http://www.acrimed.org/article2543.html
PRESIDENTIELLE 2007
Les Verts aux médias : « Il y en a ras-le-bol »
Mathias Reymond
Publié le lundi 29 janvier 2007
Invités occasionnellement dans les grands médias, les porte-parole des Verts ne cessent dêtre interrogés... sur leurs rapports avec les autres formations politiques ou les autres candidats, la faiblesse de leurs scores dans les sondages et Nicolas Hulot. Jusquà ce que Dominique Voynet dise « stop ».
« Vous êtes une grosse association » (Jean-Michel Apathie)
Alors que la pré campagne officielle vient à peine de démarrer, Noël Mamère est linvité de Jean-Michel Aphatie dans la matinale de RTL le 5 décembre 2006. Loccasion de connaître le point de vue des Verts sur les questions importantes de lactualité, loccasion de parler denvironnement avec un parti concerné, loccasion de poser des questions à des personnalités politiques que lon entend peu, loccasion de redresser la barre et de ne plus attribuer 80% du temps de parole (comme cétait le cas jusquà la fin novembre dans les radios) aux deux seuls partis qui comptent : lUMP et le PS. Mais, comme les « petits » partis nabordent pas nécessairement les sujets qui passionnent le microcosme des journalistes politiques, les questions vont porter sur le microcosme de... la vie politique. Echantillon des questions posées par Jean-Michel Apathie. Un déluge de fausse impertinence et de vrai mépris :
- Nicolas Hulot intervenait sur RTL, hier matin. Il annonçait que 700.000 Français avaient signé son Pacte écologique. Cest un véritable succès à lheure où tout ne va pas très bien pour les Verts. Vous êtes jaloux de ce succès de Nicolas Hulot, Noël Mamère ?
- Mais alors, Dominique Voynet est scotché à 2%. Il y en a même qui la mesurent à 1%. Cest-à-dire que ça ne marche pas pour vous. Pourquoi ?
- Mais Nicolas Hulot ?
- Sil franchissait le pas, Nicolas Hulot, sil était candidat, ce serait une catastrophe pour vous Noël Mamère ?
- Mais alors, pourquoi - encore une fois - vous navez pas cette reconnaissance de la part du public ?
- Vous êtes lâchés par tout le monde. Daniel Cohn-Bendit disait, il y a quelques jours : "Le parti Verts, cest la fin dun cycle. Cest fini".
- Ce nest pas pour être désagréable avec vous, Noël Mamère, mais quelques chiffres encore : 700.000 Français qui soutiennent le Pacte écologique, cest ce que dit Nicolas Hulot. Le Parti Verts, cest 8.800 adhérents. Et pour le récent congrès (vous lévoquiez), qui sest tenu ce week-end à Bordeaux, des Verts, seulement 4.800 ont voté. En fait, vous êtes une grosse association. Vous nêtes pas un parti politique ?
- Dominique Voynet ira jusquau bout ?
- Un mot sur la polémique sur Ségolène Royal... Son voyage ?
Jean-Michel Aphatie ne semble pas disposé à parler des projets des Verts, ni même denvironnement avec une « association » de 8 800 adhérents. Il préfère parler de Nicolas Hulot, des sondages, de Nicolas Hulot, du voyage de Royal en Chine et de Nicolas Hulot. Pour le fond, voyons avec Le Monde.
« Les Verts servent donc encore à quelque chose ? » (Le Monde)
Rarement conviée dans le quotidien vespéral, Dominique Voynet est interrogée le 18 janvier 2007. Bilan : la candidate écologiste na pas pu exposer la moindre bribe de son programme. Voici les 11 questions qui lui ont été posées :
- Votre campagne "patine". Comment lexpliquez-vous ?
- Dans les sondages, vous ne parvenez pas à dépasser les 2 %. Le sens de votre candidature nest pas perçu ?
- Ce serait donc une question de "timing" ?
- Pourtant Nicolas Hulot parvient, lui, à mobiliser un potentiel électoral.
- Mais il mord considérablement sur votre terrain électoral !
- Les Verts servent donc encore à quelque chose ?
- Quand même, deux de vos proches, Yves Cochet et Jean-Luc Bennahmias, en appellent à votre retrait au profit de Nicolas Hulot.
- Les négociations avec le PS sur les législatives sont au point mort.
- Et si, lundi, Nicolas Hulot se lance malgré tout ?
- Les hausses dimpôts pour les contribuables gagnant plus de 4 000 euros net par mois : vous êtes daccord ?
