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Fiche complète
Bosnie, 1992. Luka, ingénieur serbe venu de Belgrade avec sa femme, Jadranka, chanteuse d'opéra, et leur fils, Milos, s'est installé dans un village au milieu de nulle part afin d'y construire la ligne de chemin de fer qui transformera la région en haut lieu touristique. Tout à son projet, aveuglé par son optimisme naturel, il reste sourd aux rumeurs de guerre de plus en plus persistantes.
Sa vie bascule quand le conflit éclate. Jadranka a disparu au bras d'un musicien tandis que Milos est appelé sous les drapeaux.
Toujours optimiste, il attend le retour de sa femme et de son fils, mais Jadranka ne revient pas, Milos est fait prisonnier et les militaires serbes confient à Luka la garde de Sabaha, une otage musulmane. Très rapidement, il tombe amoureux de la jeune femme, destinée à être échangée contre son fils.
Entretien Avec Emir Kusturica
LA VIE EST UN MIRACLE est une histoire damants maudits. Peut-on considérer Luka et Sabaha comme des Roméo et Juliette des temps modernes ?
D'une certaine façon, oui. Peter Handke ma dit après avoir vu UNDERGROUND que, selon lui, javais tenté l'impossible : réunir les Marx Brothers et Shakespeare. Il a trouvé LA VIE EST UN MIRACLE plus shakespearien. Luka est confronté à un certain nombre de dilemmes shakespeariens. Il a chez lui une otage, Sabaha, dont il tombe amoureux, lui qui naurait jamais conçu, même en rêve, de séquestrer quelqu'un. Quoi qu'il en soit, elle devient son otage. Le dilemme se pose quand il doit l'échanger contre son fils. Que faire ? Il est amoureux d'elle, mais il aime aussi son fils. Ce qui s'est passé pendant la guerre est, à mon sens, tout à fait shakespearien ; j'ai essayé de le dépeindre sous un angle personnel, en y glissant des tas daspects ironiques de la vie.
Donc, les Balkans sont une scène, et les hommes et femmes en sont es acteurs ?
Absolument. Situer un drame shakespearien dans le contexte balkanique, ce n'est pas comme le situer dans le contexte danois ou anglais. Cela implique forcément une petite note païenne. Dans les premières moutures du script, par exemple, Jadranka n'était pas chanteuse d'opéra, mais j'ai apporté quelques modifications pour créer ces situations excentriques où les gens ont l'occasion de perdre la tête et de basculer dans un univers différent. Dailleurs, historiquement, cest la vérité. Les Balkans regorgent de gens talentueux pris individuellement, mais qui cessent de lêtre dès qu'ils commencent à s'intégrer dans une société.
Vous identifiez-vous à Luka ?
Beaucoup. Ce que j'aime chez lui, c'est qu'il ne plonge pas à corps perdu dans l'amour. Il est très vieux jeu. Il se retient de se lier à cette femme parce qu'il veut retrouver son fils. C'est un homme très entier ; je le suis moi-même. Quand je le vois s'approcher de Sabaha pas à pas, je mimagine parfaitement à sa place. Jaurais procédé de la même manière.
Luka refuse de croire à limminence de la guerre
C'est ce qui m'est arrivé. La guerre a éclaté alors que j'étais à Paris. Les quarante premiers jours, je n'y ai pas cru... Mon cerveau fonctionnait peut-être au ralenti, comme les vieilles caméras : quand on bouge, l'image met du temps à disparaître. Je n'arrivais pas à croire que c'était la guerre. Toute une génération de Yougoslaves n'avaient tout simplement pas conscience que cette chose invraisemblable allait leur tomber dessus. Luka leur ressemble beaucoup.
Diriez-vous que cest un film optimiste ?
Je dirais que c'est un film tristement optimiste parce que Luka souvre à la perspective de l'amour. Aujourd'hui, tout le reste fout le camp. Sans sombrer dans le pessimisme, on doit rester réaliste face à tout ce qu'on voit. Le siècle dernier a été marqué par les conflits ; pourtant, jai limpression quil y avait plus d'espoir que maintenant. C'est comme si la mort était devenue un phénomène ordinaire et quotidien. Dans notre monde dépourvu d'utopie, nous devons nous construire notre propre utopie, parce que chaque esprit sauvé, chaque âme sauvée, nous apporte quelque chose.
