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"Chaque secteur, ou presque, a été en forte hausse", alors que, jusqu'à présent, c'étaient les ménages seuls qui portaient la croissance, a souligné Cary Leahey, du groupe Deutsche Bank.
L'économie américaine a enregistré une très forte croissance au troisième trimestre, ce qui confirme la reprise après des mois de marasme. Le produit intérieur brut (PIB) a progressé de 7,2 % au troisième trimestre en rythme annuel selon l'estimation provisoire publiée jeudi par le département du commerce. C'est plus du double du trimestre précédent (+ 3,3 %), bien au-delà des attentes des analystes, et c'est surtout la plus forte hausse depuis le premier trimestre 1984.
"C'est un chiffre époustouflant, non seulement parce que le chiffre de 7,2 % est impressionnant, mais aussi parce que chaque secteur, ou presque, a été en forte hausse", alors que, jusqu'à présent, c'étaient les ménages seuls qui portaient la croissance, a souligné Cary Leahey du groupe Deutsche Bank.
De côté des consommateurs, les dépenses ont augmenté de 6,6 % (la plus forte hausse depuis 1988), tandis que les entreprises ont recommencé à investir (+ 11,1 %), ce qui tend à confirmer la fin du long marasme de leurs investissements qui durait depuis la fin 2000.
Le gouvernement s'est aussitôt emparé de ces chiffres pour les attribuer à la politique menée par le président George W. Bush et à ses baisses d'impôts votées depuis 2001, qui représentent 1 700 milliards de dollars. "La forte performance montre que l'économie est dirigée dans la bonne voie grâce au programme du président Bush", a assuré le secrétaire au commerce, Donald Evans. Ce programme est très critiqué pour avoir creusé des déficits budgétaires records (374 milliards de dollars en 2003) sans aider l'emploi : 2,7 millions de postes ont disparu depuis 2001, la date d'arrivée au pouvoir de M. Bush.
Mais après la période faste des années 1990 dont a bénéficié son prédécesseur, George W. Bush a dû affronter, il est vrai, la récession (de mars à novembre 2001), les attentats du 11 septembre et la reprise molle qui a suivi.
Les analystes font aussi remarquer que les Américains ont bénéficié au troisième trimestre des remises d'impôts significatives décidées par le gouvernement, qui ont dopé la consommation. Et que la dépréciation du dollar, qui a entamé une baisse contrôlée sous George W. Bush, a également permis de soutenir les exportations et la croissance.
Mais il y a aussi d'autres raisons à ce rebond de la croissance : avec des taux d'intérêt très bas, les ménages ont pu refinancer leurs emprunts immobiliers et dégager beaucoup d'argent.
Du côté des entreprises, "on assiste sans doute à un regain de confiance", estime Drew Matus, du groupe Lehman Brothers, car elles n'ont pas bénéficié de remises d'impôts particulières ; or elles ont quand même augmenté leurs dépenses.
Cela durera-t-il ? "La croissance ne sera pas aussi robuste au quatrième trimestre et au-delà", avertit Sung Won Sohn, de la banque Wells Fargo.
Pour les consommateurs, la remise d'impôt ne se reproduira pas, les taux d'intérêt augmentent et l'automobile, comme l'immobilier, pourraient commencer à peser, souligne-t-il. Point négatif, la croissance pourrait tomber au quatrième trimestre, une fois l'effet des baisses d'impôts passé.
Cependant "les entreprises devraient, avec des recettes en hausse et moins de pression financière, reconstituer leurs stocks et augmenter leurs embauches", ajoute M. Sohn. Aussi les analystes tablent-ils sur une croissance autour de 4 % au prochain trimestre et un peu moins au premier trimestre 2004.
A l'approche des élections de 2004, une nette reprise aiderait M. Bush à renverser le scénario qui fut fatal à son père, lequel avait gagné la première guerre du Golfe, mais perdu les élections à cause du marasme économique.
La menace viendra peut-être, et c'est paradoxal vu la position prudente de la Banque centrale, de la hausse des prix, souligne M. Sohn. Car "la reprise et les déficits budgétaires ont augmenté les prévisions d'inflation", tandis que la baisse du dollar va doper les prix à l'importation.
LES MARCHÉS FINANCIERS SALUENT LA REPRISE
Le spectaculaire taux de croissance des Etats-Unis a été salué par les marchés boursiers, et a fait reprendre des couleurs au dollar. La note mitigée de la Bourse américaine en clôture s'explique par des prises de bénéfices sur le Nasdaq, qui a cédé 0,20 %, mais, en gagnant 0,12 %, le DJIA, principal indicateur de Wall Street, n'a pas boudé l'enthousiasme provoqué par le chiffre du produit intérieur brut américain.
"Cela va ajouter du fuel à un marché déjà chauffé à blanc", a prédit Peter Cardillo, principal stratège boursier de Global Partners Securities. Il a souligné que les composantes du PIB étaient bonnes comme "les stocks qui baissent assez fortement, les consommateurs qui dépensent, les dépenses d'investissement qui augmentent et l'inflation qui reste plutôt basse".
Le taux de 7,2 % a surpris les analystes, qui avaient pourtant plusieurs fois révisé à la hausse leur estimation, et tablaient sur une progression du PIB de 6 %.
La réaction immédiate des marchés (hors Etats-Unis) a été à la mesure de cette bonne surprise : les places européennes ont nettement progressé dans un bel ensemble, avant de se replier légèrement. Paris a clôturé en hausse de 0,61 %, Londres de 0,83 % et Francfort de 0,67 %. "Les chiffres sont forts, ils sont beaux, même si c'était déjà joué hier (mercredi) à New York, où les toutes dernières prévisions voyaient déjà au-dessus de 7 %", indiquait un vendeur parisien.
En Amérique latine, Mexico a pris 1,23 %, Sao Paulo 0,83 %, tandis que Buenos Aires abandonnait 0,50 %.
Sur les marchés des changes, les opérateurs ont eux aussi salué les chiffres américains, faisant reculer l'euro face au dollar. Vers 22 heures GMT (23 heures à Paris), l'euro s'échangeait à 1,1623 dollar, contre 1,1661 dollar mercredi à la même heure. Le dollar a progressé aussi face à la monnaie japonaise et s'échangeait à 108,71 yens contre 108,27 yens mercredi soir.
"On s'attendait largement à ce que le rapport montre une croissance importante. Certaines personnes attendaient ce rapport pour vendre", a déclaré Mace Blicksilver, directeur de Marblehead Asset Management. M. Blicksilver s'est toutefois montré rassurant : "On ne devrait pas en tirer des conclusions trop hâtives. Le marché va réellement bien", a-t-il estimé. Le chiffre du PIB est "extrêmement bon, il a battu les prévisions les plus folles", a ajouté de son côté Peter Cardillo.
Le chiffre de la croissance a éclipsé celui des demandes hebdomadaires d'allocations chômage, qui ont baissé de 5 000 à 386 000 pendant la semaine achevée le 25 octobre.
En Russie, la Bourse de Moscou a pour sa part terminé en chute de 8,14 % après la saisie par le parquet d'un important paquet d'actions du groupe pétrolier Ioukos.
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