et les "valides". Mais moi, par rapport à Emmanuelle, je me sens complètement handicapé. Je ne comprends pas dans quel monde elle vit
|
Dans cette émission, il y avait aussi Elisa Rojas, que j'avais déjà vue sur Arrêt Sur Images, suite au Téléthon 2004. Malheureusement, les vidéos de l'émission Arrêt Sur Images ne sont plus disponibles. Mais on peut lire son point de vue ici :
Citation :
Elisa Rojas : Je mappelle Elisa, jai 25 ans et je suis née avec une maladie génétique. Jai une famille sympa, des amis que jadore, jadmets que mon petit ami se fait un peu attendre, mais jessaie de ne pas désespérer.
Après 5 ans détudes, je mapprête à embrasser la profession que jai choisie. La nuit, je ne rêve pas de courir un 100 mètres, de faire du saut à lélastique, ni de ressembler à Pamela Anderson ou à Carla Bruni. Je suis bien comme je suis, fauteuil roulant compris. Dailleurs, contrairement à ce que tous les journalistes (sans exception) prétendent, je ne suis pas « CLOUÉE » (tel le Christ sanguinolent sur sa croix...) mais tout simplement ASSISE dessus. Suite...
|
Dans Riposte, elle dit :
Citation :
Elisa Rojas : On est comme tout le monde : vulnérable parfois, plus solide à d'autre moments, dans un contexte qui ne nous aide pas. Je pense que c'est une erreur de vouloir exagérer dans un sens positif les qualités d'une personne handicapée. [...] Le handicap fait partie de note identité. C'est une différence, mais une différence comme une autre.
|
Au cours de l'émission, Serge Tisseron (psychologue) a eu ces mots très justes :
Citation :
Serge Tisseron : Certains considèrent que les personnes handicapées sont exclues en raison de leur handicap. Il faudrait que les personnes prennent conscience que c'est en raison de leur exclusion que ces personnes se trouvent en situation de handicap. Il est nécessaire d'inverser notre regard. [...] De même, on a tendance à penser que si une personne a honte, c'est parce qu'elle a fait quelque chose de honteux [...] Or, on devient honteux d'être handicapé que parce que l'entourage porte sur vous un regard qui vous fait honte. C'est l'exclusion qui provoque la honte.
|
Ce sur quoi Elisa Rojas a renchéri :
Citation :
Elisa Rojas : On se dit : "Mince, c'est comme ça qu'on me voit ? Je serais "clouée" sur mon fauteuil ?" Quelque part, ça a l'air d'être atroce. On finit par douter de la légitimité de nos revendications. On finit par se voir tel que les autres nous voient et c'est très destructeur. On intègre les préjugés des autres, qui deviennent parfois nos propres limites.
|
Cette émission m'a beaucoup touché. Et vous, êtes-vous prêts à changer votre regard sur le handicap ? |