- Mais quand M. Cochet et M. Bennahmias font valoir que Hulot cest 10 % dans les sondages et Voynet 2 %, que répondez-vous ?
La seule question incitant Voynet à évoquer les idées des Verts (« Les hausses dimpôts pour les contribuables gagnant plus de 4 000 euros net par mois : vous êtes daccord ? ») nest posée que par rapport au Parti Socialiste, et pourrait se traduire ainsi : « êtes-vous daccord avec la position du PS sur la fiscalité ? » Aucune question sur les problèmes généraux, aucune question décologie.
« On vous laisse le micro ouvert ? » (Nicolas Demorand)
Quelques jours plus tard (23.01.2007), sur France Inter, Nicolas Demorand amorce son entretien avec Dominique Voynet par une question sur Nicolas Hulot. Et naturellement, sa deuxième question porte sur... Nicolas Hulot. Las, Dominique Voynet termine sa réponse par : « je veux aller à lessentiel et parler maintenant de mon projet. » Allons-y.
- Nicolas Demorand : Projet important, on va y venir, mais la manière dy arriver aussi est essentielle Dominique Voynet ?
- Dominique Voynet : Mais la façon dy arriver cest de refuser de répondre à toutes les questions sur la petite vie politicienne...
Mais refuser de répondre à de telles questions, cest commettre un crime de lèse-majesté ! Cest refuser de répondre à un journaliste qui pose les bonnes questions... puisquil est journaliste. La réplique de Nicolas Demorand est sans équivoque : cest vous ou moi.
- Nicolas Demorand : Donc vous préférez quon sorte du studio...
- Dominique Voynet : Non, non...
- Nicolas Demorand (menaçant) :... vous voulez quon sorte du studio et quon vous laisse le micro ouvert ?
- Dominique Voynet : Je fais une campagne de terrain et sur le terrain les gens ne me posent pas réellement des questions sur ce qui se passe dans le microcosme politique, ils me posent des questions effectivement sur comment on fait pour réduire notre dépendance au pétrole, [...] comment on fait pour construire des maisons à 100 000 euros...
- Nicolas Demorand (la coupant) : Et comment on fait pour imposer ces questions dans le débat politique ?
- Dominique Voynet (tentant de répondre) : Et bien, on parle comme...
- Nicolas Demorand (ne la laissant pas répondre, il parle par-dessus elle) : Est-ce que vous pensez...
- Dominique Voynet : ... comme je viens de le faire....
- Nicolas Demorand (insistant) : Est-ce que vous pensez... (bis)
- Dominique Voynet : ... on refuse de se laisser entraîner...
- Nicolas Demorand (sourd) : Est-ce que vous pensez... (ter)
- Dominique Voynet : ... sur des terrains qui ne sont pas les bons terrains.
- Nicolas Demorand (pas fatigué) : Est-ce que vous pensez... (quater)
- Dominique Voynet (énervée) : Il y en a ras-le-bol des préoccupations du microcosme, moi cest aux préoccupations des Français que je veux répondre.
Nicolas Demorand, porte-voix du « microcosme » na quune question en tête ; il nen démordra pas : « Est-ce que vous pensez que vous avez la force politique pour imposer vos idées ? Cest une question simple, cest une question noble, cest une question pour savoir comment vous comptez y arriver. » En dépit de la « noblesse » de la question, Dominique Voynet ne veut pas céder : « Nicolas Demorand, jai en tout cas la force nécessaire pour vous dire ce matin, allons pour une fois sur les questions de fond, je vous jure, on nest pas en sécurité alimentaire à travers la planète [...]... »
Sengouffrant dans la brèche quelle est parvenue à ouvrir, la candidate écologiste essaye de développer des idées et exposer les problèmes de lalimentation. Nicolas Demorand ne lui ayant pas posé de question la coupe très vite : « Je vais aller dans votre sens, Dominique Voynet, je vais aller dans votre sens, les... » Voynet linterrompt : « ... Mais vous ne voulez pas mécouter jusquau bout, là ? » Et à la limite du mépris, lanimateur enchaîne : « ... les glaciers, je vais vous le dire très franchement, les glaciers fondent, le climat se dérègle, et les intentions de vote... » Passons sur la nouvelle altercation. « Et les intentions de vote pour les verts sont au plus bas. Expliquez-nous ce mystère de la vie politique française. » Voynet refuse clairement de se plier à la question torturante de Demorand : « Ce mystère de la vie politique française, cest que depuis trois mois cest la question quon me pose alors que moi je vous dis : je ny réponds plus à cette question. Ça va vous agacer, mais je ny réponds plus, parce que si... » Inadmissible, ne pas vouloir répondre à une question dun journaliste ! Demorand la coupe de nouveau : « Mais on aimerait comprendre quand même ! » Le « on » impersonnel dissimule ici ... Nicolas Demorand lui-même et traduit surtout lenvie (débordante) dun journaliste de comprendre ce quil a envie de comprendre. Réponse de Dominique Voynet : « Alors, vous ferez votre travail danalyste politique à dautres moments, moi à partir de maintenant je ne réponds plus à cette question, je réponds effectivement sur le fond [...]