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Reproduire le cerveau
Qu'ils soient scientifiques ou non, moralistes ou mystiques, avec toutes ces données les chercheurs idéalistes concluent que notre problème ne mettra plus très longtemps à être résolu. Mais on peut sérieusement douter de cet optimiste; avec un peu de réalisme, reproduire un cerveau avec ses quelque 30 à 100 milliards de neurones (1011) ne sera certainement pas pour demain. Son "équivalent" numérique devrait gérer quelque 21011 états possibles ! L'ordinateur qui simulerait ces conditions devrait être plus performant que notre cerveau s'il veut coder mécaniquement tous ces états. Selon Jacob T. Schwartz[9], disposant de 1015 synapses et 10000 contacts par cellule (valeur haute), le cortex de l’homme est capable de traiter 1019 bits d’information soit, en jargon informatique l’équivalent d’une puissance de 10000 Teraflops; notre cortex à la puissance d’un superordinateur Cray-3 mais ce dernier est loin d’être optimisé. Il est très cher, encombrant et serait, au mieux, mille fois plus lent que notre cerveau, à moins d’interconnecter 1000 Cray-3 en réseau.
John Hopfield. Doc U.Princeton.
Nous savons aujourd’hui que les réseaux neuronaux dit de Hopfield[10] ont une capacité de stockage de 0.15n, n étant le nombre de neurones. Par analogie le cerveau serait capable de stocker 15 à 32 milliards de bits, environ 2 Gigabytes, l’équivalent d’une bibliothèque de 2000 ouvrages. C'est dans ce contexte que John Hopfield de l'Université de Princeton a construit une souris Silicium, un modèle informatique constitué de 800 neurones et capable de reconnaître des mots.
Les ordinateurs pourraient ainsi approcher un jour les capacités du cerveau. Les signaux électriques par exemple, se propagent dans un ordinateur à la vitesse de la lumière et parcourent ainsi 10 cm en 0.586 nanosecondes. Un ordinateur équipé d’une horloge battant à moins de 600 MHz suffirait. Nous l'avons construit en 1999. Quant à la dissipation de la chaleur, le cerveau produit de 10 à 100 impulsions par seconde. Il est pourtant capable de traiter 1000 fois plus d’information qu’un superordinateur. Nous sommes peut-être de temps en temps "lents à comprendre", nous gardons la tête froide !
Comment pourrait-on augmenter la vitesse d’un ordinateur sans dissiper trop de chaleur ? Il est possible de véhiculer l’information sur plusieurs canaux en parallèles. Ainsi nous sommes passé des bus de données de 4 canaux ou bits à 8, 16 et bientôt 132 bits.
Enfin, plutôt que de séparer les centres de traitement (processeur) et de stockage (mémoire) on peut aussi fusionner les deux modules, ce qui évitera de devoir effectuer des millions de transferts tout en permettant de s’affranchir de la vitesse finie de la lumière.
Le cerveau est peut-être bien en mesure de calculer et de mémoriser, effectuant simultanément de nombreuses opérations, mais personne ne sait ni où ni comment il le fait. Rien qu’à travers nos yeux transitent des millions de bits d’information chaque seconde. Par comparaison, un portrait digitalisé est reconnaissable sur une trame de 20 x 20 pixels contenant 4 tons de gris représente 1600 bits d’information élémentaires. Mais cette résolution est des millions de fois inférieure à la capacité de notre cerveau. Nous n’avons en effet pas l’impression d’observer notre environnement à travers une trame grossière. Un écran d’ordinateur standard offrant 65000 couleurs et une résolution de 800x600 pixels s’approche déjà plus de l’image que nous avons de notre environnement. Mais cela représente déjà un total d'environ 31 milliards d’informations élémentaires que notre cerveau traite en moins d’une seconde !
La Connection Machine CM-5.
Actuellement l'une des machines les plus rapides, contient 250000 processeurs parallèles et 16000 noeuds de calculs, c’est la “Connection Machine” construite par Thinking Machines Inc. aux Etats-Unis. Pour l'anecdote les connaisseurs la reconnaîtront dans le film "Jurassic Park"; elle apparaît en effet dans le fond de la salle informatique... Le modèle CM-5 a une puissance de calcul de 2.5 TFlops mais son intelligence est encore loin de rivaliser avec celle du plus stupide insecte, qui reste polyvalente. Le système expert équivalent devrait disposer d’un nombre peut-être infini de bases de connaissances pour transmettre ne fut-ce qu’une indication précise sur un objet tel que l’exécute une abeille qui se respecte.
Si tout cela paraît peu envisageable, seul l'avenir nous permettra de découvrir quelle place nous occupons réellement dans l'Univers.
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