Sherdan Sheratan se retourna, bridant sa monture épuisée pour laisser passer devant lui la noble litière de la princesse Yulara. Non loin de là, devant eux, se profilait la première enceinte du château massif de son père. Du haubert de Sherdan, déchiré par la précédente attaque nocturne, un peu de sang vermeil perlait sur la selle ornée de précieuses gemmes. Le soleil matinal revigorant glissa quelques lueurs orangées sur le métal gris de son larmure. Les deux mules chargées du brancard royal avançaient lentement. Trop lentement !, pensa Sherdan, qui souffrait de sa blessure et craignait une nouvelle embuscade. Lesclave Talbazard suivait prudemment le cortège à la lisière des bois, caché dans lenfilade des troncs verts qui masquaient sa couardise. Estimant à tort le danger écarté, Talbazard rejoignit sa place derrière les mules toutes harnachées de pourpre et de grelots. Une nouvelle troupe dOrcs déboula des frondaisons en hurlant, faces grimaçantes aux crocs baveux qui secouèrent Yulara de terreur. Rapidement, Sherdan laça son heaume, épée au poing, prêt à la mortelle échauffourée. Lesclave Talbazard neut pas le temps de retrouver le secours des buissons. Une flèche latteignit dans le dos, puis une autre, alors quil était déjà couché mort sur le sol. Sherdan fonça sur ses ennemis avec une détermination qui força ladmiration de la princesse, malgré le vif danger de sa propre position. Les chevaux des Orcs étaient des bêtes dépeignés, mal brossés, dignes montures de leurs puants cavaliers. Lépée fidèle de Sherdan frappa dans la masse hurlante des cinq créatures. Le chef de ces Orcs éclata dun cri strident, et cest dabord vers lui que Sherdan porta toute la puissance de ses coups. Sherdan tua enfin cet adversaire immonde, chassant toute vie de ses yeux rouges. Dangereusement tenaillé par les autres, Sherdan moulinait sa grande épée dhéroiques cisaillements, et parvint enfin à bout de ses assaillants. Il tomba de cheval, vaincu par lépuisement. Alarmée, Yulara se précipita alors vers lui en courant. Agenouillée auprès de lui, elle souriait avec gràce et tendresse au héros qui venait une nouvelle fois de la sauver. Au milieu des cadavres ignobles éparpillés, la princesse Yulara resplendissait dune beauté surnaturelle, dans la lumière de laurore qui lhonorait. Elle épongea de son voile le visage humide de sueur de Sherdan, laissant celui-ci poser sur elle le regard triste de ses yeux clairs:
- « Il ny a plus de danger, à présent, nous rentrons au château ! »