. Alors je vous dis ce que je veux : je veux effectivement quon arrête de faire des conneries. Le mot est fort. [...] »
Fichier sonore MP3 - 403.4 ko
Ecouter les échanges Voynet/Demorand
Après 3 minutes dinterview (sur 9 en tout et pour tout), Dominique Voynet peut enfin parler de ce qui importe ou devrait importer dabord : son programme. Ceci nempêchera pas Demorand de se moquer delle avant de poser dautres questions : « Ai-je le droit de vous poser la question suivante ? »
Que Demorand veuille savoir comment Les Verts vont faire pour diffuser leurs idées, pourquoi pas ? Mais le problème posé est plus sérieux : alors que Les Verts (comme dautres partis considérés « petits ») disposent de peu despace dans les médias, les rares occasions où ils peuvent sexprimer sont presque entièrement occupées par des questions annexes (alliances stratégiques, rapport avec les autres partis, scores dans les sondages...). Il y a un temps incompressible identique à tous les partis (« grands » ou « petits ») attribué aux questions politiciennes, ce qui explique naturellement que les grands partis ont plus souvent loccasion daborder le fond.
Mathias Reymond
NB. Faut-il le dire ? Alors disons-le : Acrimed ne soutient aucun candidat..
===FIN DE L'ARTICLE===
Après avoir lu cet article incroyablement révélateur plein de "journalistes" abracadabrantesques officiant sur France Inter, sur RTL et au Monde, on peut hésiter entre deux possibilités:
- ou ces "journalistes" ne sont réellement intéressés que par la politique politicienne et les superstars de la politique
- ou ces "journalistes" pensent que leur rôle de salarié du pouvoir (politique et économique) est d'empêcher les candidats et les partis en-dehors du pouvoir de communiquer leurs idées et leurs critiques au peuple. Car les Verts n'ont jamais eu le pouvoir (ils jouent malgré eux le rôle de figurants dans le spectacle politique), ni à l'Assemblée (1% des députés!) ni au gouvernement Jospin (que des ministères dotés de petits budgets et aucune décision importante possible sans l'aval de Lionel qui les méprisait et méprisait l'écologie, influencé en cela par son grand ami et conseiller, le célèbre chasseur de mammouths Claude Allègre)
Cet article prouve brillamment à quel point le jeu démocratique est truqué par les médias non-démocratiques (ces médias ne sont pas indépendants du pouvoir, et sont dirigés par des...dirigeants, qui sélectionnent les rédacteurs en chef de manière autocratique, ces rédacteurs en chef sélectionnant les sujets du journal de manière autocratique,...et les "journalistes" qui passent à l'antenne sont soigneusement sélectionnés: la preuve lors du référendum sur la constitution européenne: 100% de ces "journalistes" étaient dans le même camp...alors que la population française était divisée en deux camps: 50% / 50%; ce qui prouve, mathématiquement, que tous les journalistes qui n'acceptent pas d'être les perroquets du pouvoir sont écartés des grands médias):
Maintenant vous pouvez vous demander à quel point vos idées politiques sont modelées par le soigneux effacement des idées et programmes des "petits" partis. Leurs idées et leurs programmes ne sont pas dans les médias...donc ils ne sont pas dans vos cerveaux. Un peu comme en Russie. Ou en Algérie. Ou aux Etats-Unis. Comme partout en fait. Ceux qui contrôlent les médias nous empêchent-ils, en n'en parlant pas, en les étouffant, d'avoir des idées différentes de celles qui sont actuellement dans nos cerveaux, et qui y ont pour la plupart été mises là non pas par nous-mêmes après la lecture de milliers de livres écrits par des auteurs et penseurs indépendants, mais se sont retrouvées là parce que nous nous tenons passivement oreilles et yeux ouverts devant les médias du pouvoir?
Message édité par Louvre le 03-02-2007 à 12:00:36