Vouliez-vous démontrer quelque chose sur la guerre ?
Oui, mais je lai fait en partant de lantithèse. J'ai essayé de m'éloigner au maximum de l'idée qu'il faut désigner la nation qui a raison, la nation qui a tort, lagresseur et lagressé. C'est idiot parce que ça ne résout pas le problème, ça le fige. Et, le jour venu, tout le monde retourne à ce qu'il était avant que le problème ne se fige.
Cette histoire se déroule pendant la guerre et, à mon avis, cest ce qui lui donne toute sa dimension idéologique, parce que cette guerre était extrêmement sale. Rien à voir avec ce que vous avez vu à la télévision, dont le traitement superficiel et manipulateur décrédibilise tout. J'ai essayé dapprofondir les réactions humaines.
Notes De Slavko Stimac (luka)
LA VIE EST UN MIRACLE
"Ce film est un mélange de plusieurs genres. Je le perçois comme un drame familial poétique autour de l'amour - lamour d'une femme, l'amour de la famille - avec, en toile de fond, la guerre et la destruction. On voit comment les destins des petites gens sont affectés. C'est ça, la guerre. On n'a montré ni combats ni armées. On a juste cherché à décrire la guerre du point de vue des gens, et d'une famille en particulier."
Luka
"Luka est un rêveur, un mec gentil. Il ne se sent pas très concerné par tout ce qui se passe autour de lui, par les événements politiques. Son attention est focalisée sur son fils, puis sur le projet ferroviaire et, bien sûr, sur sa femme. Autrement dit, sur sa famille."
La guerre
"Je crois que le film montre juste comment un destin peut être réécrit par un drame ou des circonstances. On voit les personnages comme des individus qui, malheureusement, n'ont presque aucune prise sur la situation. L'accent est mis sur l'amour, la noblesse des sentiments, la dignité."
Emir Kusturica
"Je connais Emir depuis très longtemps. C'est mon troisième film avec lui. Je sais comment il pense et comment il travaille. On s'entend très bien. Je doute qu'il ait écrit le rôle pour moi ; il a juste pensé que je convenais à ce genre de rôle. J'ai lu au moins deux ou trois versions du script, puis on s'est rencontrés, bien avant le début du tournage, pour discuter. Mais c'est surtout sur le plateau qu'on a discuté. On n'a pas organisé de lectures ou quoi que ce soit. Emir ne fait pas ces choses-là. Chaque jour, avant de commencer, on reprend les dialogues et les scènes, et on en parle. Il aime parler. Il puise son inspiration dans tout ce qui l'entoure.
Il lui arrive de faire des modifications pendant qu'on travaille sur une scène. Sur le plateau, on voit les choses différemment que sur le papier."
La scène sous la cascade avec Sabaha
"C'était vraiment quelque chose ! On l'a tournée dans les montagnes, vers la mi-octobre. On avait des bacs d'eau chaude pour tiédir l'eau, mais le chaud affluait vers le milieu de la cascade, où se trouvait Sabaha. En fait, cette scène m'a rappelé un film de Sam Peckinpah dans lequel j'ai joué, enfant. On avait tourné en Angleterre. J'étais dans une scène avec James Coburn qui faisait un rêve où il entrait en courant dans un lac. Si je me souviens bien, on a tourné ça en novembre. Il a fallu trois prises. Trois fois, il a plongé dans l'eau. En novembre, en Angleterre.
Alors j'y ai repensé et je me suis dit : "Allons ! James devait avoir cinquante-cinq ans et il y est bien arrivé, alors où est le problème ? Je vais y arriver, moi aussi." Mais je dois vous dire quil faisait un froid de canard quand on a tourné cette scène !"
Fiche Artistique
Luka : Slavko Stimac
Sabaha : Natasa Solak
Jadranka : Vesna Trivalic
Milos : Vuk Kostic
Veljo : Aleksandar Bercek
Capitaine Aleksic : Stribor Kusturica
Filipovic : Nikola Kojo
Nada : Mirjana Karanovic
Tomo : Davor Janjic
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