par Hassen ZENATI
PARIS, 29 juil (AFP) - Le groupe français d'aluminium et d'emballage
Pechiney a relancé mardi le bras de fer qui l'oppose depuis trois semaines à son
assaillant canadien Alcan, en rejetant à nouveau l'OPA-OPE de ce dernier,
qualifiée de "notoirement insuffisante".
Après une passe d'armes mercredi dernier autour de leurs résultats
semestriels, qui n'a pas convaincu les marchés, le débat semble s'être déplacé
durablement sur le terrain plus solide du prix qu'Alcan est prêt à mettre sur la
table pour s'assurer le contrôle de Pechiney.
Le groupe canadien s'en tient pour l'instant à son prix initial de 41 euros
par action Pechiney en numéraire et en titres nouveaux Alcan, valorisant le
groupe français à 3,4 milliards d'euros.
C'est ce prix qui a été estimé "notoirement insuffisant" mardi par le
conseil d'administration de Pechiney pour la deuxième fois depuis le lancement
de l'offre le 7 juillet.
Le PDG du groupe Jean-Pierre Rodier, qui estime que Péchiney peut
"poursuivre seul encore longtemps", a pour sa part parlé de "rapt" et des cadres
supérieurs du groupe de "vol à l'étalage", pour dénoncer les faibles
propositions, à leurs yeux, d'Alcan.
Alors que la moitié des 82 millions de ses titres ont changé de mains depuis
le 7 juillet de la bourse de Paris, Pechiney peut faire valoir que son action se
négocie depuis plusieurs jours à un prix plus élevé que l'offre d'Alcan. Lundi,
elle valait 45 euros, soit 4 euros de plus que le prix proposé par le groupe
canadien.
Des analystes parisiens sont convaincus que si Alcan consentait "un petit
effort" sur le prix, les actionnaires de Pechiney se laisseraient convaincre. La
dispersion de l'actionnariat de Pechiney, dont 67% du capital est dans le
public, et plus de 11% entre les mains de deux fonds de pension américains,
Franklin Resources et Fidelity Investment, rend difficile l'organisation de la
défense du groupe français autour d'un "noyau dur" d'actionnaires.
Le prix d'Alcan comporte une prime de 28% par rapport au cours de clôture du
5 juillet -- à la veille de l'offre -- et de 39% par rapport à la moyenne des
cours du mois précédent.
Mais ce prix est pratiquement deux fois moins élevé que le plus haut
historique affiché par Péchiney en janvier 2000, à 78,9 euros, et inférieur de
15% à sa moyenne des douze derniers mois.
Le PDG d'Alcan, l'américain Engen Travis, est attendu mercredi à Paris.
M. Rodier doit rentrer de son côté à Paris jeudi, à l'issue d'un "road show"
au Royaume-Uni et aux Etats-Unis pour défendre ses positions auprès de ses
actionnaires britanniques et américains.
Les deux dirigeants ne se sont pas parlés depuis le 5 juillet, date à
laquelle M. Travis avait donné la primeur de sa proposition d'OPA-OPE à M.
Rodier, avant de la lancer publiquement deux jours plus tard, à la grande colère
de ce dernier, qui lui avait demandé de temporiser une ou deux semaines.
L'un et l'autre sont convaincus qu'ils doivent reprendre langue, mais chacun
estime que c'est à l'autre de faire le premier pas, a indiqué à l'AFP une source
proche du dossier.
Alcan a déjà fait savoir à la Commission européenne qu'il était prêt à céder
entre 4% et 5% des actifs cumulés du nouvel ensemble et à renoncer à sa
particiation de 50% dans le plus grand laminoir européen d'aluminium, AluNorf,
en Allemagne.
Le canadien doit présenter officiellement son dossier à Bruxelles à la fin
de cette semaine et au plus tard au début de la semaine prochaine.
Alcan a conditionné la poursuite de son projet de fusion à l'accord de la
Commission européenne dès la première phase d'examen du dossier. Il attend par
ailleurs, pour la fin du mois d'août au plus tard, l'autorisation du ministère
français de l'Economie et des Finances.
Pechiney étant un fournisseur de l'aéronautique, l'autorisation de Bercy est
indispensable pour tout rapprochement avec un groupe étranger.