Salut à tous,
Je vous fais un copier/coller d'un article paru dans le Monde que j'avais sauvegardé depuis "La nuit des temps" .
Quelques questions pas si stupides sur les couleurs du ciel...
Il faut écouter et prendre au sérieux les enfants qui vous demandent "pourquoi". Oui, pourquoi le ciel est-il bleu le jour ? Et pourquoi est-il noir la nuit ? Questions naïves ? Questions stupides ? Certes non. De la simplicité, elles n'ont que l'apparence. Sachez que les réponses justes à ces interrogations mettent en ?uvre des connaissances en physique et en astronomie relativement pointues...
Alors, pourquoi le ciel diurne ? et dégagé ? se teinte-t-il d'azur et non de marron, de vert ou de violet ? La solution de l'énigme se trouve dans l'atmosphère. Lorsque la lumière blanche émise par le Soleil ? lumière qui est en fait la somme de photons portant toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, comme le prouve l'expérience du prisme ? arrive sur notre planète, elle rencontre les molécules d'air qui, dans un premier temps, l'absorbent avant de la réémettre. Or, selon les lois de la diffusion mises en évidence au XIXe siècle par le physicien britannique Rayleigh, les photons transportant le bleu sont, en raison de leur courte longueur d'onde, dispersés dans toutes les directions, ce qui donne sa couleur au ciel, tandis que les photons à plus grande longueur d'onde, comme le rouge par exemple, repartent en suivant peu ou prou leur direction initiale et arrivent au sol. Sur la Lune, privée d'atmosphère, ce phénomène n'existe pas et, lorsque le Soleil brille, le ciel demeure d'un noir d'encre comme sur Terre la nuit.
Mais au fait, pourquoi cette obscurité nocturne ? La réponse pourrait sembler évidente : lorsque notre étoile ne nous éclaire pas, il n'y a plus de lumière, donc la nuit est noire. Pourtant, un peu de réflexion complique considérablement le problème comme le suggère le cosmologiste Jean-Michel Alimi dans un petit ouvrage intitulé tout bonnement Pourquoi la nuit est-elle noire ? (éd. Le Pommier, coll. "Les petites pommes du savoir", 64 p., 3,90 ? ) : "Le soir au coucher du Soleil, le ciel laisse peu à peu poindre les étoiles, la nuit s'installe, et un univers se révèle sous nos yeux. Il ne semble pas atteindre de limites, les étoiles y sont disséminées peut-être jusqu'à l'infini. Toute ligne droite, ou ligne de visée, partant de la Terre devrait finalement rencontrer la surface d'un de ces astres semblables à notre Soleil. (...) Le ciel entier devrait donc briller d'une intense lumière stellaire."
Ce que l'on appelle en astronomie le paradoxe de la nuit noire a travaillé bien des esprits depuis l'Antiquité. Les Grecs avaient résolu le problème en établissant que les étoiles étaient en nombre limité dans un cosmos clos entouré d'un vide infini. Par conséquent, les astres s'avéraient trop peu nombreux pour tapisser le ciel de lumière et entre eux "passait" le noir du vide cosmique. Bien sûr, grâce à l'invention des instruments astronomiques, les savants commencèrent, bien des siècles après, à s'apercevoir que l'Univers était probablement infini et que l'habitait un nombre incomparablement grand d'étoiles.
DIFFÉRENTES HYPOTHÈSES
D'éminents personnages comme les astronomes Edmund Halley, Edmund Edward Fournier d'Albe, Jean-Philippe Loys de Chéseaux, John Herschel ou le philosophe Emmanuel Kant proposèrent différentes hypothèses justifiant la noirceur nocturne, qui sont autant de solutions fausses : lumière des étoiles trop faible, présence d'un éther absorbant les rayonnements ou d'une myriade d'étoiles sombres masquant les brillantes, distribution en amas des étoiles laissant des "trous" dans le canevas du cosmos. Aucun de ces grands esprits ne trouva la réponse. Il fallut pour cela le trait de génie d'un... poète, Edgar Allan Poe.
En 1848, un an avant sa mort, l'auteur des Histoires extraordinaires ? où bien des mystères sont résolus ? publia Eureka, un poème cosmologique en prose prétendant révéler le secret de l'Univers et proposant une explication véritablement scientifique au paradoxe de la nuit noire, que résume ainsi Jean-Michel Alimi : "Imaginons que l'Univers n'ait pas toujours existé et, par conséquent, que les étoiles n'aient pas toujours existé, qu'elles ne soient apparues qu'à un certain moment dans l'histoire de l'Univers. Depuis ce moment, la lumière n'a pu parcourir qu'une distance finie. Seule la lumière comprise entre nous et cette distance limite a pu nous parvenir. Le nombre des étoiles qui peuvent nous éclairer n'est donc pas en nombre infini, il est fini, il n'est peut-être même pas très grand. Pour Poe, la nuit est noire car la vitesse de la lumière est finie et parce que les étoiles n'ont pas toujours existé."
La théorie de la relativité et celle du Big Bang confirmèrent tout cela. Il faut également ajouter que, l'expansion de l'Univers aidant, le feu des étoiles s'éloignant de nous est décalé dans le spectre lumineux et tombe dans les infrarouges, imperceptibles pour nos yeux. En fait, l'espace est bel et bien baigné de lumière, au sens le plus large du terme. Une lumière dont les ondes visibles ne constituent qu'une minuscule portion. Si nous étions capables de voir les rayons gamma, les rayons X, les ultra-violets, les infrarouges, les micro-ondes et les ondes radio, nous serions aveuglés en permanence et en permanence obligés de porter non pas des lunettes de soleil, mais des lunettes d'étoiles...
Pierre Barthélémy
? ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 17.12.02
Message édité par Boosterx le 16-11-2003 à 10:27:42